Skip to main content

Full text of "Attentat du 15 octobre 1840"

See other formats


Google 



This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project 

to make the world's bocks discoverablc online. 

It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject 

to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books 

are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover. 

Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the 

publisher to a library and finally to you. 

Usage guidelines 

Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the 
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to 
prcvcnt abuse by commercial parties, including placing lechnical restrictions on automated querying. 
We also ask that you: 

+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for 
Personal, non-commercial purposes. 

+ Refrain fivm automated querying Do nol send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine 
translation, optical character récognition or other areas where access to a laige amount of text is helpful, please contact us. We encourage the 
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help. 

+ Maintain attributionTht GoogX'S "watermark" you see on each file is essential for informingpcoplcabout this project and helping them find 
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it. 

+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are lesponsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just 
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other 
countiies. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can'l offer guidance on whether any spécifie use of 
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner 
anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe. 

About Google Book Search 

Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps rcaders 
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full icxi of ihis book on the web 

at |http: //books. google .com/l 



Google 



A propos de ce livre 

Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec 

précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en 

ligne. 

Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression 

"appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à 

expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont 

autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont 

trop souvent difficilement accessibles au public. 

Les notes de bas de page et autres annotations en maige du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir 

du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains. 

Consignes d'utilisation 

Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages apparienani au domaine public et de les rendre 
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine. 
Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les 
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des 
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées. 
Nous vous demandons également de: 

+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers. 
Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un 
quelconque but commercial. 

+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez 
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer 
d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des 
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile. 

+ Ne pas supprimer l'attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet 
et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en 
aucun cas. 

+ Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de 
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans 
les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier 
les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google 
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous 
vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère. 

A propos du service Google Recherche de Livres 

En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite 
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet 
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer 
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adresse fhttp: //book s .google . coïrïl 



Fr ibia."^, If 




HARVARD COI.LF.Glî 
UliRARV 



COUR DES PAIRS. 



ATTENTAT DU 15 OCTOBRE 1840 



INTERROGATOIRES 



DES INCULPÉS. 



COUR DES PAIRS. 
ATTENTAT DU 15 OCTOBRE 1840. 



INTERR^f^TOIRES 

DES INCULPÉS. 




PARIS. 
IMPRIMERIE ROYALE. 

H DCCC XU. 

*'- - - - — - 



COUR DES PAIRS. 



ATTENTAT DU 15 OCTOBRE 1840. 



INTERROGATOIRES 

DES INCULPÉS. 



INTERROGATOIRES DE DARMES. 

D ARMES (Ennemond-Marius), âgé de 43 ans, frotteur, né à Marseille (Bou- 
ches-du-Rhône), demeurant à Paris, rue de Paradis-Poissonnière , 
n' H. 

1'** interrogatoire subi, le 15 octobre 1840, devant M. le Préfet de police. 

D, Quels sont vos nom, âge, profession? 

R. Je m'appelle Darmès ( Ennemond- Marins ) , né à Marseille , 
quarante-trois ans, conspirateur. Je suis à Paris depuis trente ans. 

D. Votre domicile? 

R. Je refuse de l'indiquer. 

D. Quels sont vos moyens d'existence ? 
R. Je vis en tmvaillant. 

D. Quelle était votre intention en vous plaçant sur la place de la 
Concorde et tirant un coup de feu ? 

R. Mon intention était de tirer sur le plus grand des tyrans. 

D. De quelle arme vous êtes-vous servi ? 

R. D'une carabine ; j'avstis deux pistolets et un poignard. 
Interrogatoires. i 



2 INTERROGATOIRES 

D. Y avait-H longtemps que vous étiez en cet endroit ? 

R. Je refuse de répondre à cettç question. 

D. Aviez-vous des complices? 
R. Je suis seul. 

D. Y avaft-i! longtemps que vous aviez conçu ce projet? 
R. Une heure seulement avapt l'exécution. 

D. Cîomment portiez-vous votre carabine? 
R. Comme cela me faisait plaisir. 

D. Reconnaissez-vous la carabine cassée , le poignard et les pis- 
tolets que nous vous représentons? 

R. Je reconnais la carabine; c'est ma carabine, avec laquelle j'ai 
tiré. Je reconnais aussi ces deux pistolets et le poignard pour les 
miens. 

D. Reconnaissez-vous i écrit intitulé : Histoire de la conspiration 
du général Mallet; I écrit intitulé: Qualités de l'homme vraiment 
moral; la cravate que nous vous représentons? 

R. Ces objets m'appartiennent. 

D. D'où provient la carabine ? 

R. Je n'ai pas besoin de vous le dire; il y a assez de victimes. II 
est inutile de vous dire où et quand je l'ai achetée. 

D. Avez-vous voyagé récemment? 
R. Jamais depuis 1824. 

D. Appartenez- vous à des sociétés secrètes ? 
R. Non. 

D. CKueile est votre opinion politique ? 

R. L'extermination des tyrans. Je suis de la légitimité du peuple , 
un homme du peuple. 

D. Avez-vous déjà été arrêté? 
R, Jamais. 

D. Avez-voua des auus politiques qui vouê aient conseillé le crime ? 

R. Je ne suis pas un fiuiaiique exploité ; la nature seule agit en 
moi. 



DB DARMÉS. a 

D. Aviez-vous eu à tous plaindre de !a personne du Roi ? 
R. Non. 

Immédiatement après, les objets précités, représentés à i'inculpé 
Darmès, et par lui reconnus^ ont été réunis, en sa présence, |)ar 
M. Noël, commissaire de police, saisis par nous, et mis, en sa pré* 
sence, sons scellés, en notre présence , avec étiquettes indicatives 
signées de rinculpé et de nous, et revêtues du cachet dudit commis- 
saire de police; ledit cachet sur cire rouge ardente, savoir: 

i"" Les fragments de la carabine, 
2" Les deux pistolets chargés, 
3"* Le poignard à manche d'ivoire, 
4" Les deux écrits, 
5** Les deux clefs, 

6"* La bourse en soie verte, contenant 3 francs 7 centimes et 
3 iiards. 

Et avons signé avec ledit sieur Noëi. 

Vu les indications des noms Halot et Dutertre, trouvés sur f un 
des écrits reconnus par Tinculpé pour avoir ^lé saisis sur l'inculpé, 
nous avons délégué M. Noël, commissaire de police, à l'efiet de 
rechercher lesdits individus et de les interroger sur les faits de Tin- 
culpation. 

Fait et clos lesdits jour, mois et an que dessus. 

Signé G. DfiLE88£aT. 

i«et 3«ioterrogaioiref subis par Darmèê, les 15 et 16 octobre iS^ka^ckTant M. Dès- 
mortiers, Procureur du Roi près le tribunal de première instance de la Seine. 

D. Quelle est votre profession ? 
R. Frotteur. 

D. Depuis quand étes-vous à Paris? 
R. Depuis trente-trois ans environ. 

L mcuipé nous ayant déclaré que les souffrances qu il éprouvait 
ne lui permettant pas de fK>us4t*pondre plusfcngtemps , il nous priait 

1. 



4. INTERROGATOIRES 

de vouloir bien remettre à demaio les questions que nous voudrions 

lui adresser. 

Nous nous sommes, en conséquence, ajourné à demain. 

Et , le seize octobre mil huit cent quarante, à six heures et demie 
du matin , 

Nous , procureur du Roi , avons i^eprîs l'interrogatoire de Darmès 
en ces termes: 

D. Etes-vous marié? 
/?. Non , Monsieur. 

D. Avez-vous quelque femme avec vous? 
R. Non , Monsieur; je n ai jamais été marié. 

D. Depuis quand étes-vous à Paris? 

R. Depuis environ une trentaine d'années. 

D. Où avez-vous vécu auparavant? '' 

R. A Marseille , dans ma famille. 

D. Que fait votre famille? 

R. Je l'ignore ; elle n'existe peut-être plus. Mon père est resté sur 
les pontons en Angleterre et est venu mourir dans sa patrie. 

Z). Quelle profession avez-vous exercée pisqu'à ce jour ? 
R. J'étais domestique, maintenant je suis frotteur. 

D, Quelles sont les maisons où vous frottiez à Paris ? 

R. Je frotte dans la maison des assurances parisiennes, en face la 
rue Laffitte. Je n'ai pas d'autre maison. 

D. Cette maison ne suffisait pas pour fournir à vos moyens d'exis- 
tence? 

R. Non ; je ne gagnais qu'une trentaine de francs par mois. Je 
gagnais vingt francs dans la maison d'assurances, le surplus par des 
raccrocs. 

D. Appartenez-vous à quelques associations politiques? 

R. Non, Monsieur; la nature seule ma guidé dans mes con« 
yictions. 

D. Comment vous étes-vous formé vos convictions? 



BE DARMÈS. 5 

R. Par l'ensemble des circonstances. Si j avais tué le tyran, nous 
aurions vaincu l'univers et tous ies despotes. 

D. Quels moyens aviez- vous pour cela ? 
R. La tête de Philippe tombée. 

D. La tête de Louis-Philippe tombée ne vous eût pas donné ies 
moyens de vaincre Funivers. 

R. Nous aurions donné la liberté à tous les peuples, qui nous 
auraient aidés, et je pense que toute la France se serait soulevée à 
f instant. Nous aurions brisé le traité du 15 juillet, [e lion de Water- 
loo, et donné la liberté à tous les peuples. 

^ D. Ainsi votre attentat d'hier soir sur la personne du Roi est 
tout politique? 

R. Oui , Monsieur, et moi seul Fai entrepris. 

D. Vous venez de dire tout à l'heure que vous aviez agi dans le 
but de vaincre l'univers; vous n'étiez pas seul pour une pareille en- 
treprise? 

R. Vous ne voyez donc pas la position des choses! J'aurais eu 
avec moi la France entière. 

D. Quelle certitude avez-vous de ce fait? 

fi. La France eût marché seule , et se serait soulevée après l'évé- 
nement. 

D. Quelle certitude avez-vous de ce fait , car je vois au contraire 
que la France est fort tranquille ? 

R. Vous la voyez tranquille, vous; moi, je la vois dans un volcan. 
O' Après avoir vaincu l'univers, quel était votre projet? 
R. De donner la liberté aux peuples, et pas autre chose. 

D. Mais le peuple est aussi libre que la raison peut le désirer, car 
rien ne le gêne, rien ne Fentrave? 

R. C'est une singulière chose ! Comment ! le peuple fait ce qu'il 
veut! Est-il représenté devant la Chambre? Nomme-t-il ses députés? 

D. II les nomme dans les conditions voulues par la loi. 
&. Sans doute, quand les lois sont justes. 



é DrrERROGATOmES 

D. Qxieb soDt les founuuix que tous lisez de prefiarenœ? 
R. Je les lis tous; je résume ensuite mes idées. 

Z). Comment ! tous n en mvez pas un que tous lisiez de préfiérence 
au autres? 

R. Non, Monsieur. 

D. Queb sont vos amis politiques? 

R. Je n en ai aucun. 

D. Lliomme ne vit pas seul dans la société; il sent le besoin 
souvent de communiquer ses pensées. 

R. Je ne voulais voir personne , dans la crainte de compromettre 

quelqu'un. 

D. Cest peut-être cette crainte qui vous empêche aujounfhui de 
nonuner vos amis politiques? 

R. Je n ai pas d amis politiques ; j'ai vu la chose seul , et j ai agi 
seul. 

D. Vous ne pouviez pas avoir un but tout setd. 

R. Vous voyez bien que si , et un homme seul peut souvent faire 
bien des changements. 

Z). En supposant que tous eussiez tué le Roi, qu'auriez-vous &it 
le lendemain? 

R. Je n'aurais rien fait, parce que je m attendais que les hommes 
avides de récompenses m'auraient fait subir le sort de Jacques Clément. 
La France aurait agi ensuite. 

D. Comment ! le sort de Jacques Clément ne vous a pas effrayé 
dans votre action ? 

R. Non, Monsieur; quand on a du courage, on ne s'effraye jamais. 

D. Vous m'avez dît que vous regardiez le Roi comme un tyran ? 

R. Cela est vrai; je ne m'en dédis pas. 

D. Quels sont les actes de tyrannie que vous reprochez au Roi ? 

R, II a trompé la nation depuis dix ans. II protège les grands. Je le 
crois partisan du traité du 15 juillet. Il laisse insulter notre drapeau 
partout. J'en ai dit assez , et je ne vous répondrai plus. 



DE DARMÈS. 1 

Et attendu que l'inculpé paraît fatigué, et que d'aHleura les médecins 

attendent pour foire l'amputation, nous avons ajourné la continuation 

du présent interrogatoire; et, après en avoir donné lecture, Tinculpé 

a persisté dans ses réponses et ses dires, et a signé avec nous. 

4' interrogatoire subi par Darmha,,\el^ octobre 1B40, devant M. Z«iigiaconii, 

Juge d'instruction délègue'. 

L*an mil huit cent quarante, le seize octobre, à midi, nous, 
Prosper Zangiacomi, juge d'instruction près le tribunal -de première 
instance de la Seine, assisté de Jules Chevallier, commis greffier as- 
sermenté, 

« Nous sommes transporté, accompagné du sieur Gazon, chef 
d'escadron , à la Conciergerie , ou étant , nous nous sommes fiait con- 
duire auprès du nommé Darmès, inculpé d'être l'auteur de l'attentat 
commis sur la personne du Roi , le jour d'hier^ à l'efiet de lui repré- 
senter : 1"* les débris d'une carabine saisie hier sur le lieu de l'attentat ; 
2"* une paire de pistolets; 3* un poignard; 4"* une brochure intitulée: 
Histoire de la conspiration du général Mallet, en 481 S., par Dou- 
rille; 5^ un écrit manuscrit intitulé: Qualités de P homme vraiment 
moral. Ces derniers objets saisis sur Darmès au moment de son 
arrestation. 

Interpellé par nous, cet inculpé nous a dit qu'il était dans un tel 
état de souffrance qu'il lui était impossible de répondre à nos ques- 
tions, et qu'il nous priait de remettre notre interrogatoire. 

Nous avons^ en conséquence, cru devoir nous retirer. 

De tout quoi nous avons rédigé le présent procès-verbal , qui a 
été signé, etc. 

Lecture faite, Finculpé a déclaré ne pouvoir signer. 

5* interrogatoire subi par Darmès, le 19 octobre 1840, devant M. le Chancelier de 
France, Président ae b Cour de« Pairs, aoconi pagne de MM. Oecazes, le eamte 
de Bastard, Barthe, le baron Girod (de l'Ain), Mérilhou etPeisil^ Pain de France. 

J'avais d'abord été domestique, ensuite j'ai été frotteur ; ie demeu» 
rais en dernier lieu rue de Paradis , n* 4 1 . 

D. Combien y a-t-il de temps que vous êtes à Paris? 

R. Une trentaine d'années; j'y suis venu en 1808, autant que je 
m'en souviens. 

D. Vous reconnaissez- vous coupable d'avoir tiré, le 1 5 de ce moiSf 
an coup de carabine sur la personne du Roi? 



Il fML Me] 

D T a-vû-f 5r^gT#ifwps que toq§ mé^ffffîn ce 

i> C-5B:-*-(Sre OTe ^oc» ne FaTCi pem-«re rësofai qu'âne beare 
mq a r jp p' jn c . sa» vtxu frviez «undoote niëtfité depoB longtemps? 

^. Je !ie fii pas medhe: c'est k force (ies cfaoses <pii my m 

Z> EâC->:e que ▼oos n'aricz pas £iit aapAr&ruiC qoeiqne teniMJàve 
û^ rnjem^ aanire' 

£. laAaisi. Cek cfaSesn nanrmît serri a hen. car les évëne- 

xyewa ^cjot a ii& bat: mais^ la tête de Phiiîppe tcfabee. ia France re- 
pcenait sa Eranieor et s'attirah à elle um les peapies ses aBiës. 

D Qcf e¥^<e cni toos a donne lien de cf w e toaî ce que toqs 

/î. Ce*! la catcre. cest ma coovkti-:fi. 

D Oc a troQTe cbez toos beaao.iQp dcfflts. vott> écririez donc 



/L Ojî . Moa^â^tir : a cfaaqoe catastrophe f écrirais . mais f ecnvais 
to>:zt seid: funais personne nen sarut rien. 

D. Von* êtes marié '' 

R. Odî . Monâenr. 

O. Est-ce qne roos n'aTez pas ie désir de voir ^otnr teoune? 

/?. E:ie n'est pas a Paris : Toîia deux ans et detnî qne \t ne snis 
pas a^ec efle. 

D. Si eiîe était à Paris . auriez-vous le désir de la voir ." 

IL Je ne pense pas qn'il s<>it nécessaire que fe b ^oie. dans ma 
position. Si on pondait s*en passer.... 

D. Depuis combien de temps a^icz-^ous la caiakine dont vous 
TOUS êtes serri ? 

R. U V ^\ ait très-longtemps. 

D. Vous ne vous souvenei pas à peu prvs depuis combien de . 

teiîps ? 

R. Je ne m*en souv ions pas. 



DE DARMÈS. 9 

D. Y avait-il bien à peu près trois mois? 
R. Je refuse de dire ces choses-Iàr 
D. L avez-vous achetée ? 

R. Oui , Monsieur ; je Fai achetée , je ne Tai pas volée. 
D.. Où lavez-vous achetée? 

R. Il «st inutile de vous dire cela, parce que Ton irait encore tour- 
menter du monde? 

D. Je vous fais observer qu'on ne serait pas criminel pour ce seul 
fait de vous avoir vendu une carabine. 

R. Je le sais bien , c'est un objet de commerce. 

D. Avez-vous, acheté la carabine en même temps que les pistolets 
et le poignard dont vous avez été trouvé nanti ? 

R. W y avait longtemps que je les avais. 

D. Les aviez-vous avant la carabine? 

( Le prévenu paraît hésiter à répoudre. ) 

D. Pourquoi ne répondez-vous pas à cette question ? 

R. Oui , je les avais avant la carabine. 

D. Est-ce que vous n'avez aucun regret du crime que vous avez 
commis ? 

R. Non, Monsieur, parce qu'il était utile pour mon pays, dans la 
position où en sont les choses, où en sont les événements. 

D. Vous êtes fatigué , vous souffrez; je vais vous laisser : vous ferez 
des réflexions, et j espère qu'elles vous amèneront à répondre à mes 
questions avec plus de sincérité que vous ne l'avez fait jusqu'à présent. 

R. Je soufflée , mais je m'y accoutumerai. Vous pouvez contiûuer, 
si vous le voulez; la réflexion ne me fera pas répondre autrement que 
\e ne l'ai fait jusqu'à présent. Au reste, ce n'est qu'une parcelle de la 
France qui a éclaté en moi. 

D. Qu'entendez-vous par ces paroles ? 

R, Le courage.... quelque chose. 

D. Voulez-vous dire par là que vous n étiez qu'une parcelle de la 
•force qui devait agir pour l'exécution du crime dont vous vous êtes 
rendu coupable? 

R Non; j'ai voulu dire que c'est la nature même qui a agi. 

InT£BR0GAT0IRE8. 9 



1 INTERROCATOIRES 

6* interrogatoire sabi par D armes ^ le 98 octobre 1840, devant M. le Chancelier 

de France, Président de la Cour des* Paivs. 

D, A quelle heure êtes-vous sorti de chez vous le 1 5 ? 

R. A six heures du matin. 

D. Où êtes-vous allé? 

R. Je suis ailé faire ma besogne à la Parisienne, boulevard des 
Italiens, n"" 9, et jen suis sorti à dix heures pour aiier déjeuner. 

Z). Où avez-vous déjeuné ? 

R, Rue de Provence, dans une gargote qui est là au 

Cadran-Bleu. 

D. Comment sappelle l'homme qui tient le Gàdran-BIeu ? 

R. Je ne sais pas son nom; c'est ww gros homme, un Savoyard, 
un bouledogue; il me connaît à peine. J allais de temps à autre chez 
lui, je n avais pas d'endroit fixe; j'allais tantôt d'un cdté, tantôt de 
l'autre. C'est tout près de la rue Montmfirtre. 

D, £tiez*vous^eui, quand vous avez fait ce déjeuner? 

R, Toujours seul. Quand j^étais avec quelqu'un , on ne me voyait 
pas. 

D, Où avez-vous été , en sortant de ce cabaret ? 

A. En sortant de mon auberge , je suis rentré chez moi ; je suis 
retourné à la Parisienne, où j'avais une copie à faire, et où je savais 
que je trouverais du papier. Ensuite je suis rentré chez moi; j'ai con- 
voqué mon tribunal révolutionnaire pour quatre heures, dans ma 
chambre: 

D. De qui se composait votre tribunal révolutionnaire? 

R. Il se composait de Mably , J. J, Rousseau et moi. 

D. A quelle heure rte^vous ressorti de chez vous? 

R. Je suis ressorti à cinq heures. Après avoir examiné la position 
de la France tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, je me suis décidé; je 

me suis armé et suis parti sur-le-champ à cinq heure» moins 

un quart. 



DE DARUÈS. 11 

£). Ce n est pas chez vous que irous vous êtes «rmë? 

R. Je vous demande pardon. 

D. On vous a vu sortir, votre rediugo te ouverte, les bras bailairts ; 
vous n'aviez pas d'armes. 

R. II est certain que je ne me suis pas organise de manière à être 
vu. Je n'ai pas dit au seilrer : Tenez, voyez, je suis armé. J'ai filé d'un 
pas rapide, et Ton n'a rien vu. ^li ne £a.ut pas aller chercher/ les gens: . . 

D. On a trouvé chez vous de la poudie et des balles; d'où prove- 
naient cette poudre et ces balles ? 

R. Les balles provenaient de 18 30; je les avais eues à la caserne 
de fa* rué de îa Pépinière ; j'avais conservé des cartouches de ce temps-ià. 

£). Est-ce que vous vous êtes battu en 1830? 

R. J'ai agi un peu , mais je n'ai jamais tiré un coup de fusil dans les 
rues , nien 1 830, tii depuis ; je n'ai jamais tiré m'^ur^e peuple, nf^ur 
ies solds^ts; ce n'est pas là mon but : c'est sur l'ennemi qu'il &utmarchei*. 
En 1 830, je suis entré dans la cour de la caserne avec, ia fouie; j'ai eu 
pour ma part un certain nombre de cartouches, j'en ai distribué aux 
combattants et j'ai gardé le reste pour moi. 

D. Avez-vous été quelquefois à la chasse ? 

R. Quelquefois, oui, Monsieur; je tiiais même assez bien. Jai 
chasse lorsque j'étais chez M. le marquis d'Harcourt. 

D. Y a-t-il longtemps que vous n'avez chassé? 

R. Qui, il y .a longtemps ; je ne chasse plus depuis que je n'habite 
plus ia campagne. 

D. Comment était chargée ia 4:arahiue. ^ont vous vous êtes servi? 

R. I! y avait la, poudre d'abord, trois ou quatre chevrotines et 
cinq petites balles. 

D. Quelle quantité de poudre aviez-vous mise dans Farme ? 

R. Une once et demie, deux onces.... H y en avait de trop, enfin; 
je n'ai jpas mesuré au juste. 

y/). Avi^-vous déjà tiré. Avec cette carajbine? 
/{•-Jamais. 

9 



12 INTERROGATOIRES 

D, Combien vous avait-elle coûté? 

R. Huit francs. 

D. Y avait-il longtemps que vous laviez? 

R. II n'y avait pas mal de temps....; plus d'un an. 

D. l/aviez-vous achetée à Paris? 

R. Je lavais achetée à Paris, oui» Monsieur. 

D. Chez qui laviez-vcus achetée? 
R. J'ai refusé de vous le dire. 

D. Si vous refusez de le dire, on croira qu'elle vous a été donnée, 
et que par conséquent vous avez des complices. 

R. Je l'ai achetée chez un brocanteur, place de la Bourse. 

D, L'avez-vous achetée dans le but d'en faire un usage criminel? 

R. Dans ce temps-là je ne l'ai pas achetée pour cet usage , puîs- 
qu'alors les événements n'étaient pas poussés à ce point. 

D. Alors qui est-ce qui a pu vous décider à faire cette acquisition , 
vous qui n'étiez pas bien riche ? 

R. Je voulais avoir des armes; il n'y a pas besoin d'être riche 
pour vouloir avoir des armes. 

D. Depuis combien de temps aviez-vous les pistolets qui ont été 
saisis sur vous? 

R. II y a au moins sept ou huit ans : je les ai achetés à un homme 
qui passait et qui allait je ne sais où ; je les ai achetés cent sous. 

D. Les aviez-vous récemment chargés? 

R. Je les ai chargés le même jour que la carabine. 

/). Le poignard qui a été trouvé sur vous, où l'avez-vous acheté? 

R. Le poignard, je ne f ai pas acheté par exemple ; il m'a été remis 
par la servante de M.Isouard, l'un des locataires de la maison rue 
du Faubourg-Poissonnière, n" 33 , où jetais portier. Ce poignard 
peut appartenir à M. Lefebvre, peintre de tableaux sous Charles X, 
qui occupait l'appartement dont il s'agit, précédemment à M. Isouard. 



DE DARMÈS. 13 

jD. Depuis combien de temps connaissez-vous Valentin Duclos ? 

R. yalentin ! je ne îe connais qu'indirectement, je ne le con- 
nais même pas; je le connaissais comme les autres cochers qui 
étaient là sur le ti*ottoir et que je voyais en passant. II ne faut pas 
se tromper là, surtout; il ne faut compromettre personne qui soit 
innocent. 

D. Est-ce que vous n avez pas été le voir quelquefois chez lui , à 
La Chapelle? 

R. Nous nous sommes quelquefois trouvés ensemble par-ci par-là, 
au hasard; je Tai rencontré quelquefois en allant dîner, sur le bou- 
levard, d'un côté et d autre, mais je nai jamais été chez lui; et puis, 
quand même, je ne lui aurais pas communiqué mon projet. Dans le 
siècle où nous vivons, il y en a beaucoup qui en auraient tiré parti... 
Siècle d'égoïsme ! 

D. Est-ce que vous ne Pavez pas vu au banquet des communistes 
à Belleville? 

R, J'y ai vu beaucoup de monde. 

D. Mais lui, en particulier, vous l'y avez vu? 

R. II m'a semblé le voir. 

D. N'étes-vous pas i^venu de Belleville avec lui? 

R, J'en suis revenu seul. 

D. Valentin Duclos a déclaré lui-même qu'il était revenu avec 
vous. 

4 

R, Il a eu tort de déclarer cela ; je suis revenu seul. 

D. Ne saviez-vous pas que Valentin Duclos avait chez lui un dé- 
pôt considérable de cartouches ? 

R. Je ne m'occupais pas des autres, je ne m'occupais que de moi; 
c|ue chacun agisse à sa manière. 

D. Vous connaissiez Pillât, qui présidait ce banquet? 

R. Je ne le connaissais pas, je ne te connaissais que pour Pavoir 
iw, pour ainsi dire. 



14 INTERROGATOIRES 

/>. Est-ce ^ne ce u est «pas lui qui vous a donné ceux de ses* ou- 
vrages qu'on a trouvés chez vous? 

R. Non, Monsieur t ce 42eat pas lui; je ne l'ai même jamais vu. 

D. Vous venez de dire tout à l'heure que vous le connaissiez pour 
l'avoir vu? 

R. Au milieu/ d'une assemblée de 1,200 personnes, je n'étais pas 
posté pour le voir: tout le monde dans une réunion aussi nombreuse 
ne peut pas voir ie président; je l'ai seulement entendu parier^' du 
moiiii6 on^A^it qiie c-'était luioQuant àsiea.ouvn^f6 qui ont été trouvés 
chez. moi, je les ai achetés.; 

D. On était divisé en sections, au banquet de Belleville; de quelle 
section étiez-vous? 

R. Je ne saurais vous le dire. 

>/). Quel ^tait le dm( de cette section? 

R. Je ne le connais pas : il y avait eu un commissaire nommé , 
mais je ne le connais pas. 

D. Qui est-ce qui nommait ces commissaires? ^ 

R. Je ne sais pas ; ils étaient nommés d'avancer 

D. Vous étiez un des plus zélés communistes, à en juger par vos 
conversations et par vos propres écrits saisis chez vous? 

R. Sans doute. 

D. Comment vous étiez-vous introduit dans cette société-là? 

R. Je ne fais partie d'aucune société ; je suis allé au banquet de 
Belleville* par curiosités en vamateur : tous ceux qui sont allés au Jban- 
quet de Châtillon ne sont sans doute pas des comniun^stes. Je ne 
suis pas un fanatique exploité ; j'ai agi d'après mes convictions et 
seul. 

D. Vous étiez aussi au banquet de Châtillon? 
R. Oui, Monsieur, en amareur. 

D. Qui est-ce qui vous y .•> fait aller? 



DE tyARMèS! 15 

R. Une lettte qui w'^6* arrivée. On m'a demandé si je voûtais y aller, 
j'ai dit oui; j'étais assez amateur podr«f»tetidre lë^ toasts. 

D. Eteswous resté jusqu'à k fin dii banquet?* 

R. Oui, Monsieur, jusqu'à 9 heures et demie, 10 heures du soir. 

D. Ne faisiez-vous pas partie de la bandequi , au retour, a blessé 
un agent de la force publique? 

R. J'étais déjà rentré dans Paris lorsqu'on nous a dit qu'on avait 
arrêté des gardes nationaux; nous avon» rétrogradé vers la barrière 
pour les faire rendre, mais l'afiaire était déjàiiaîte. 

D. Qu'est-ce que vous avez été faire , vous qui n'étiez pas ouvrier , 
dans une réunion d'ouvriers qui a eu lieu dans la plaine de Pantin? 

R. Je suis allé là en amateur, |>our voir \eti gens, de quelle opi- 
nion , ce qu'ils faisaient là. 

D. N'aviez-vous pas préparé un discours qui devait être lu dam 
cette réunion? 

R. Je ne l'ai pas préparé , cela m'est venu à l'instant même : je l'ai 
écrit au crayon, au soleil. On a dû en trouver une copie dans les^ pa- 
piers saisis chez moi. 

D. D'où provenait ia poudre avec laquelle vous avez chargé votre 
carabine? 

R. C'était de la poudre que j'avais achetée depuis longtemps.* 

/X. Depuis combien de temps? 

R. Depuis deux ans. 

D. N'alliez-vous pas très4iabituellement chez un marchand devin 
nommé Lesfiinasse? 

R. Rarement H y a deux ans que je n'y suis allé. Quel- 

quefois j'enti'ais pour boire un petit verre. 

D. Est-ce que vous n'entriez pas quelquefois dans une pièce qui 
était derrière la boutique, et où vous causiez avec quelques personnes? 

R. Non, Monsieur, jamais. Il y a un mois, je suis entré chez lui 
deux fois, pour boire un verre d'eau-de^vie, mais je n'ai pas causé; 
ces gens-là ne sont pas de ma catégorie. 



16 INTERROGATOIRES 

D. Comment ! ils ne sont pas de votre catégorie ! Mais vous saveau 
bien que l'un des fils Lespinasse était Tami SAlibaud. 

R. Je n'ai pas su ce qui s est passé dans le temps; d'ailleurs, cela 
n'avait rien de commun avec le père et avec l'autre. Ces gens-ià sont 
innocents de ce que j'ai fait , ils n^en ont rien su. 

D. Ne connaissez-vous pas un nommé Halot? 

/?. Non, Monsieur; qu'est-ce que c'est que Halot? 

D. C'est un homme dont le nom se trouve sur un papier saisi sur 
vous , et qui a été compromis dans l'affaire d'AUbaud. 

R, Je ne le connais pas. 

Z). Vous ne connaissez pas non plus Dutertre, dont ie nom se 
trouve aussi sur le papier dont je viens de vous parler? 

/?. Je ne connais pas ces personnes-là; je ne sais pas comment 
leurs noms se sont trouvés dans ma poche. 

D. De qui teniez-vous l'exemplaire de la conspiration de Mallet 
qui a été saisi sur vous ? 

R. Ce sont des hommes que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam, et 
qui m'ont vendu cela incognito, le soir. 

£). N'avez-vous pas été frotteur chez Louis Bastide, auteur de 
poésies politiques? 

/?. Non, Monsieur. 

D. Mais vous le connaissez au moins, car vous avez bu plusieurs 
fois avec lui chez des marchands de vin ? 

R, Je ne connais personne et personne ne me connaît ; ces Messieurs 
ne savent pas d'où le coup est parti. Ils ont dû être étonnés en rappre- 
nant. J'ai agi seul. 

D. Quel mpport aviez-vous avec un nommé Pastel, frotteur? 

R. Je n'avais de rapport avec aucun frotteur. 

D, Ce Postel, la veille de l'attentat, a dit que , le lendemain , il se 
passerait un grand événement dans Paris. 

R. Il peut avoir dit tout ce qu'il a voulu , je ne le connais pas. 

Après lecture, etc. 



DE n ARMES. . 17 

/>. tTai oublié de vous demander de qui vous tenfez une médaille 
à^ Armand Carrel qui a été saisie sur vous? 

iR. Je 1 ai achetée il y a longtemps dans un café où on la faisait 
voir. Cest moi qui l'ai eue; elfe ma coûté trois francs. 

Z). N'avez - vous pas été , ia veille de i attentat ou quelques jours 
auparavant, reconnaître la place où vous deviez le commettre? 

R. Sans doute; il a fallu que j aille reconnaître mon poste et mon 
point de mire. Je savais bien qu'il passait par là; jy suis allé cinq ou 
six jours auparavant. 

D, Vous n'étiez pas seul en ce momcnt-Ià? 
R. Si, Monsieur, toujours seul. 

D. Le jour où vous avez fait cette reconnaissance , une voiture 
de la cour n'est-elle pas passée ? 

R. Je n'ai rien vu. 



7* interrogatoire snbi par Dormes, le 39 octobre 1840, devant M. Zangiacomi, 

Juge d'instruction dele'gue'. 

Nous nous sommes transporté à la Conciergerie, où étant , nous 
nous sommes fait conduire auprès du nommé Dmtnès {Ennemond- 
Marias)^ à qui nous avons représenté un paquet annoncé contenir 
de la poudre et des balles, et lui avons demandé s'il reconnaissait 
rîntégrité des scellés apposés sur ledit paquet ; il a répondu aflirma- 
tivement. 

Et aussitôt nous avons rompu lesdits scellés, et avons reconnu 
qu'en eflfet le paquet, qui est enveloppé dans un numéro du journal 
le Siècle, contient des balles, ainsi que du plomb roulé en forme de 
balles; mais il ne s'y trouve qu'une seule cartouche et de la poudre 
fine, plus trois pierres à fusil et une petite boîte de capsules. 

Interpellé sur l'origine de ces objets, Darmès dit: «Les balles, au 
nombre de neuf, proviennent de 18 30. Quant k la poudre, je l'ai 
achetée; je ne me rappelle ni où ni quand j'en ai fait l'acquisition. 
Interrogatoires. 3 



ÎS INTEBBOGATOIRES 

ttuant auxt morceatiac de plomb, c'est. moi qui les ai roules: à coups 
de marteau. 

ctEnfîn^Ies p^res à fusil, au nombre de ^t/a/r^^ ont été achetées 
par moi. Je ne me. rappelle également pas à quelle époque ni dans 
quelle boutique. » 

Nous avons représenté à l'inculpé que les balles ne nous paraissaient 
pas être de calibre, et que par conséquent elles ne pouvaient pas 
provenir, comme il l'avait dit dans son interrogatoire d'hier, de car- 
touches prises à h caserne de la Pépinière en 1830. 

Darmès a répondu qu'il ne les avait pas eues autrement, et que 
les balles se trouvaient, comme il vient de le dire, dans des cartouches 
provenant du pillage de la caserne de la Pépinière en 1830. 

D. Qu'avez-vous fait de la poudre de ces cartouches ? 

R. EUe s'est trouvée dissipée depuis longtemps; mais je ne m'en 
suis servi dans aucune émeute, parce que ce n'était pas là mon but. 

D. D'où provient la cartouche contenant deux balles que je trouve 
dans ce paquet? 

R. C'est moi qui l'ai faite, mais je ne sais pas dans quelle occasion. 

Cet interrogatoire terminé, nous avons fait placer, en présence de 
rinculpé, sous des scellés séparés, les poudres, balles, pierres à feu 
et papiers servant d'enveloppe auxdits objets. Nous constatons toute- 
fois que les papiers ont été mis sous un scellé découvert, afin d'en 
fiure ultérieurement l'examen et la comparaison avec diautres papiers 
saisis chez d'autres inculpés. 



s* interrogatoire subi par Darmès, le 39 octobre 1840, devant M. Zangiacomi, 

Juge d'instruction délègue. 

Nous nous sommes transporté à la Conciergerie, où étant, nous 
nous sommes fait conduire dans la chambre du nommé Dmmès , et 
là, en la présence de MM. Gazan et Chevallier, experts, nous avons 
levé les scellés apposés par nous sur un paquet contenant les balles et 
la poudre saisies chez l'inculpé; puis nous avons remis la poudre, 
Iqs balles,. les pievres à fusil, une boite de capsules, uit^ sac paraissant 
9^ojr contenu de la poudre et. la. charge des pistolets v^ à.. MM. Gakan 



et Chevallier, pour procéder laux^^vérificmtioiispi^cédetnraentoition-, 
nées par nous. 

L'inculpé a déclaré qu'il n'avait pas d'obsei*vations à faire à la re- 
mise de ces objets à MM. les experts, et qu il reconnaissait l'intégrité 
des scellés qui les renfermaienft. 



a*' interrogatoire subi par Darmiê,.\e 4 novembre! 84 ftf 4eiraiil) M. le Chauociier 

de France, Président de la Cour des Pairs. 



Z). Je vous ai déjà dit combien il vous importait de dire la vérité; 
je vous le répète, pour que vous n'ignoriez pas que c'est de vouSi de 
votre sincérité, que dépend en déGnitive votre dernière destinée. Le 
compte que vous avez rendu de Temploi de votre journée du 1 5 n^est 
pas exact. 

R. Je persiste dans les déclarations que j'ai faites. Des geiis de la 
maison ne peuvent pas savoir comme moi ce que j'ai tait; ils ne m'ob- 
servaient pas. 

D. Je vais reprendre en détad votre mtcrrogatoire sur un certain 
nombre de points . A quelle heure étes-vous allé à votre ouvrage 
le 14?' 

R. A six heures et demie. 

D. A quelle heure en êtes- vous sorti? 

R. J'en suis sorti à neuf heures et demie; je suis rentré dans ma 
chambre, et sans doute après je suis sorti comme je faisais toujours. 

D. N'avez-vous pas été ce jour-là chez le savetier où vous travailliez 
quelquefois? 

R. Non , Monsieur; il ne m'a pas vu ce jour-ià. 

D. Ce jour-là, voua avez été veis midi place Louis XV? 

R. Je le crois. 

D. Qu'est-ce que vous y avez fait? 

R. J'ai observé l'emplacement et ie point de mire où je devais agir» 

3. 



M INTERROGATOIRES 

D. Vous n'étiez pas seul a ce monient4i ? 

R. Seul, toujours seul. 

/). Vous avez été ru arec un autre individu. 

R. Cest faux , absolument faux , parce que pour faction fai agi 
seul. D'abord, je n'aurais jamais voulu m'ouvrir à personne, parce que 
les hommes en auraient tiré un bon parti. 

D. Ce jour-b , vous aviez déjà votre arme avec vous? 

A. Je vous demande pardon. 

D. Vous avez vu passer ce jour-là une voiture de ia maison du 
Roi? 

R. Je ne me rappelle pas ce fait. Je savais bien que c^était là où il 
passait. 

D. Dans la journée du 1 5 , à quelle heure êtes- vous sorti de la com- 
pagnie d'assurances? 

R. J'en suis sorti à neuf heures , comme d'habitude ; f ai (hfjenné ; 
je suis rentré chez moi où j'ai pris quelques papiers que je voulais 
copier à la compagnie d'assurances; mais je n'ai pas pu finir cette copie. 
Je suis rentré chez moi à onze heures. 

D. Quelle était la pièce que vous vouliez copier? 

R. C'était, je crois, un règlement de la société des ouvriers égali- 
taires. 

D. N'était-ce pas le règlement de la société des travailleurs? 
R. Oui, Monsieur. 

D. Où avez-vous déjeuné ce jour-là? 

R. Je vous Fai déjà dit : chez mon gargotier, rue de Provence. 

D. Le gargotier de la rue de Provence et ses garçons , qui vous 
connaissent bien , déclarent ne pas vous avoir vu ce jour-là. 

R. C'est qu'ils n'ont pas voulu me voir. J'ai mangé une soupe, 
comme d'habitude, et deux sous de pommes de terre. Us doivent bien 
savoir que c'était li ce que je prenais d'ordinaire. 



DE DARMÈS. 21 

s 

D. C'est prëcisement parce qu'ils vous connaissent et qu'ils savent 
vos habiludes qu'ils sont très-croyables quand ils disent qu'ils ne vous 
ont pas vu le i Ô« Par conséquent vous avez été ailleurs. 

R. S'ils ont dit cela , ce sont des menteurs. 

D. Au lieu de déjeuner chez ce gargotier, ne seriez-vous pas allé 
sur la route de Pantin? 

R. Non, Monsieur; plus tard, j'ai remangé dans ma chambre. 

D. Qu'est-ce que vous avez mangé dans votre chambre? 

R. Deux harengs qtie j'avais achetés à une femme qui passait dans 
la rue. 

D. Je vous ai déjà dit que tous les témoins habitant votre maison 
disent que vous êtes rentré le 15 vers midi et demi, que vous êtes 
ressorti à une heure, et que vous n'êtes pas rentré. 

R. Ce sont des menteurs. Ce jour-là même, vers les midi ou une 
heure, j'ai bu un demi-setier avec le poitier de la maison. Lie sellier 
a dû me voir sortir sur les cinq heures moins un quart : je suis 
passé à côté de lui. 

D. Où aviez-vous déposé votre arme, avant de vous en servir? 

R, Dans ma malle. 

D. Hors de votre maison? 

jR. J'ai toujours eu mes armes chez moi. Il n'y avait que moi qui 
le savais. 

D. A quelle heure ètes-vous arrivé , le 16, sur la place Louis XV? 

R. Sur les cinq heures. 

D. Vous n'êtes pas sans doute resté toujours à la même place ? 

R. Je n'y suis seulement pas resté une minute. 

D. De quel côté êtes-vous allé ? 

R. Du côté de l'obélisque et des fontaines. 

D. Avez-vous été du côté des Champs-Elysées ? 
R. Non, Monsieur. 



SS INTERfiOGATOIRES 

D. Avez-vous été do cété des chevaux de Mariy ? 

A. Non , Monsieur. Je revenais toujours du côté de fa statne At la 
ville de Marseille , qui est derrière le corps de garde. 

D. Comment portiez-vous votre arme? 

R. Sous le bras tout à fait; |e la soutenais par la iiatterie, en^ pas- 
sant la main par la poche de ma redingote; elle me venait) ^ysqô'mu 
genou: ma redingote était plus longue. J^avais choisi le corps de 
garde , pour ne pas donner de soupçon aux agents qui étaient placés 
auprès. J'étais décidé à me constituer prisonnier, pomr ne ^as être 
maibtùté par les hommes avides de récompense. 

D. N^avez-vous pas été accosté sur la place par un homme en veste? 

fi. Je n'ai été accosté par personne. Seulement , à un certain mo- 
ment, quand j'allais du côté de la fontaine, un individu s'appiiocha 
très-près de moi ; il avdit l'air d'un agent de police. Je tournai à droite 
pour l'éviter, et fis semblant d'entrer dans les Tuileries. 

D. N'avez-voos pas bu .sur la place Louis XV un verre d'ea»<ie« 



vie? 



fi. Non, Monsieur. 

D. Cherchez bien. 

R. Je ne pense pas.... Je n'ai pas bu d'eau-de-vîe ; je n'aurais pas 
été me montrer en public , armé comme je l'étais. 

D. Vous n'avez pas dit la vérité sur votre arme , sur celle qui vous 
a sei-vi à commettre le crime. Vous avez pu acheter une arme chez 
le marchand que vous avez indiqué , mais cette arme n'est pas celle 
avec laquelle vous avez tiré sur le Roi. 

R. Si le marchand a dit cela, c'est un menteur. Oa dit lui-même 
le contraire fautre jour. 

D. Ce marchand n'avait que deux armes, qui étaient deux espingoles 
apportées d'Afrique, et la personne qui les a £ut venii* déclare ne pas 
reconnaître votre arme. 

R. Je me rappelle en eflet qu'il avait un tromblon, mais il avait 

aussi cette arme U doit cependant bien la reconnaître, ou bien 

c'est l'homme le plus faux de la terre. 



DB DARMB6* U 

Eh Apvès avoir aeheté UDe<«riue à c6tiMMaDie-Ià,jae- ia lui avez- 
vous pas rapportée? 

R. NoDv Monsieur. Après y être aile une. ou» deux fois, j'y suis allé 
un^soirc je lui ai remis huit francs, prix eonveni||} il m'en avait d'abord 
demandé dix. J'ai emporté l'arme, après m'être assuré qu'il ny avait 
personne dans la boutique. Je suis rentré chez moi , je l'ai mise dans 
ma maile, et depuis ce temps-là elle n'est pas sortie de chez moi. 

D. N'aviez-vous pas dès lors {'intention de faire un mauvais usage 
de cette arme? 

R. Non, Monsieur; ce senties cim^onstfinces'qui m'y ont poussée Je 
ne l'aurais pas fait à une époque plus reculée, ii y a un an, il y a 
deux ans , il y a trois ans. 

D. Je vous représente un écrit saisi sur vous et intitulé : Qualités 
de t homme moral. Reconnaissez-vous cet écrit ? 

R. Oui, Monsieur. 

Z). D'où le tenez-vous?. 

R. Je f ai trouvé dans la rue avec d'autres papiers, dans une liasse. 

D. Sur le verso de cette pièce on lit : Halot, peintre en porce- 
laine , rue (fAngoulême, rC 14. — Dutertre. — Que signifient ces 
noms? 

R. Je ne connais pas ces noms-là. 

D. Connaissez-vous un nommé Dutertre? 

R. Non , Monsieur ; je ne peux pas dire des choses- que je ne sais 
pas, pour entraîner des gens dans le malheur: il y a bien assez d'une 
victime. 

10* interrogatoire, subi par Darmès , ietl novembre tS40) derant Mé le Chancelier 

de France, Président de la Cour des Pairs. 

D. Pei'sistez-vous à soutenir que, le 15 octobre, vous êtes rentré 
dans la maison où vous demeuriez , un peu après une heure, et que 
vous n'en êtes ressorti qu'à quatre heures? 

R. Oui y Monsieur. 



V 



M INTERROGATOIRES 

D. Cependairt les portiers, et même le seiiier dont vous avier in- 
voqué le témoignage, affirment le contraire. 

R. C'est qu'ils se trompent. Le portier n'a pas pu me voir; la femme 
n'y était pas , je ne sais où elle était : quant au sellier , il est pos«bIe 
qu'il ne m'ait pas vu. 

D, II est certain que, le 1 5 , vous n'avez pas déjeuné chez le gar- 
gotier de ia rue de Provence. Vous avez ce jour-là déjeuné avec 
Valentin Duclos, qui a dit qu'il payait ce jour-là parce que vous étiez 
un brave. 

R. C'est une abominable invention. Qui est-ce qui a donc pu dire 
une chose comme celle-là? 

D, Votre intimité avec Duclos ne peut pas être révoquée en doiite; 
car on en a des preuves matérielles. 

R, Je n'avais pas plus d'intimité avec Valentin qu'avec les autres; 
je lui parlais quelquefois, en allant à mon ouvrage, mais pas plus à 
lui qu'aux autres cochers. 

D. On a cependant trouvé chez Valentin un livre que vous lui 
avez donné et sur lequel on lit : tt Donné à son ami par Marius. ^ 

R, Je ne me rappelle pas cela. 

D. Comment ! vous ne vous rappelez pas lui avoir donné ce livre? 
Mais Valentin lui-même en convient! 

R. Cest un livre pour les chevaux que je lui ai prêté; mais, cela 
ne prouve pas qu il soit mon ami. 

D. Vous saviez très-bien que Valentin faisait des cartouches et 
qu'il les distribuait dans Paris. 

R. Je ne savais pas cela du tout. Valentin n était pas assez lié 
avec moi pour me confier ses affaires. 

D. Vous avez dit que vous ne faisiez partie d aucune société , et 
cependant vous êtes chef d'atelier dans la société des Communistes, 
et le chef au-dessus de vous est un nommé Borel? • 

R, Je n'ai jamais fait partie d'aucune ^^ociéte ; j ai toujours refijsé 
d'en faire pai^tie. 



DE DARMÈS. . S6 

D. Larme avec laquelle vous avez commis votre , attentat n'est 
pas celle que vous avez achetée cliez le marchand de bric-à-brac de 
la place de la Bourse; car l'arme qu'il vous a vendue est un tromblon 
à gueule évasée, tandis que l'arme avec laquelle vous avez tiré est 
une carab^e rayée à bouche égale. 

R. Mais le marchand lui-même l'a reconnue. 

/X -H a crU'ia reconnaître^ mais- il se trompait et le reconnaît main- 

R. Alor$ ce sont des gens à double face. Je laî achetée, cette ca- 
rabine, le jour oiî on a demandé l'abolition de la peine de mort pour 
Barbes; il peut bien s'en souvenir. 

Di On ne prétend pas que vous ne lui avez pas acheté une arme , 
maïs vous la lui avez rendue ou vous l'avez changée. 

R. Cela est de toute fausseté. 

Z). D'où provenait Fouvrage ayant pour titre : Siècle de Louis XI V, 
qu'on a trouvé chez vous? 

R. H provient d'un échange de ferraille, de mauvaises cochonneries, 
que j'ai fait avec un marchand de bric-à-brac du faubourg Poissonnière, 
à côté delà rue de BufTaut. Je crois que j'i^i donne douze sous de retour. 
Je n'avais pas remarqué qu'il y eût sur ce livre le nom de Chatry- 
Lafosse, comme on me l'a dît ici. ' 

D. N'allîez-vous pas chez M. Chair tj -Lafosse? 

R. Oui, Monsieur. 

D. Cet ouvrage n'aurait-il pas été volé par vous? 

R. Faites venir le marchand de bric-à-brac,, il vous dira la vérité. 

/>. Et les cent écus qui ont été volés chez M. Chairy'Lafosse? 

R. Je n'y allais pas dans ce temps-là. . . N allez-vous pas maintenant 
attaquer ma réputation? 

D. Ne parlez donc pas de voire réputation ; est-ce qu'il vous est 
permis de parler de votre réputation , après le crime abominable que 
TOUS avez commis? 

A. Ceci est autre chose ; mais je n'ai jamais rien volé à personne. 

Interrogatoibes. 4 



M INTERaOGArrOIRES. 

!£>.- PâB'tnénè'à votrs mère? v 

R. Cela est diftenènt ; je Favôiie cela? 

/X Et votre femoie, vous ne l'avez pas volée non plu»? : 

R. Ma femme Nous étions en comUiunautéf si faVâfis'gttgnéde 

l'argent, elle n'aurait rien perdu; mais jeia'al'pastnéussîi ^i ,-i' 

D. Je vous représente un certain nombve de piècet^mftoiisdfttes 
qui ont été saisies chez vous; je vous fais remarquer que le sceBë 
apposé sur ces papiers est intact. Reconnaissez-vous ces pièces comme 
ayant été écrites par vous? 

R. Oui, Monsieur. 

£). Vous prétendez n'avoir fait partie d'aucune société socfèt^i et 
cependant on a trouvé chez vous ie règlement. constitutif de Tassociih 
tion des travailleurs égalitaires. 

R. J'ai copié cette pièce, que j'avais trouvée dans la rue. 

D, L'état de cette pièce prouve qu'elle a été portée. 
R. Je iîai portée sur moi après l'avoir copiée. 

/). Cela pfouvë le prix que vous attachfett â cette pîèCe. 
R. Je trouvais que c'était bien fait. 

D. Il y a dans ces pièces une autre copie du 'rè^f^tûisût dés^-tirlH 
vailieurs, en quarante et un articles, précédé d'un écrit commençAnt 

ainsi : «t Citoyens, la règle de nos devoirs » Comment vous étiez- 

vous procuré cette pièce? 

R. J'ai trouvé tout cela lié' enisemble dans un rouleau de ^papier. 

Z). II y a une autre pièce commençant par ces mots : tt Prières et 
camaradesw.r, » €t<}ui contient de très-abominables* choses; > Gomment 
vous étes-vous procuré cette pièce? 

Rr C'est moi qui ai composé cela. 

D. Il est évident que cette pièce est un ordre du jour iTuné so- 
ciété secrète^ et que vous mentez quand vous dites que» vous 
composé cela. 

Ai . Cela n'est pas.. . 



i.Dè Jl y m wi# ftUtfTe pièce iqj^i porte «n tet^ ces^ iqots -^^J^lf^m i^ 

Pantin Discours par un homme du peuple Soldats..., ^M>i^< la 

date du l*' septembre 1 84o? 

R. Çest moi qui «i jécrit etfCOiinposéjcela, 

V. ZXi Qù.avez^vous compose cela? 

Al'Danfsial^Iaine de Pantin. 

D. Qui est-ce qui vous avait conduit là? 

R. La curiosité. 

'iX(âii'est-<^(que..voiis avez fait de <eet te .pièce? |L/aves&-vous com- 
muniquée à quelqu'un? 

R. Non, Monsieur. / 

D. Est-ce vous qui av€i6& composé une pièce daxis Igjqu.ellef on (^t : 
<(II y a aussi une espèce d'homn^s, avide de bénéfices, et d'un égoïsm^e 
«à toute outrance; nous ne craignons pas de vous dire où ils sont : 
non les trouve parmi les subalternes des diverses administrations, 
«les contre-maîtres des fabriques et des diver^atcUers^, les petits fa- 
it bricants, les domestiques des maisons bourgeoises et les commis- 
se sionnaires des coins des rues ; la plilpart d^enti^ eux sont assimilés et 
namis du commissaire de police de leur quartier?» 

/î. Oui, Monsieur. 

jD. Il y a une pièce intitulée : Qualités de thomme vraimeni 
moral.... Une autre pièce porte en tête : Au travailleur ëgalitaire... 
Profession de foi de la nouvelle direction.... On lit dans cette pièce : 
L'égalité réalisée au moyen de la commutiauté des biens;... on y parle 
iiUMÈe dictature papidaire.... Une autre jpièce coimnance ainsi .: d- 
tayens , jusqu'ici la règle de nos dwûirs^mmfoit pM,éti'ë€riie...^lûi\Q\k 
proviennent toutes ces pièces? 

R. «Tai trouvé tout cela ensemble, et je Tai copié. 

D. Comment osez-vous dire que vous n'avez fait partie' d'aucune 
société , quand on trouve toutes ces ^iècës-fà chez vous , et quand 
tous les témoins déclarent que vous leur avfeEidiltque^itpus étiez 

4. 



28 INTÊRROGATOffiES. 

communiste et noleme que vous faisiez partie de la société deb C^m 
mufnistes?* 



t T, 4 



R. Je puis être communiste , je puis avoir les convictions com- 
munistes sans faire pour cela partie de la société. 

D. Vous portiez donc un grand intérêt au prince Louis Banor 
parte, car on a trouvé chez vous une copie de ses proclamations? 

R. Je ne lui portais pas d'intérêt; if me semble que la réponse i 
ses proclamations le prouve de reste. 

D. Vous lui pointiez intérêt à certaines conditions, si, par exem* 
pie, il voulait se faire élire pour cinq ans par un congrès nationaf? 

R, A cette époque j'avais écrit cela, parce que je croyais que, s'il 
arrivait, un congrès aurait lieu. . . 

D. Qucst-cé qu'une pièce intitulée : Discours d'un hùmine du 
peuple, et portant la date d'août 1839? 

R. C'est moi qui ai écrit cela. 

D. A quelle occasion? 

R. C'est un discours que j'avais préparé eu m'amusant, sans au- 
cune occasion. 

D. N'est-ce pas un projet de discours à la Chambre des Pairs? 
R. C'est possible. 

D. Vous faisiez aussi des vers? 
R. Oui, Monsieur, quelquefois. 

D. Je vous représente une pièce de vers, cotée n"* se. Ces vers ne 
sont<Jls pas adressés à mademoiselle Grouvelle ? 

R. Oui, Monsieur: c'est moi qui les ai ecri^ et composés; par* 
sonne ne les a vus. 

D. Sur cette pièce on trouve , avec cette annotation : Mort dun 
brave! une date qui parait être celle de la mort SAlibaud? 

R. Apparemment oui. 



DE DARMÈS. 29 

D. Dans une autre pièce on Ht : La race (TAlibaud nest pas 
^teinta..... et une copie du discours de la citoyenne Laure Grouvelle. 
Ces pièces sônt-elfes de votre écriture? 

R. Oui , Monsieur. 

D. Et une copie de paroles attribuées au citoyen Carrel? 
R. Oui, Monsieur. , 

D. On a trouvé chez vous Técrit intitulé : Ni châteaux, ni chau- 
mières. Qui est-ce qui vous avait procuré cet écrit ? 

R. Je Tai acheté. 

D. On a trouvé aussi chez vous le récit du premier banquet com- 
muniste? 

R, J'ai acheté cela. 

D. On a trouvé aussi un ouvrage de ^. de Cormenin^ ayant pour 
titre : Questions scandaleuses d'un Jacobin? 

R. J'ai acheté aussi cet ouvrage. 

D. Je vous ai déjà dit que vous approchiez du moment où vous 
auriez à rendre compte à la justice du crime épouvantable que vous 
avez commis. Tâchez, d'ici là, de rentrer en vous-même et de mériter 
un peu de pitié , s'il est possible qu'on en accorde jamais i un cri* 
minel comme vous! 

R. Je ne pourrai répondre qu'aux questions qui me seront faites. 
Quant à l'affaire de M. Chatry-Lafosse , je demanderai qu'elle soit 
^claircie. Je n'ai pas envie de passer pour un voleur. 

D. D'après votre propre aveu, vous auriez au moins volé voire 
mère? On serait donc en droit de vous traiter de voleur, et de plus 
vous êtes un assassin ! 

<A. Je puis être un assassin , mais je ne suis pas un voleur. 



30 INmiMGMtNRES. 



* \ 



tV ïnterrogÊiom auhi ptr Dormes, le 14 dtceadxrt iMO» <{UfSMit,||> JmgiiPQiiiîy 

Juge dlnstraction délègue. 

D. Avezrvous, depuis votre retour à la santé, interrogé plus fidè- 
lement vos souvenirs que vous ne Tàviez fait , sur f emploi de votre 
journée du 15 octobre? 

R. Tout cexjue |ai dit est positif . . . «Tai trayaiflé cooime.de cou- 
tume , le 1 5 octobre , à TAssurance parisienne; j'en sjuis sorti vf;i;s ài^ 
heures pour aller déjeuner rue de Provence, n** i o , au Cadran bleu. 
Je suis retourné aux Assurances vers les onze heures, parce* que j'ttvais 
une copie à y faire; j*ai quitté l'administration entre onze heures et 
îBméii et je suis rentré chez moi vers une heure; je suis sorti pour une 
demi-heure, et rentré vers une heure et demie; je ne suis ressorti qu'à 
quatre heures et demie. 

D. Déjà on vous a fait remarquer que le contrôle auquel on a 
soumis cet emploi que vous donnez de votre journée en avait dé- 
montré l'inexactitude, et c'est pour vous inviter à mieux consulter 
vos souvenirs que je vous demandaîssi voit» persistiez dansivos pré- 
cédentes déclarations sur ce point? 

R. C'est exact, c'est tel que je l'ai dit. 

. D. Neies-vous pas, ce jour-là ,' monté à Montmartre pour y 
pi^eodre votie rq>as? - 

R. Non, Monsieur. 

" 'jD. Pourtant, vous y connaissiez une marchande de vin chez hr 
quelle vbus alliez quelquefois? 

R. Non , Monsieur. 

'O. Vous y fréquentiez l'établissement de la femme Considère? 

R. Je ne connais Considère que pour Favoir vu -figurer dans les 
procès politiques. 

D. Dans quel procès principalement? 
R. Je ne me rappelle pas. 



DE OARNÉS. ' M 

D: De^ renseignements font oonnsitre on donneraient à^ penser 
qtlê'irotisfii^qiientiezàMontniartre un^étabiissementMde matrchmd de 
vrd où se rëtinisâaiettt dlantres communistes on ' travailleurs comm^ 
vous. 

R. Je aétaispas^avec ces Messieurs ^ je ne sais pas s'ils se réunis- 
aaient àiMonUiiai^Ére , puisque je n'appartiens à aucune-société secDèteî 
et que* je ne suis pas un fanati<pie exploité. Je n'ai' agi que diaprés 
mes convictions naturelles et la force des événements^ 

D. L'instruction a- fourni tant d'éléments de conviction sur votre 
affiliation aux sociétés secrètes, vous avez tellement dit et si souvent 
annoncé que vous faisiez partie des sociétés communistes, on a trouvé 
chez vous de telles pièces venant à l'appui de cet aveu, que vous pouvez 
désormais faire difficilement ajouter foi à la négation d en faire partie. 

R. J'iii dit que l'étais communiste, et je faisais de la. propagande 
pour la communauté. 

D. Vous étiez même lié avec les chefs des communistes, et on a 
trouvé chez vous de leurs écrits , tels que : Ni châteaux, ni chau- 
mières, dePillot, au banquet duquel vous êtes ailé à* Belleville, et 
la Conspiration de Mollet, par Dourille, poursuivi dès avant Tattentat 
du 1 5 octobre comme l'un des meneurs de cette association. 

R. Javais acheté ces livres-là par conviction, et parce qu'ils me 
convenaient. 

D. Ces •livres^'là vous ont été évidemment donnés, 

R. Je les ai achetés ; à la vérité , je ne sais paâ les noms de ceux 
qui me les ont vendus. Ce sont deux inconnus qui m'ont accosté un 
soir dans la rue, en me demandant si je voulais acheter une brochure : 
j'ai demandé ce que c'était; on me répondit que c'était la Conspiration 
de Atallei, .et jei'ai.aclietée tout de suite« v 

D. Cette explication sera aussi difficilement admise que celle que 
vous avez donnée sur la présence chez vous des règlements de la 
société des travailleurs égaiitaires ou communistes. 

R. Je persiste à dire que j'ai trouvé ces papiers *4ftns k rue. 

D. Avez-vous parlé à quelqu'4Mi de cette trottvaîUet^. 

R. Non , Monsieur. 



M INTERROGATOIRES 

D. Et vous n'avez pas même été curieux de vous enquérir de ce 
qu'était cette société dont vous découvriez ainsi, par un sî grand 
hasard, les règlements, et dont les doctrines politiques, ou .plutôt 
antisociales, étaient sî conformes aux vôtres? 

R. Je n'en ai pas parlé à d'autres; je les ai conservés parce que 
c'était d'accord avec mes doctrines, et j'aurais pu , plus tard , organiser 
une division , deux divisions ; des ateliers d'abord, comme cela est dit, 
et ensuite des divisions. 

D. N'avez-vous pas donné un commencement d'exécution à cette 
idée d'organisation? 

R, J'avais déjà commencé à en parler à quelques personnes. 

D. C'est-à-dire que vous aviez formé des ateliers ? 

R. J'avais déjà donné des idées à quelques personnes pour Tor* 
ganisation. 

D. Quelles sont ces personnes? 
R. II est inutile de les nommer. 

D. A combien d^individus en avez-vous parié? 

R. Je ne sais pas, parce que je courais à droite et à gauche, et 
que je voyais beaucoup de monde. 

D. II a été question, entre vous et le nommé Duclos, de cette asso- 
ciation ? 

R. Non , Monsieur. 

D. Vous aviez des rapports politiques avec lui ? 

R. Non, Monsieur. Duclos parlait politique comme tout le monde, 
mais uniquement d'après les journaux. Duclos me paraissait un 
homme qui raisonnait mieux que les autres cochers , mais je ne le 
voyais pas plus que les autres. 

D. Vous connaissez un nommé Racarie ? 

R. Non, Monsieur; c'est un nom que je n'ai jamais entendu 



y 



rononcer. 



DE DARMÈS. 33 

D. Est-ce un nommé Borel, ouvrier mécanicien? 

R. Je ne le connais pas du tout non plus. 

D. Ne fréquentiez-vous pas plus particulièrement quelques mar- 
chands de vins de la Chapelle ? 

R. Jamais je n'allais chez les marchands de vins de ia Chapelle. 
Je ne suis aifé de ce côté-là que le jour du banquet de Belleviile. 
C'est un banquet comme on en a donné dans tous les départe- 
tements; seulement j'ai trouvé qu'il y avait de Tordre et de l'orga- 
nisation. 

D. Qui vous avait donné un billet ? 

R. Ce sont des gens que je ne connais pas qui me Font donné 
dans la rue, la veilfe. Comme je suis observateur, j'ai remarqué des 
hommes dans la rue qui parlaient de ce banquet; j'ai alors de- 
mandé un billet , on me l'a offert et j'ai donné quarante sous de suite. 

D. Je vous fais de nouveau remarquer combien vous ferez diffici- 
lement croire que vous tenez ainsi d'inconnus tout ce qu'on trouve 
chez vous en pièces manuscrites, en f ivres, et jusqu'au billet pour 
aller à des banquets. 

R, Il n'y a rien d'extraordinaire à trouver dans la rue des papiers; 

quant aux livres et au billet, on me (es a vendus. 
* 
D. Evidemment vous connaissez les personnes qui vous les ont 

procurés? 

R, Je ne veux pas les nommer, et c'est parce qye je ne veux pas 
les nommer que je préfère dire que je les tiens d'inconnus. 

Lecture faite, l'inculpé a persisté et a dit : 

Je désire que l'on ajoute dans le récit que j'ai fait des faits de ma 
journée du 15 que, quand je suis sorti de une heure à une heure et 
demie, j'ai acheté deux harengs à une femme qui passait dans la rue . 
j'avais du pain dans ma chambre. 

D. Voulez-vous indiquer le chemin que vous avez suivi le 1 6 oc- 
tobre, de la rue de Paradis à la place de la Concorde? 

R. J'ai pris les rues Bleue, Cadet, de Provence, Chaucbat, Pinon, 
Pelletier, les boulevarts , sur le milieu de la chaussée, la rue Louis-le* 

1NTERR0GAT01RB8. * & 



84 INTERROGATOIRES 

Grand, Neuve Skint- Augustin , de ia Paix, la place Vendâine, 
la rue Castiglione, sous les arcades à droite; la rue de Rivoli, 
sur le ti'ottoir à gauche , et la place de la Concorde. Arrivé à cinq 
heures?, je stris resté là jusqu'à six heures. Je portais -mes armes iwec 
moi; je ne restais pas une seconde en place de peur des agents ^ <|ae 
j'observais moi-même. 

D. Quelle était la couleur de votre gilet? 

R. II était vert. . . . vert-noir; c'est celui que je porte. . 
Nous constatons qu'effectivement l'inculpé est porteur d'un giiet 
vert foncé. 

D. D'après vous, vous n'auriez fait que traverser la rue du Fau- 
bourg-Montmartre; ne lavez-vous pas remontée cette rue, comme 
pour vous diriger du côté de la barrière ? 

R. Non, Monsieur; mais je me rappelle que, passant rue Bleue, 
j'ai vu un gros cocher qu'on appelle Boulot, locataire d'une station 
de.Duclos, qui m'a aperçu et m'a salué. 

D. Tout à rheure vous disiez que vous étiez revenu le 1 5 à onze 
heures aux Assurances parisiennes parce que vous aviez une copie 
à faire; pour qui vouliez-vous faire cette copie? 

R. C'était pour moi. 

D. N'était-ce pas plutôt dans le but d'organisation de cette société 
dont vous avez parlé, que vous copiiez ce règlement? 

R. H est possible que plus tard j'en eusse fait usage; mais pour le 
moment, il n'était pas question de cela. 



19* interrogatoire subi par Donnés., le 16 décembre 1840, devant'M. Zangîao^mi , 

juge d'instruction délégué. 

£). Je reviens encore sur le détail que vous avez donné de votre 
journée du 1 5 octobre dernier, et je vous fais remarquer de nou- 
veau qu'il s'y trouve certainement des inexactitudes , car, dans f itiné- 
raire que vous avez tracé de votre chemin de la rue de Paradis à 
ia place de k Concorde^ ne se trouve pas la rue du.Fau^iirg- 
Montmartre que vous -avez été vu remonter ; évidemment vMtt^élM 



DE» DERMES. 35 

aitécefouivià à Mootmartre ou dans le haut du faubourg de ce nom, 
à une heure rapprochée de Tatteutat. N'étaitxie pas pour y prendre 
vos armes ? 

R. If est vrai que je suis sorti un peu avant deux heures avec 
rintention de dîner. J ai fait quelques tours dans le quartier, puis je 
me suis rappelé que je devais 26 sous, à Montmartre, chez un trai- 
teur; alors jy suis allé, et en même temps j'y ai dîné, et j'ai payé. 
J'ai mangé deux harengs qu'on a fait ciiire pour moi. J'y bus une 
chopine de vin, et j'ai mangé du pain à discrétion, ce qui m'a 
coûté 1 5 à 2 sous. 

D. Quel ^st le nom de ce traiteur? 

R. C'est le nommé Considère , qui demeure à Montmartre ; pbce 
de la Fontaine , en face la maison des fous. 

D. L'avez-vous vu ce jour-là ? 

R. Non , Monsieur, parce qu'il était à son bureau , chez M. Jac- 
ques Lafiùe, où if est garçon de caisse. C'est sa femme qui tient la 
maison en son absence. 

D. Qui avez-vous vu diez lui ce jour^là, et avec qui avez-vous 
parlé ? 

R, Il n'y avait chez lui que sa femme , sa vieille mère , l'enfant et 
le chien. «Ty ai dîné bieii vite , et à trois heures un quart j'ai quitté 
Montmartre pour revenir chez moi. 

D. Comment connaissiez-vous Considère? 

R. Je le connaissais comme traiteur depuis trois mois. 

D. Sous quel nom Considère et sa femme vous connaissaient-ils ? 

R. Personne ne me connaissait sous mon nom ; on ne m'appelait 
que l^frottëur. 

Z). Vous le voyiez quelquefois ? 

/2. Si J3 l'ai vu, c'est quelquefois le dimanche; mais je ne cai^ais 
de rien avec lui r parce "qu'il était occupé à servir. Je n'allais pas le 
voir chez M. Lafitte, et, si l'on m'a vu dans la rue Lafitte, c'est que 
\y causais avec on cocher qui staliomie en fetee l'hôtel Lafitte, et que 



36 INTERROGATOIRES 

j'ai connu autiefois. Je fais observer de plus qu'en sortant de& Asêu- 
rances paiHsiennes le samedi , je passais toujours par cette me. Je 
ne sais plus le nom du cocher dont je parle. 

D. La maison de Considère est signalée par l'autorité comme un 
lieu de rendez-vous des sociétés communistes; n'était-ce pas à raison 
de cette circonstance que vous connaissiez Considère et que vous 
fî'équentiez son établissement? 

R. Je n'y allais que par hasard , et quand Fidée m'en prenait , au 
heu d'aller ailleurs. 

D. N'y avez-vous pas dîné avec d'autres personnes de votre con- 
naissance ? 

R. Jamais. 

D. Aviez-vous parlé de votre projet à Considère ? 

R. Jamais. Jamais je n'en ai parlé à pci^sonne, et H y avait deux 
jours, le 1 6 octobre, que Je n'avais vu qui que ce fut. 

D. Et avant ces deux derniers jours, et avant de cesser de voir 
qui que cejût ? 



R. Je n'en avais parlé à personne. 



\ 



D. Je ne puis que vous répéter ce que l'on vous a déjà dit que , 
le 15, vous avez été vu sur la place de la Concorde avec un second 
individu, et que fon vous a vu sortir sans vos armes, circonstances . 
qui ne permettent guère de croire que vous ayez seul conçu et exé- 
cuté votre projet. 

R. Je répète que je suis seul. 

D. Enfin, vous avez été vu avec un autre individu par une mar- 
chande d'eau-de-vie sur la place de la Concorde. 

R. Elle se trompe; j'ai pris un petit verre et ['étais seul. J'ai bu 
cette eau-de-vie auprès d'une marchande ambulante qui stationne à 
l'entrée du trottoir du pont de la Concorde , et je lui ai demandé si 
le Roi était passé. Je ne dis pas le Roi , mais bien Philippe. 



DE DARMÈS. 37 

2). C^.ménie jour, et à peu près à la même heure, vous avez de- 
mandé à une autre marchÀnde d eau-de-vie, un peu plus près des 
Cfaamps-ÉIysées , quelle heure il était ? 

R. Cela est vrai. J'avais pourtant mes armes sur moi , et elles ne 
les ont pas vues. * 

D. Dains ce moment, vons étiez avec un «utive individu. 
R. C'est faux ; j'étais seul. 

D. Quelle heure était-il en ce moment? 
R. II pouvait être cinq heures passées. 

D. Pourquoi n'êtes-vous pas' convenu plus t<^t de ces circonstances ? 
Évidemment, c'est par un motif quelconque que vous les avez dissi- 
mulées, et cette dissimulation ne peut avoir d'autre intérêt que de 
soustraire à la justice les noms de vos complices. 

R. Ces détails me paraissaient inutiles et insignifiants. 

D. Tout a de l'importance dans une inculpation d'une nature aussi 
grave que celle qui vous est faite; car, affilié aux sociétés secrètes , 
comme le prouvent tant de données de la procédure , c'est un devoir 
pour la justice de vous demander compte de tous vos actes, pour re- 
chercher les tiens qui vous unissent à ces sociétés. 

R. L'affaire du 1 5 octobre est indépendante des sociétés; d'ailleui*s, 
je ne suis point membre des sociétés communistes; je suis communiste 
par position et pas autrement. Je n'ai jamais parlé à personne de l'oc- 
tion du 1 5 octobre. 

D. Pourtant, vous êtes convenu que vous aviez au moins cherché 
à organiser des sections ; ce qui annonce que vous connaissez certains 
hommes capables de comprendre vos doctrines , de s'entendre avec 
vous, et de les mettre à exécution. 

R. Ces personnes sont , au contraire , étrangères à ces doctrines. 
J'essayais de faire des prosélytes; j'étais un apôtre qui tâchait 
de moraliser les hommes qui se soûlent , jouent aux cartes ; je ne 
fitusais pas d'autre propagande que celle-là pour la communauté. 

D. Alors vous ne devez pas avoir de scrupule pour nommer les 
personnes avec qui vous en avez causé? 

R Je ne yeux compromettre personne. 



/ 



38 ' INTERROGATOIRES 

D. II est à citrindre que^voas ne cachiez encore à la jiistice beau* 
coup de circonstances reiatîves à votre crime. Je vous engage àenteer 
enfin dans la voie de la vérité, et à faire preuve de sincérité «tideise* 
pentir. 

A. Je iai fait; cest fini. Je ne peux pas dire auti*e chMe/et j'ai 
agi avec beaucoup da prévoyance^ de sang-froid, comno^. on a dû 
le voir dès mes premiers interrogatoires. 

Lecture faite, a persisté et sigrré; ajoutant : t? Ce n'est pas imie mar- 
chande ambulante d eau-de-vie qui m-a servi la "secoiide ibis; j'ai bu 
dans un petit cabaret qui est auprès des coucous; je ny ai pris quun 
ç^non de vin ^ et j y ai allumé ma pipe. » 



13^ interrogaloirc subi par Darmcs, le 34 décembre 1840, devant M. Zangîacomi, 

'^ Ju^e d'instruction délègue. 

D. Il est un point sur lequel il reste beaucoup à désirer, c'est Fac- 
quisition. que vous dites avoir faite de la carabine chez le brocanteur 
Capet. Vous savez que tes souvenirs de ce dernier ne. sont pas dac- 
cord avec les vôtres^ Je vous invite, â mieux préciser les faits à cet 
égard. 

' R. C'est dans ia première quinzaine de juillet 1 839 que j'ai acheté 
cette arme ; jcîme rappelle cette circonstance , iparce que c'était Tépoque 
où une députation se transporta à la Chambre des Députés pour de^ 
mander l'abolition de la peine de mort, à l'occasion de la condamnation 
de. Barbes. 

D. Etait-ce à raison de cette manifestation que vous achetiez «cette 

arme? 

R. C'était uniquement pour me nrmnir dune arme. 

D. Capet dit que vous ne vous êtes présenté chez lui pour y 
acheter une arme à feu que vers le mois d'octobre, et, en effet, il ne 
s'est procuré qu'en octobre les armes provenant du sieur Tourasse, 
dont on dit que proviendrait votre carabine. 

R, Capet se trompe, et Jors de l'affaire de Barbes ii avait déjà 
cette carabine, un tromblon et d'autres armes. Je n'ai pas pris le tronn 



DE DARMëS. 39 

blon parce que je ne.fftî pas trouvé assez solide. Je me rappelle que 
ce trombion est entouré, à lextréinité, d'un morceau de fer-blanc, et 
\e le fecoiinaîtraîs s*il m'était représenté. 

D. II résulterait pourtant de divers éléments de la procédure, que 
la oambine dont vous vous êtes servi ne provient pas de çhen£/apet; 
car, d'une^part^ Capei aurait acheté deux trombloos, et .non un lirom* 
bien et une carabine, et, de lautre, on a vu en votre possession , dans 
rotre malle )^ dans une positioa qu'eile^neMuraît occuper dans cette 
roaiie, Ja carabine saisie^ 

[t. Ma carabine a toujours été dans ma malle, dès que je Tai 
achetée; elle y est restée en biais. 

D. C'est parce qu'un témoin affirme qu'elle n'était point en biais et 
qu'elle était appliquée contre la paroi antérieure de la malle , que je 
vous fais cette observation ? 

R. Ce témoin se trompe. 

D. Remarquez que la même incertitude existe encore sur Forigine 
des pistolets et du poignard. 

R. Ma femme, à laquelle on croira sans doute, m'a vu donner ce 
poignard rue du Faubourg-Poissonnière, n*" 33, quand j'y étais por- 
tier. Quant aux pistolets, je les ai achetés cinq francs d'un inconnu. 

D. Vous m'avez dit, il y a quelques jours, que quand vous disiez 
tenir quelque chose d'un inconnu, c*est que vous ne vouliez pas 
nommer la personne ; n'est-ce pas ainsi qu'il faut entendre ce que vous 

dites sur forigine de ces pistolets? 

* 

R. Il y a. très-longtemps que je les ai, et cette personne est tout à 
fait étrangère à mon affaire ; on ne la trouverait même pas à Paris. 

D. Alors TOUS ne devez pas avoir d'inquiétude à son sujet, et vous 
comprenez que ces réticences de votre part peuvent compromettre 
vos coinculpés. 

Rs Je les ai achetés, et je les ai payés; et tous les jours on fait des 
marchés pareils. 

D. Quel était cet individu ? 
R. Je né le connais pas. 



40 INTERROGATOIRES 

D. Ccst-à-dfre vous ne voulez pas le nommer. 

R. Je vous assure que je ne vous trompe pas, et ma femme a dû 
me voir ces pistolets ; ils étaient dans ma table , et elle a dû les voir. 

• 

D. Je reviens aussi sur un autre point au sujet duquel vous avez 
donné quelques explications qu'il importe de vouloir compléter. Vous 
avez dit que vous aviez commence à mettre à exécution le règlemeot 
de la Société des travailleurs; que vous aviez donné là-dessus des 
idées à quelques personnes. Vous avez dû faire plus, et même fait plus; 
car des i^nseignements vous signalent comme métier, c'est-à-dire 
comme chef d une section d'uii groupe. 

jR. Je sais bien ce que c était qu'un métier y puisque je lisais ie rè- 
glement tous ies jours; mais je ne faisais partie d'aucune société. 

£). D'où connaissez-vous un nomme Robert, dégraisseur? 
R. Je ne le connais pas. 

D. Et le nommé Simard? 

R, Je ne le connais pas non plus. 

D. Et Borel? 

R. Non plus. 

D. Et Chevauché? 
R. Non plus. 

Lecture fpite , a persisté et a signé , disant : « L'autre jour, j'ai expli- 
qué ce que j'avais fait sur la place de la Concorde ; dans la crainte 
qu'on ne Fait point écrit, je répète que jetais à cinq heures sur la 
place, auprès de la statue de Marseille; après y être resté un instant» 
je fus boire un verre d'eau-de-vie à la marchande qui stationne près 
du pont; de là, je revins sur la place, et fus au petit cabaret qui est 
auprès des coucous, et puis j'ai été au poste : ià, je vis un sergent de 
ville qui parlait à la marchande d'eau-de-vie, et qui se dirigea sur moi 
de l'autre côté du fossé. Je crus que j étais vendu , et allai du côté des 
Tuileries. Je suis retenu tout de suite après à mon poste >». 



DE DARMÈS. 41 



14* ioterrogfttonre subi par Darmhs, le 97 janvier 1841 , devant M. le Chancelier de 
France y Président de la Cour des Pairs, accompagné de M. le. baron Girod (de 
PAin ) j Pair de France. 

D. Les déclarations que vous avez faites sur les circonstances qui 
ont accompagné votre attentat, ont tontes été reconnues fausses, 
et je vais vous le démontrer. Larme dont vous vous êtes servi ne 
vient pas de chez Capet; celle qu'il vous avait vendue était une espin- 
gole et non une carabine : les souvenirs de Capet sont parfaitement 
dTaccord avec la déclaration du propriétaire des armes vendues par 
lui, et ce propriétaire ne reconnaît pas, comme lui ayant appartenu, 
Tarme dont vous vous rtes servi. C^^^^ d'ailleurs avait deux espingoles 
à vendre, et non pas une espingole et une carabine. Ce n'est donc 
pas chez lui que vous vous êtes procuré votre arme. 

R, Je vous demande pardon; c'est à lui que je l'ai achetée, dans le 
mois de juillet 1839: il avait une espingole et une cai^bine. 

D. Je vais encore mieux vous prouver que vous ne dites pas la vé- 
rité. Vous prétendez avoir acheté votre carabine à Capet, au mois de 
juillet 1 839 , et ce n'est qu'au mois d'octobre suivant qu'il a eu en sa 
possession les deux espingoles dont vous auriez pu acheter l'une. 

R. Je dis cependant ce qui est : c'est dans la première quinzaine de 
j; illet que j'ai acheté ma carabine; les livres devraient en fournir ia 
preuve, autrement, je ne sais pas comment on arrange cela. 

D. Quant à votre poignard , on ne retrouve pas la domestique dont 
vous dites l'avoir reçu ; quant à vos pistolets, aucun marchand de Paris 
ne reconnaît les avoir vendus. 

R. On devrait cependant pouvoir retrouver la demoiselle qui m'a 
donné ce poignard , ou plutôt elle l'a remis à ma femme , et je m'en 
suis emparé. Quant aux pistolets, ce n'est pas un marchand qui me 
les a vendus. 

D. Vous avez d'abord nié être allé prendre un repas chez Consi- 
dère, le 15 octobre; vous avez fini par en convenir. Vous avez dit 
qu'après avoir pris votre repas chez Considère vous étiez rentré chez 
Interrogatoires. o 



.» « . - •>• 



42 INTERROGATOIRES 

vous, d'où vous n'étiez sorti qu'à quatre heures; tous les témoins 
que vous avez indiqués comme ayant pu vous voir déclarent qu'ils 
ne vous ont pas vu; par conséquent vous n'êtes pas rentré chez vous 
de la journée et vous êtes allé chercher vos armes ailleurs que chez 
vous. • ^ 

R. J avais mes armes chez moi ; Vils ne m'ont pas vu aller et venir, 
je n'y peux rien. Ce qu'il y a de certain , c'est que je suis sorti pour 
la dernière fois de cliez moi à quatre heures et demie. 

D. Vous avez indiqué, comme vous ayant vu rue de Montholon, 
vers quatre heures, un cocher de cabriolet qui déclare formellement 
ne pas vous avoir vu. 

R. H m'a si bien vu qu'il iti'a salué; au reste je n'ai pas pu dire 
qu'il m'avait vu à quatre heures, car je ne suis sorti de la maison qu'à 
quatre heures et demie. 

D. Le soin que' vous avez mis à cacher le repas que vous avez 
fait chez Considère, le 1 5 octobre, et l'heure à laquelle vous en êtes 
sorti, fait présumer que vous aviez des motifs graves pour dissimuler 
ce fait. 

R. Je ne suis monté chez Considère que pour prendre l'air, et pour 
lui payer vingt-cinq sous que je lui devais, et que je ne voulais pas 
qu'il perdit. Si je n'ai pas dit cela d'abord , c'est que je craignais de 
compromettre inutilement cet homme. 

Z). Quoi que vous puissiez dire, votre dissimulation avait un objet 
plus sérieux que celui que vous lui assignez. Ne seriez-vous pas allé 
chez Considère, ou de ce côté-là, chercher votre" arme, qui n'était sû- 
rement pas chez vous? 

» 

R. Mon arme n'est jamais sortie de chez moi; elfe était dans ma 
malle; il y a un témoin qui l'a vue dans ma malle : il faut bien espé- 
rer qu'il se retrouvera. 

D. Votre carabine ne peut tenir dans votre malle; on en a fait 
l'essai. 

En partant de chez Considère pour aller sur la place de la Con- 



■i^^^ 



m: d armes. ( 43 

corde I ne vousr êtes- vous pas réuni avec quatre autres personnes qui 
ont ëCë vues avec vous sur le lieu même du ciîme? 

iR. Non , Monsieur. Je me suis rendu seul sur la place Louis XV, 
vers cinq heures , car fai toujours été seul jusqu'au moment de Fac- 
tion. A cinq heures un quart, j'ai acheté un petit verre d'eau-de-vie 
à cette femme qui est à la tête du pont. 

D. N'étes-vous ])as allé plusieurs fois chez Considère^ à des réu- 
nions de communistes dont vous faites partie? 

R. Je n'ai jamais assisté à des réunions de communistes chez 
Considère j je n'y ai jamais vu que des individus de guinguette, des 
hommes et des femmes que ^je ne connais pas. Je n'ai connu la mai- 
son de Considère que trois mois avant l'action du 1 5 octobre; j'y allais 
quelquefois prendre mes repas, comme chez tout autre restaurateur, 
et fy suis toujours allé seul. 

D. £st-ce que vous ne vous êtes pas trouvé chez Considère avec 
DucàM? 

R. Non, Monsieur. 

D. Duclos cependant en convient? 

R. Il s'y est peut-être trouvé en même temps que moi, mais je ne 
Fai pas vu. 

D. Est-ce que vous ne vous y êtes pas trouvé avec Borel? 
R. Jamais. 

D. Ni avec Simard? 

R. Je ne connais pas ces individus-là. 

D. Ni avec Chevauché? 
R. Je ne connais pas. 

D. Ni avec Robert , ni avec Dutilloy? 

R. Je ne connais aucune de ces personnes-là. 

D Ce que vous venez de dire là prouve à quel point vous inen 
tez, car vous connaissez tous ou presque tous les individus que je 



..: "J*^ 



44 INTERRO G ATOÏRES 

viens de vous nommer; mais vous avez une telle habitude de mentir 
que rien ne vous coûte à cet ëgard. Vous connaissez si bien Sùnard 
que c'est de kii que vous tenez l'écrit intitulé : Ni châteaux ni chau- 
mières; que vous êtes allé avec lui au banquet de Châtillon et à celui 
de Belleville, et que vous êtes revenu avec lui de l'un de ces ban- 
quets. 

R. Tout cela est faux. 

D. Je vous fais observer que c'est Simard lui-mcme qui le 
déclare. 

R. C'est possible; mais cela n'est pas. 

D. Vous prétendez aussi ne pas connaître Borel? 

R. Oui, Monsieur. 

D. Vous connaissez si bien Borel, que vous êtes allé avec Duclos 
le voir chez son frère, Charles Borel, marchand de vin , qui demeure 
en face de Duclos , la veille du jour où Borel a quitté Paris par suite 
des coalitions d'ouvriers. Ce fait est reconnu par les gens de la maison, 
par Borel et par Duclos. 

R. Ils peuvent dire tout ce qu'ils veulent^ mais cela n'est pas. 

D. Persistez-vous, malgré ce que je viens de vous dire , à nier que 
vous connaissiez Borel? 

R. Je persiste. 

D. Vous êtes cependant allé plusieurs fois avec Duclos chez le 
frère de Borel, pour savoir des nouvelles de ce dernier, depuis son 
départ pour Ham. . ^ 

R. Je ne connais pas cela. 

D. Persistez-vous à dire que vous avez trouvé sur la voie publique 
le règlement de la société qui a été trouvé chez vous ? 

R. Oui, Monsieur; je l'ai trouvé effectivement. 

£). Il est maintenant établi et reconnu par Borel lui-même, qui 
était votre chef dans la société, que c'est lui qui vous a remis ce 
règlement. 

R. Borel n'était pas mon chef; et je nie que ce soit lui qui m'ait 
remis ce règlement. 



DE DARMÈS. 45 

D. Ce règlement est écrit de la main de Racarie, communiste 
comme vous, et que vous connaissez fort bien. 

R. Je ne connais pas Racarie. 

D. L'ëcrit intitulé : Qualités de f homme vraiment moral, a été 
tracé par la main de Borel; qui vous Fa remis? 

R. J'ai trouvé le tout ensemble; je ne sais pas si c^est Borel qui 
fa écrit. 

D. Vous avez insisté pour qu'on recherchât un iparchand de vieux 
meubfes qui vous aurait vendu quatre volumes intitulés : Histoire du 
siècle de Louis XIV, 

Tous les marchands du quartier que vous avez indiquée ont été 
recherchés, aucun na reconnu vous avoir vendu ces livres; ce qui 
donne toute créance aux soupçons que vous les avez volés dans la 
bibliothèque de M. Chatry-Lafosse , où vous aviez accès. 

j?. Je n'ai pas voie ces livres; je les ai achetés. 



IS* interrogatoire subi par Darmèsj le l**" février 1841 , devant M. Zangiacomi, 

Juge d'instruction délègue'. 

D. Je vais vous interroger sur divers objets qui ont été trouvés 
à votre domicile, et de l'origine desquels la justice doit vous deman- 
der compte. D'où provient ie tableau représentant Lycurgue dans 
une sédition, que je mets sous vos yeux? 

R. Je l'ai acheté en (ace de l'hôtel Bouillon , il y a à peu près un 
an ; la date doit se trouver deiTière. 

D. Je vois, en effet, au revers de ce tableau, ces mots : iO juin 
1840, anniversaire de la mort dun brave. Cette date est-elfe celle de 
Facquisition du tableau ? 

R. Je ne me le rappelle pas précisément. 



46 INTERROGATOIRES 

D. Qu avez^vous entendu par ces mots : 40 juin 4840, anniver- 
saire de la mort d'un brave ? 

R. Je ne me le rappelle pas. 

D. N etait-ee pas à la mort SAlibaud que vous vouliez faire Allusion , 
ainsi que cela se retrouve fréquemment dans vos papiers ? 

R. Je ne parle pas S Alibaud A^us cette occasion. 

D. D'où provient la tête de Judith que je vous représente ? 

R. Elle ma été donnée par le sieur Joly père , pendant sa aaifidie, 
et c'est moi qui l'ai fait encadrer. 

D. Et cette lithographie d'après Jouffroy ? 

R. Elle m'a été donnée par le sieur Benoit, lithographe, c'est moi 
qui l'ai fait encadrer. 

D. Et la statuette de /.-/. Rousseau ? 

R. Je l'ai achetée d'un marchand ambulant. 

D. Comment, dans l'état de détresse ou vous vous trouvîezi^^ faisîez- 
vous encadrer avec tant de soin ces gravures? 

R. Je n'ai pas toujours été dans la misère; j'ai acheté les cadres 
parce que cela m'a convenu, et je les conservais. 

D, D'où provient le voile qui a été saisi chez vous ? 

R. Je l'ai trouvé un soir sur les boulevards extérieurs. J*étaîsavec 
un autre individu. 

D. Avec qui étiez-vous dans ce moment-là? 

R. Avec un patriote dont je ne me rappelle plus le nom. ' 

D. Et les aiguilles à tricotter renfermées dans un étui d*acajou^ 
que je vous représente ? 

R. Elles proviennent de ma femme. 

D. Tout a l'heuie vous venez d'être mis en présence d'un individu 
que vous avez reconnu pour être un nrarchand de bric-à-brac, qui 
demeure rue du Faubourg-Poissonnière i en face la ^*ue LaftiyetCe. 



DE DAHMÈS. 47 

Vou^avet di# qiie c'était • de ce marchaDd que vous teniez Touvitige 
intitulé : Lesiède de Louis XIV, en cinq volumes brochés, qui a été 
saisi chez vous. Pourtant ce marchand déclare ne reconnaître ni 
vous ni Touvrage. 

IL C'est étonnant, car cet homme a reçu de moi en échange 
divers outifs, tels que un marteau, des tenailles, un ciseau, un 
coin, et je lui ai redonné encore douze sous pour avoir les hvres. 

/). A quelle époque auriez vous acheté cet ouvrage? 

R. H y a sixfou sept mois, ce sont les derniers h'vres que j'aie 
achetés. Quant aux autres livres qui ont été trouvés chez moi, ils 
ont été achetés par moi chez différents marchands de bric-à-brac , à 
droite et à gauche. 



16' interrogatoire subi par Dannès, le 96 fe'vrier 1841 , devant M. ie Chancelier 
de France, Président de la Cour des Pairs, accompagne' de M. le baron Girod (de 
FAin), Pair de France; et confrontation de cet inculpe' avec les te'moins Cazan, 
Sauge et Jollois, 



L'an 1841 , etc.... 

Est comparu ie témoin ci-après nommé, lequel, etc...., a déposé 
ainsi qu'il suit, en présence de l'inculpé Davmès, que nous avons 
fait extraire à cet effet de la maison d'aiTét. 

Je m'appelle Cazan (IsaaoSimon)^ déjà entendu. 

D. Vous avez gardé Darmès dans sa prison? 
R. Oui Monsieur, depuis le 15 octobre. 

D. Vous rappelez-vous de lui avoir entendu dire, dans sa prison , 
quelque chose qui ait trait aux complices de l'attentat du 15 octobre? 

R. Oui, Monsieur; il me dit un jour ,1e 2 7 janvier, en remontant 
d'ici ; « Je vois bien où ils veulent en venir; ils prétendent que je me 
suis trouvé avec quatre individus, le 15 octobre, sur la place de la 
Concorde. Eh bien, oui, |e n'étais pas seul; mais s'ils veulent savoir 



48 INTERROGATOIRES 

tes noms de mes complices, qu'ils les cherchent. » II ajouta même r 
(t Je ne les leur ai pas encore dit, mais je les leur dirai. i^ 

D. Ne sest-il pas expliqué plus particulièrement sur quetques-uns 
de ces individus? 

R. Un soir, vers onze heures, le 3 février, s'étant mis à ia fe- 
nêtre, il dit : fnW fait bien froid, ceux qui sont compromis dans mon 
afiaire ne doivent pas avoir chaud. » Je lui répondis : Si vous vouliez 
dire la vérité, vous leur éviteriez bien du mal; car probablement leur 
secret serait levé , et ils jouiraient de la liberté accordée à tous les 
autres prisonniers, et ceux qui sont innocents seraient mis en liberté. 
Puis, ayant fermé la fenêtre, après s être promené quelques instants 
dans sa chambre, il dit :« L'affaire de ce pauvre Dueios est bien 
embrouillée; il sera sans doute condamné à vie. Si je voulais, je 
n'aurais qu'un mot à dire pour faire tomber sa tête cQmme la mienne ; 
mais c'est un père de famille; il aune femme, une maison; je ne 
dirai rien. II n'a qu'un témoignage contre lui, c'est celui du can- 
tonnier des Champs-Elysées; celui-là est mauvais, mais il est tout 
seul ; et puis ces messieurs verront que c'est un mouchard.» 

D. Avez-vous quelque chose à ajouter? 

R. Un jour, il me dit que, pour parler, il fallait qu'if attendit ses 
pièces , et que , si ses coaccusés le chargeaient ou se chargeaient entre 
eux, il verrait ce qu'il aurait à faire. 

Et de suite nous avons adressé à l'inculpé les interpeHations 
suivantes : 

D, Darmès, vous avez entendu ce qui vient d'être dit; quavez- 
vous à répondre? 

R. D'après ce que je vois, je crains bien que la justice ne fiisse un 
faux jugement. Effectivement, le 27, en rentrant de rinterrogatoire, 
j'ai dit au gardien : et Eh bien oui , je n'étais pas seul ; je le dirai plus 
tard. » Je voulais dire par ià que, dans la France, il y en avait un 
grand nombre qui étaient comme moi ; mais je ne voulais désigner 
personne. Le 3 février, en ouvrant la fenêtre et voyant qu'il faisait 
froid, ']e dis que les personnes inculpées dans mou affitire devaient 



DE DARMÊS. 49 

avoir froid dans leurs cabanons. Quant à Duchs, son affaire est 
bien embrouillée ; si j'étais un scélérat , comme on veut bien le dire , 
il ne tiendrait qu à moi de lentraîncr dans mon affaire pour chercher 
à me sauver. 

D. N avez-vous rien autre chose à répondre à ce que vous venez 
cTentendre ? 

/?. Non , Monsieur. 

D. A qui espérez-vous faire croire , quand vous avez dit : <« je n'é- 
tais pas seul sur la place de la Concorde», que vous entendiez parler 
de toutes les personnes qui , en France , peuvent partager vos opi- 
nions? 

if. Je persiste dans ma réponse. 

D. Quant à Duclos, il est bien évident que vous savez qu'il a été 
reconnu avec vous par le cantonnier des Champs-Elysées; vous ne 
pouvez pas le ïiier. 

R. Je ne le reconnais pas, parce qu'il n'y était pas. J'étais seul 
sur ia place ; seul j'ai conçu le projet , et je l'ai exécuté. 

An témoin : 

D. Persistez-vous dans tout ce que vous avez avancé ? 
R. Oui, Monsieur, je persiste. 

Le témoin retiré, nous avons fait comparaître devant nous le 
si^ur Sauge, iequel, après avoir prêté entre nos mains le serment 
voulu par ia loi , nous a déclaré ce qui suit , toujours en présence de 
finculpé Darmès : 

Je m appelle Sauge ( Etienne ) déjà entendu. 

D. N'étes-vous point l'un des gardiens de Darmès, dans sa 
prison ? 

jR. Oui, Monsieur. 

IlTTERROGATOUISS. 7 



«9 INTERROGATOIRES 

D. O^uîs conbko de tempft? 
ff . Pepuis le 2 3 janvier. 

D. Lui avez-vous entendu dire quelque chose relativement aux 
complices de son attentat ? 

• 

/?. Le 2 7 [anvier, en revenant de Tînterrogatoire , i( a dit : «Je 
vois bien où ils veulent en venir; ils disent que nous étions quatre 
sur la place de fa Concorde. Je n'étais pas seul, inais qi^iis cherchent 
les noms de ceux avec qui j étais ; je ne les leur dirai pas. Ils veulent 
des iqs^yi^ , j^ ne veux pi^ Içur en fournir. )i . i 

' D. A-t-iï dit encore autre chose? 

/?. li a dit encore : «lis veulent me faire croire qu'ils savent beau- 
coup de choses; quand j'aurai vu ces choses imprimées^ \^ verrai 
alors ce que j'aurai à faire. » 

D. Lui avez-vous entendu dire quelque chose de plus, relatif à 
quelques-uns de ceux inculpés d'être ses complices ? 

R. Le 31 février, Darrnès ayant ouvert sa fenêtre , il faisait très- 
froid ce jour-là, dit, en revenant s'asseoir auprès du poêle.: tijd.oi, 
au moins, j'ai du feu et je puis me chauffer; mais je plains bien tes 
pauvres diables qui sont arrêtés à cause de moi, qui sont au 
secret et qui n'ont pas de feu. » Mon camarade lui dit : et Si vous étiez 
raisonnable et si vous vouliez dire la vérité , vous les soulageriez, ils 
ne seraient plus au secret et ils pourraieqt venir aq chauQoir comme 
les autres. » Daittiès alors reprit : «H y a ce pauvre diable de Duclos, 
dont i'f^ffaire ç^t hieq. embrouillée; il ^m% condamné à vî^, et je 
n'aurais qu'un niot à dire popr iiwre tomber 3^ tête nvec {a mîenqa, ^ 

D. Est-ce là tout ce que vous savez ? 

R. Mon camarade lui ayant dit qu'il serait possible que son affaire 
fut finie pour le 1 5, Dormes dit ? «Il serait curîetix que moitaffhire 
fût .terminée pour le 16, étant né le 17.» Nous lui dîmes: Il serait 
bien heureux pour votre mère que vous ne fussiez pas né^, et pour 
vousaussi.il i^épondit: et Pourquoi donc? Je suis fort aise d^éWehtf 
pour avoir fait ce que j'ai fait , pour avoir essayé de délivrer ni^n lyiys 



HÈ DAtUMËB. SI 

d'un tywtti , d'un Gmnd*Môgof, qtii a fatissé toW MS iérIÉtH» en vio- 
lant les lois de la Charte ; je n w qu'un regret , c'est de tt'ttvoif 
pas réussi. » 

A Darmèê: 

D. Vous venez d'entendre ce qui a été dit. Qu avez-vous à ré- 
pondre ? * 

R. Le témoin dit vrai ; sauf que je n'ai pas dit les lois de la Charte, 

mtîs le programme de f hôtel de i/ille. Qmnt à ïa place Lotris XV, 
fai bien dit que fé n'étais pas setil, mais que ce n'étaietit pas tes per- 
sonnes qui étaient avec moi que Ton inculpait. 

D. Vous n'avei pas autre chose à dire? 
R. Non, Monsieur. 

D. Vous voyez f)ien que ce que dit ce témoin est la même chose 
que ce qui a été déjà dit sur Duclos. 

R. C'est ^n peu plu» conforme, sauf que je n'aî pas dh mes ùwn- 
pUceSf ïXMAûeux qui étaietU impliqué» avec moi dans manajffhire. 
Quant à Duclos^ je voulais dire que, si j'étais un scélérat, je n'aurais 
qu'un mot à dnre pour l'entraîner avec moi. 

Au témoin : 

D. Vous persistez dans tout et q«e vôtis aVM dit? 

R, Oui, Monsieur, je persiste. 

Le témoin retiré, par continuattoft, ûMf âVôtls fait CMifpâilàtt^ 
devant nous le sieur Jollois, lequel , après avoir prêté entre nos mains 
ie serment vouio p«r la lot i a déeiafé ee tpA suit, tottjMifS ett pré- 
sence de f inculpé Darmès: 

Je m'appelle Jollois {Jean-Eloi)^ déjà entendu. 

7. 



53 INTERROGATOIRES 

D. Depuis combien de temps êtes-vous préposé à ia garde de 
Darmès? 

R. Depuis le 29 octobre. 

D. Lui avez-vous quelquefois entendu dire quelque diose de 
relatif aux complices de son attentat? 

R. Je lui ai entendit dire qu'il n'avait encore déclaré personne; 
mais que plus tard il verrait ce qu'il aurait à faire. 

D. Ne lui avez-vous rien entendu dire, notamment le 27 janvier? 
N'a-t-il rien dit sur les personnes qui pouvaient être avec lui sur la 
place de la Concorde? 

R. Je me souviens, en effet, qu'il a dit : tt Ces messieurs veulent 
que je n'aie pas été seul sui; la place de la Concorde ; en effet , 
je n'étais pas seul, mais je ne leur dirai pas avec qui je me 
trouvais. » 

D. Est-ce ià tout ce dont vous vous souvenez? 
R. Oui, Monsieur. 

D. Vous souvenez-vous qu'il ait parlé plus particalièremeot de 
quelques-uns de ceux qui étaient inculpés d'être ses complices? 

R. II nous a souvent parlé de Borel et de Duchs. 
D, Qu'est-ce qu'il vous a dit? 

» 

R. Il a dit de Borel qu'il le plaignait beaucoup , parce que c'était 
un père de famille qui n'était pas heureux. 

D. Et de Duclos? 

R. Qu'il n'aurait que peu de chose à dire contre lui pour le 
faire cpmpreo^dre dans son affaire. . . 

... Et aussitôt nous avQxis adressé à l'inculpé les interpellations sui- 
vantes : 

D. Vous voyez que ce témoin a dit la même chose que les 
deux autres. 



^M'iM- i 



DE DARMÈS. 53 

R.^ Le témoin ne peut dire que ce que lui ont répété les autres, 
car iin était pas là quand j'ai parié« 



Le témoin répond : 

«Tétais^ là, occupé 4 défaire les nœuds de votre manche. 



. 1* 



A Darmès : 

D. Est-ce tout ce que vous avez à dire? 
R. Oui, Monsieur. 

Au témolii : 

^ ■ . '. 

D. Per«stez-vous dans vos déclarations? 
R. Oui , Monsieur, je persiste. 



* Sf 



Le témoin retiré , nous avons procédé ainsi qu'il suit à l'interro- 
gatoire de Darmèfi. 

D. Les aveux que vous avez faits à vos gardiens ne nous appren- 
nent rien ; ils nous confirment seulement que vous n étiez pas seul sur 
ia place Louis XV , que vous y étiez avec Valentin Duclos et deux 
ou trois aiitres personnes au moins, qui nous sont également bien 
connues ; vous feriez donc beaucoup mieux de vous donner au moins 
le mérite de ia franchise et de déclarer la vérité. Qu'avez-vous à dire? 

R. J'ai dit la vérité jusqu'ici. J'étais seul sur la place Louis XV. 
Quand je serai à la barre je m'expliquerai. 

D. II y a encore un point sur lequel vous n'avez encore jamais dit 
ia vérité, c'est sur l'emploi de votre matinée du 1 5 ; et, si je suis bien 
informé, vous auriez également dit, en présence de vos gardiens, que 
vous n'aviez pas dit toute la vérité sur Femploi de cette matinée et 
que vous la feriez connaître à votre avocat? 

R. J'ai dit toute la vérité, et si, dans le premier moment, je n'ai pas 
dit les choses dont je suis convenu depuis, c'était dans la crainte de 
compromettre les personnes. 






M INTERROGATOIRES 

D. Cherchez bien dans votre tnëmôhre ! est-ce qu'H n'y a pas 
quelques-unes des visites que votis avez faites danà ia matmécr d& 1 5 
dont vous pourriez parler sans compromettre personne? 

R, J'ai dit tout ce que j'avais fait dans la matinée dn 1 5; seulement, 
ce que je comptais dire à mon avocat y c'est que j'û été à miciî sur la 
place du Carrousel pour voir arriver le Roi, que j'ai vu, en effet, arriver 
à cette heure-là. 

D. N'est-ce pas, en effet, après avoir vu arriver le Roi que vous avez 
été vous concerter avec les personnes qui sont allées avec vous sur ia 
place de la Concorde? 

R. A midi et demi, je suis retourné chez moi, où j'ai même payé 
un verre de vin au portier, qui doit s'en souvenir; puis faî été payer 
25 sous que je devais à Considère. Ne f ayant pas trouvé me d'Artois, 
je suis allé à Montmartre, chez sa femme, où j'ai dîné. 

D. Dai^mès, vous approchez du redoutable moment pour vous, où 
justice vous sera faite ; vous n'avez plus que quelques jour^ détint tous, 
employez-les à rentrer en vous-même , à vous repentir comme vous 
devez le faire, et à tâcher de mériter peut-être , par votre sincérité, 
un peu moins de sévérité dans le jugement qui doit vous atteindre. 
Gu'avez-vous à dire? 

R. A partir du premiei? interrogatoire que vous m'aves-laît subir » j'ai 
pris une résolution fixe et positive sur ma position ; il m'est impossible 
de la changer. 



DB DUCLOS. M 



il il • 



INTERROGATOIRES DE DUCLOS. 

I • 

DuCLOS (Vaîentîn)^ i^gé de 44 ans, né à Paris , 'propriétaire de cabriolets 
de remise t detif^urant à La ChapeUe-Saint-Denis, passagf^ de la 
Goutte-d^Or, n"" 4. 

1*' interrogatoire subi, L^ 90 octobre 1840, devant M. Zangiacomî, Juge d^structioD 

dele'gue'. 

D. Vous connaissez un sieur Lespinasse? 

R. Oui; c'est un marchand de vin du faubourg Poissonnière. 

D. Comment le connaissez-vous? 

R. Je le connais parce qu'il est du quartier.' 

D. Vous allez quelquefois chez lui 7 

Rr Oui, Monsieur, pour j prendre un verre dé Wn. 
D Vous y alliez pour d'autres motifs. 

R. Non, Monsieur. 

D. Vous y êtes pourtant allé quelquefois le son*, et vous vous y 
êtes trouvé avec certain$*individu8. 

m 

R. Non , Monsieur. 

D. Vous vous y êtes trouvé notamment avec Darmès. 

/t Non , Monsieur ; ce a'e$t paa I& que je voyais cet individu : il 
était du quartier, il passait et repassait dans la rue, où chacun pouvait 
le voir comme moi; quand il pe m'empoignait pa$ pour bavarder, il 
jasait avec un autre ; pas plus avec moi qu'avec d'autres. 

D. Aismi parfois if causait avec vous? 
R. Oui, quand cela se troaiwt 



\ 



M INTERROGATOIRES 

D. Quel était le sujet de ces conversations ? 

A. C'étaient des choses vagues ; on pariait de choses et d'autres. 

D. Parmi ces choses vagues , la politique n entrait-elle pas pour 
beaucoup ? 

R. Parfois, oui , Monsieur; il s étalait sur f histoire ancienne. . 

' D. Mais le plus souvent ne parlait-il pas de la poKtique actuelle? 

R. Quelquefois il disait qu il venait de lire le journal , et il racon- 
tait les nouvelles. 

D. Vous devez alors connaître ses sentiments politiques? 
R. II était un peu exaspéré. 
D, du entendez-vous par là ? 

B. Je pense qu'il était républicain. 

D. Il résulte de renseignements que vous l'entreteniez dans ces 
idées, et que, dans des conciliabules que vous avez eus avec lui et 
quelques autres individus, vous f auriez poussé à commettre le crime 
dont il s'est rendu coupable? 

R. Je ne lui ai rien dit. 

D. II est impossible que, lié avec lui comme vous l'étiez, partageant 
comme vous le faites ses idées politiques, le voyant habituellement, 
vous n'ayez pas eu avec lui, dans ces derniers temps, quelques conver- 
sations sur l'attentat dont il s est rendu coupable? 

• 

R. Je ne sais rien de tout cela; je vois que fon veut me perdre. 

D. N avez-vous pas été avec cet individu au banquet de Belle- 
viile? 

R. Je ne dirai plus rien à présent; je n'ai plus rien à dire. 

D. Pourquoi ne voulez-vous pas répondre à cette question? 
/L Je vois que fon est indisposé contre moi. 



Communûtles : c'est» à ce titre que yous ûutiei^ été mh bfuiqueti de; 
Belleville, et que vous vous trouvez dans une si grande uitfiiiètd 
avec Darmès. 



1 1> «« 



R. Maintenant je ne répondrai plus. 



• • 



D. On ne coibprend pas, si vous^etç^ ipQOcçnt et étrflPgf r toqt à 
fait au crime de Darmès, que vous adoptiez un pareil système. 

. . . r ' 

R. Je ne vois pas ' pourquoi on m accuse , ma politique est d être 
un homme moral, et je n'ai rien à nm reprçic^r. . 

£). Qu entendez-vous par être moral? 

R. D avoir de fa probité, de savoir se conduire, de ne faire de 
mai i personne , ce sont les qualités que j'ai. Je pui^ avoir à^ idées , 
mais jamais je ne me mêlerai d'un assassinat, parce que ce n'est pas 
là de la politique. 

/). Vous savez quç Darmès a pris 4 la préfecture de police des 
médailles de cocher de cabriolet ? 

jR. Ôdî , Monsieur ; il me Ta dît, maïs [è ne ine rappelle pas Tavoir 
jamais va mener de cabriolet. 

D. N'était-ce pas pour vous qu'il devait conduire ? 
/?. Non , Monsieur. 

D. N'avez-vous pas eu entre les mains divers ouvrages tefs que 
f Histoire des égcusx , Jacques Bonhomme f etc. et que sont -ifs 
devenus? 

R. Je ne connais pas cela : j'ai eu des livres , je les ai mis de côté, 
je ne sais ce que cela est devenu. 

D. Depuis quand les avcz-vous mis de côté ? 
R. Je ne me rappelle phis. 

A Vos réponses ne afmt pas franchea , iMtee ccfidnite n'est nul- 
lement justifiée par vos réponses* Vos rapports avec Darmès ne sont 

IntbrrogatoibbSv 8 



58 INTEliROGATOIRES 

pas siiffisaininent expliqués par vous et on recherchera votre partici- 
pation dans ses actes et le fait de votre affiliation à la Société des 
Communistes. 

R. tTai répondu franchement? 

D. Vous n'avez pas répondu franchement à la question du ban- 
quet de BelIevîHe. Y étes-vous allé, oui ou non? -^^ 

R. Je ne sais pas pourquoi on me demande cela. 

D. Voulez-vous répondre , oui ou non? 
R. Je n'ai plus rien à dire. 

D. Ainsi vous ne voulez pas vous expliquer sur ce fait? 
R, Non, Monsieur. 



S^ interrogatoire subi par Duclos, le S2 octobre 1840, devant M le ChaDcelier 

de France , Président de la Cour des Pairs. 

D. Vous avez déjà été interrogé, et, bien décidément, vous 
n'avez pas dit la vérité. D après les découvertes qui ont été faites 
chez vous , votre position devient infiniment grave. Vous connaissez 
Darmès: vous étiez avec lui dans des rapports intimes, et, quand 
on rapproche ces circonstances du résultat de la perquisition qui a 
été faite à votre domicile, il est bien difficile de ne pas croire que 
vous n ayiez pas eu connaissance de ses projets. Je vous engage à faire 
des aveux, des aveux très-sincères; vous n'avez pas d'autre moyen 
de détourner les soupçons qui s'attachent naturellement à votre con- 
duite. Depuis combien de temps connaissez-vous Z)ii;77iè^ ? 

R. Depuis une douzaine d'années; je Tai toujours vu dans le 
quartier , qui allait à droite et à gauche. 

D, Vous aviez des occasions assez fréquentes de vous rencontrer 
avec lui chez le marchand de vin Lespinasse? 

R. Je Xy ai vu peut-être une fois ou deux , encore je n'en suis pas 
sûr. 



DE DUCLOS. 59 

D. Qu'elles sont les personnes avec lesquelles vooà vous êtes 
trouvé en même temps qu'avec Darmès ? 

R. Je ne pourrais vous le dire; il connaissait tout le monde. 

D. Etes-voûs entré quelquefois dans la chambre de Datâmes ? 

R. Jamais; je ne savais seulement pas oii il demeure : je ne iai 
su que par le. journal, quand on Ta arrêté. 

D. Comment et en quel lieu avez-vous été informé de fattentat 
de Darmès? 

R. Le lendemain , quand on a crié le journal , je l'ai acheté. Je ne 
connaissais seulement pas Darmès sous son véritable nom; nous ne 
f appelfions que le petit /routeur. 

D. Ne vous étes-vous pas promené avec lui , dans la journée du 1 4 
et dans celle du 15? . 

R. Non j Monsieur. Je n'ai pas quitté mon cabriolet pendant ces^ 
jours-Ià. 

D. Votre cabriolet n'a-t-il pas stationné dans les environs de la 
place Louis XV, le jour de l'attentat? 

Rs Non, Monsieur. 

D. N avez-vous pas conduit quelqu'un de ce côté-là, ce jour-là? 
R. Non, Monsieur; je n'ai conduit personne de ce côté-là. 

Ds Vous connaissiez parfaitement les opinions politiques de 
Darmès ? 

R^ Je savais quil était exalté. 

D. Depuis combien de temps étes-vous dépositaire des cartouches 
qui ont été trouvées hier chez vous ? 

R. n y a bien longtemps. 

D. Combien y a-t-il de temps? 
R. Quatre ou cinq ans. 

D. Qui est-ce qui vous les a confiées ? 

R. Cest un monsieur qui fait la commission. Je Tai conduit rue 

8. 



eo INTERROGATÔmES 

Stmt-«Magkitre au ooia de la rue Samt^Denis. Un jeune hodiine 
est venu m apporter ce paquet; il y avait un pot de grès dans le ne. 

D. duelle est Cette personne ? 
R, Je ne la connais pas. 

D. Comment! une personne que vous ne connaissez pas vous 
aurait confié un dépôt de cette impoitance? 

R. Je l'avais menée déjà cinq ou six fois; je Fai reiqenée ensuite 
d autres fois. Journellement on nous laisse des paquets daus nos voi- 
tures^. 

D, Pourquoi n avez- vous pas déclaré ce fait au cooimi^saire de 
police ? 

R, C'est le tort que j'ai eu; mais d'abord je ne savais pu que c'é- 
taient des cartouches : la caisse est restée trois mois sous la remise. 

* • • 

D. Si vous avez. conduit plusieurs fois la personne dont îi s'agit^ 
\(oiis devez savoir son nom et son adresse? 

R. Ce monsieur demeurait rue Rocbechouart, je ne sais pas le 
numéro ; ii s'appelait quelque chose comme Bidault, un nem assez 
(lifiicile a retenir. Je devais le conduire avec cette caisse à cinq lieues 
et demie de Paris ; puis il se ravisa, et me dit de la garder chez moi et 
d'en avoir bien soin ; qu'il me dirait plus tai*d ce qu'il fisiUait en Etire. 

Z). Vous avez été compromis dans les affaires des 5 et 6 juin ? 
R. Oui, Monsieur, par suite d'une dénonciation. 

D. Vous avez été compromis à ce point que, vous étant présenté 
le 7 , le commandant de la garde nationale tous a chassé. 

R. Oui , cela est vrai ; on m'avait dénoncé. 

/). Vos sentiments, au reste, sont assez dénotés par les écrits qui 
ont été trouvés chez vous, et qui sont de la nature la pins snbversi^? 

/?. CVst précisément cette dénonciation-fà qui a fait wlotï malheur; 
sans cela j'aurais déclaré ce que j'avais chez moi. 

/). On sait que vous appartenez à la société dea Communistea, et 



Dfi DUGliOS. ^1 

cesit^mme tel i)«e vottsaYez élé;au.{)anquet deBdlevîHeet itue irous 
avez connu Darmès. 

M. Je aappartiens à aucune société. 

D. A ijuéîle heure êtes-vous arrivé au banquet de Beflevflle ? 

R. fl;était.déjà Que heure avancée , quand j'y ^uis allé. J'ai mon 
cabriolet à mener. 

D. Qui est-ce qui vous y a conduit? 
R. J'y suis ailé seul. 

D. Mais tout le monde n'allait pas à' ce banquet." 

R. Je ne saurais vôiis rien dire là-dessus; 

D. Vous avez vu Daîtnès à ce banquet? 

R. Oui, Monsieur, jy ai vu Darmès. 

/). N'est-ce pfts avec lui que vous y avez été? 
R. Non, Monsieur, j'y suis allé tout seul. 

JD^ Au diner de Bdievillef n'y avait-il pas, outre Darmès, d'autres 
personnes de votre connaissance? 

R. Non, Monsieur. 

D. Galand n'y était-il pas? 

R. Je ne connais pas Gaiand. 

t 

• •■';■••• ' 

D. âu'a-t-on fait à ce dîner? 

R. On a lu des discours; je ne les ai pas beaucoup entendus, 
j'étais Fun des derniers. 

D. Qui est-ce qui y portait la parole? 

R. Je n'y connaissais aucun de ceux qui portaient la parole. 

£>. Cherchez à vous mieux rappeler le nom de l'individu qui vous 
avait confié des cartouches? 

R. Ma foi , je ne sais pas. ' ^ 



62 INTERROGATOIRES 

D. N'avie&vous pas fait connaissance de cette personne-à Toccasion 
des affaires des 5 et 6 juin? 

R. Je ne connaissais pas cette personne, et j'ai été plus de trois 
mois sans savoir ce qu elle m avait donné. Je ne 1 ai su que lorsque 
j ai voulu ranger tout cela. En montant fescalier , j'ai fait un faux pas, 
le pot de grès s'est cassé ; ce n'est qu'alors que j'ai su que c'étaient des 
cartouches. 

D. N'avez-vous pas déjà été compromis dans une affaire de fabri- 
cation de poudre? 

/?. Non, Monsieur, jamais. 

D. D'après la vérification qui a été faite t. ia poudre trouvée chez 
vous proviendrait d'une fabrication clandestine? 

R. Je n'en sais rien. 

D. Depuis combien de temps connaissez-vous Laponneraye? 

R. Je l'ai connu dans le temps, aux cours d'adultes; s'il n'y avait 
pas eu d'école, je ne l'aurais pas connu. 

D. On a trouvé chez vous une pétition à la Chambre des Députés, 
autographiée et signée de plusieurs noms parmi lesquels figuit^nt le 
vôtre et celui de Boudin? 

R. Je ne sais pas ce que vous voulez dire. 

D. Comment! vous ne savez pas ce que je veux vous dire? 

R. Une pétition à la Chambre des Députés? Ah ! oui , j'en ai signé 
une ; mais je ne savais pas qu'elle fût à la maison. 

D. Qui est-ce qui vous a proposé de la signer? 
R. Je ne sais pas. 

D. Connaissez-vous Gallois? 
R. Non , Mons»ieur. 

D. ¥a Boudin? 

R. Oui, Monsieur, je le connais. 



DE DUCL.OS. 63 

I 

JD. ,Ky ^Uil:^9A deux Baudm? . 

R. Ouï , Monsieur; ils ont travaille tous les deux pour moi. 

D. Boudin na-t-il pas été compromis dans TaSaire du Moniteur 
républicain ? 

R. Je ne crois pas , je ne sais pas. 

D. duel était lob jet de cette pétition? 
R. Sans doute la réforme électorale. 

D. Outre les 500 paquets de cartouches trouvés chez vous, on y 
a saisi d'autres munitions en plus petite quantité, qui évidemment 
provenaient de vous? 

R. Cela était avec le reste; jamais je nai acheté pour un centime 
de poudre. 

D. Vous ne lavez peu^etre pas achetée , on vqus Fa donnée. 

R. Personne ne m*a donné de poudre, je ne connais personne qui 
en fabrique. 

D. Qu'est-ce que c'est que ce bonnet qu'on a trouvé chez vous? 
c'est ce qu'on appelle un bonnet phrygien , un bonnet rouge. 

R. If y a longtemps que j'ai cela; on peut en faire ce qu'on veut. 

D. Je vous représente une lettre datée du 30 novembre 183 7, et 
signée Laponneraye. La reconnaissez-vous ? 

R. Oui, Monsieur. 

D. II était donc lié avec vous, puisqu'il vous proposait de prendre 
de actions dans son journal ? 

R. Je n'étais pas lié avec lui pour cela. J'étais abonné à son journal 
parce qu'il coûtait bon marché. 

Z>. Quelles étaient vos relations avec la femine Leduc, fabricanie 
de paillassons , dont on a trouvé l'adresse chez vous ? 

R. Je ne la connais pas. 

D. Connaissez-vous le sieur Desmarets, corroyeur? 

R. J'ai eu des relations d'affaires de commerce avec lui ; je ne f ai 



64 INTEFIHOGATOIRES 

pas vu depuis plus de dix ans. Cest on homme qui. m a fiait du .tort, 
et beaucoup de tort. i\ na su que dire du mai de moi, qui lui avais 
toujours fait du bien, 

D. duel mal a-t-ii dit de vous? 

/?. Cent horreurs, parce que je voulais' me faine payer dé lui" 



, I 



D. Persistez-vous à dire que voiis n'avez pas été avec Darmès au 
banquet de Belleviile? 

- » ■ . i 

* * • ' . ■ . • • : 

/?. Je n'y suis pas allé avec lui. 

D. N'en êtes-vous pas au ntoins revenu avec lui ? 

/?. Oui, Monsieur; je suis revenu avec lui jusque chez lifi» 

D. duels étaient avec vous les amis les pius ititittiM de Darmès? 

R. Je ne me le rappelle plus; je n'étais pas, moi, intime avec fui. II 
passait et repassait, et m'avertissait par obligeance quand il ny avait 
pas de^€ahriolets à l'une de mes stations : ce n'est pas là de f inti- 
mité, h' 

D. Vous avez connu plusieurs des accusés d'avrif ? 
R. II y a si longtemps de cela que je l'ai, oublié. 

D. Je vous représente la pétition autographiëe dont je vous ai 
parlé tout à l'heure; la reconnaissez-vous? 

R. II y a si longtemps de cela que je ne m'en souviens pfus. 

D. Je trouve dans vos papiei^s un reçu ainsi conçu : ((Reçu 4u 
citoyen Président de la Section la somme de quatre francs. Ce 1 3 dé- 
cadbre i &3â. Signé Delente. ^ Chi'est*ce que ce reçu ? 

R. Je ne sais pas comment ce papier s'est trouvé chez moi, mes 
moyens ne me permettent pas d'être chef de section. Cela a pu se 
trouver dans qinefqite brochure ou dans quelque chose qu'on m'a 
donné à Ih*e, 



DE DUCLOS. 65 



3* interrogatoire sabi par Duclop , le 99 octobre 1640, devant M. Zangiacoini , Juge 

d'instruction délègue'. 

Et aussitôt nous lui avons représente deux paquets annoncés con- 
tenir, lun de la poudre, lautre des cartouches, et avons demandé 
à rinculpé s'il les reconnaissait pour ceux'^saisis chez lui, ainsi que 
l'intégrité des scellés y apposés. II a répondu affirmativement à ces 
deux questions. 

Nous avons aloi^ rompu lesdits scellés en présence dudit Duclos 
et de MM. Chevallier et Gazan, experts commis par nous à leflfet 
d'examiner le contenu desdits paquets et de nous donner leur avis! Eu 
conséquence, MM. ies experts ont prêté entre nos mains serment 
de remplir l'objet de leur mission en leur honneur et conscience, 
et ils se sont livrés à cet examen, dont ils nous ont dit qu'ils feraient 
un rapport spécial. Nous mentionnons ici que M,. Lenoir, commissaire 
de police, a assisté aussi, en qualité d'expert, à ces opérations, et 
qu'il a prêté le serment prescrit par la loi. 

Lecture faite, le présent procès-verbal a été signé par les experts, 
le nommé Duclos, qui depuis dix heures jusqu'à cinq heures a assisté 
à leurs expériences, nous juge délégué et le greffier, ainsi que par 
M. Lenoir, commissaire de police. 



4* interrogatoire subi par Duclos, le 4 Doverobre 1840, devant M. le Chancelier de 

France, Président de b Coar des Pairs. 

D. Dites remploi de votre temps dans la journée du 1 5 ? 
A. J'ai mené mon cabriolet toute la journée. 

D. L'on vous a peu vu à votre station ce jour-là? 

R. J'ai quitté ma station pour aller en course; mais tout le reste 
du temps, je l'ai passé à ma station. 

p. Dans la journée du 15, vous avez été au moins une fois du 
côté de la place Louis XV ? 

R. Non, Monsieur; mes occupations n'ont pas du tout été par-là. 
Intbrrogatoibbs. 9 



\ 



66 INTERROGATOIRES 

D. duel jour et à quelle heure avez-vous vu Daimès pour ia der- 
nière fois? 

/?. Je ne saui*ais vous le dire. Depuis quelque temps on ne ie 
voyait plus passer aussi souvent, parce qu'il apprenait à raccommoder 
des souliers. 

D. Y a-t-il longtemps-que Darmès a été chez vous à la Chapelle? 
R. Ma foi , je ne vous le dirais pas ; je ne pourrais me le remémorer. 

D. N avez-vous pas été avec Darmès à la place Louis XV avant 
le jour de l'attentat? 

R. Non, Monsieur, je vous le jure; j'ai toujours travaillé et je n ai 
pas quitté mon cabriolet. 

D. duel jour avez-vous bu à ia place Louis XV un verre d'eau- 
de-vie ? 

/?. Jamais je n'ai bu d'eau-de-vie à ia place Louis XV. 

D. Vous avez en connaissance d'un comité où se méditaient de 
mauvaises actions contre ie Gouvernement? 

R. Non , Monsieut. 

D. Par. qui aviez-vous été invité au banquet de BelieviHe? 
R, Je ne vous dirai pas; je l'ai su par les journaux. 

D. Mais ion ne va pas à ces sortes de banquets sans y être invité 
et sans faire partie des sociétés qui s'y réunissent? 

R, Je n'ai jamais fait partie d aucune société. 

D. Depuis combien de temps connaisses^-vous le naminé Pillot, 
chef de la société qui s'est réunie au banquet de Belleviiie? 

R. Je ne le connais pas du tout 

D. C'est cependant lui qui présidait le banquet et (pii y a fait un 
discours ? 

R. J'étais très-éloigné ; j'étais du côté de la porte et je n'enten- 
dais rien. . • . , 



ff 

• 



DE DUCLos. er 

D, Vous faisiez cependant partie d une des sections dont se com- 
posait la société. A quelle section apparteniez-vous? 

R. Je n'appartenais à aucune section. 

D. Mais tous les convives de ce banquet étaient divisés en 
sections? 

R, Je ne sais pas ce que cela signifie. 

D. A quelle heure et à quel endroit avez-vous rencontré Darmès 
ce jour-là? 

R, En sortant du banquet. 

D. N*étiez-vous pas à la même table que lui? 
R. Non, Monsieur. 

D. Mais vous avez diné à ce banquet ? 

R. Oui, Monsieur. 

D. A quel endroit avez-vous quitté Darmès? 

R. Nous sommes revenus par les boulevarts extérieurs; je l'ai quitté 
sur le boulevart même. 

D. En refusant, comme vous le faites, de répondre d'une manière 
satisfaisante aux questions (|ui vous sont adressées, vous ne pouvez 
qu aggraver votre position déjà fort mauvaise. 

R. Je ne peux pas Bire ce qui nest pas. 



6* iflterrogatoire subi par Duclos , le 91 novembre 1S40, devant M. ie Chancelier 

dé France, Prffstdent de la Cour dea Pairs. 



D. Vous avez menti quand vous avez dit que les cartouches sai- 
sies efaez vous étaient fort anciennes. C'est vous qui avez fiut ces car- 
touches ; vous y travailliez encore au mois de juin dernier. Quavez- 
vous à dire? 



L'inculpé répond après avoir liésité longtemps : 
R. Je ne sais pas ce qu'on veut me dire. 



68 INTERROGATOIRES. 

D. On vous a vu y ti*avaiiler? 

R. C est une fausseté. 

D. Vous avez fait plus que de fabriquer des cartouches, vous les 
apportiez à Paris dans votre cabriolet ; vous les mettiez dans une mu- 
sette , et vous alliez les distribuer dans divers endroits. Qu avez-vous 
à dire ? 

R. Je m'expliquerai là-dessus. 

D. Où portiez-vous ces cartouches ? 

R. Puisque vous le savez , je n ai pas besoin de vous le dire. 

D. Je sais que vous les portiez du côté du faubourg Montmartre ; 
où les portiez-vous? 

R. Je m'expliquerai sur tout cela, lors du jugement. 

D. Vous avez été vous promener hdrs Paris avec Darmès, deux ou 
trois jours avant l'attentat? 

R. Il y avait longtemps que je ne l'avais vu. 

Z). Le même jour, vous avez bu avec lui un verre d'eau-de-vie 
chez la femme Bourson , sur le boulevard Poissonnière ? 

R. Je n'ai pas été du tout avec lui ce jour-Ia. 

D. Vous avez dit devant un témoin , qui en a déposé, en parlant 
du Roi : «On ne le descendra donc pas ! Si je tenais son cœur là, 
ttje mordrais dedans » ? 

R. C'est une pure invention ; je n'ai jamais dit que je mangerais 
le cœur de personne, 

D. Vous trouvant un jour chez la femme Humbert avec d'autres 
individus , vous avez cassé un buste du Roi ; le lendemain cette so- 
ciété en a renvoyé un autre qui avait une corde au cou. 

R. Je me rappelle bien qu'en je ne sais quelle année le buste a 
été cassé ; j'ai été très- mécontent de cette chose-là , mais je ne pourrais 
pas dire qui est-ce qui l'a faite. 

D. Il est impossible que vous niiez votre grande intimité avec 
Darmès ? 



DE DUCLOS. 69 

R. Je nai pas d'intimité avec lui : il allait et venait; je ne le connais 
pas autrement; je ne savais même pas son nom , je ne I ai appris que 
par les journaux. 

D. On a cependant trouvé chez vous un livre sur lequel il y a 
cette inscription de la main de Darmès : Donné à son ami par 
Mariusl 

R. Je ne sais pas ce que c est que ce livre. .. . 

D. Je vous rappelle qu il y a sur ce livre l'inscription dont je viens 
de vous parler. 

R. Il m'a dit une fois, en me donnant un petit livre pour les che- 
vaux : tt Tenez, voilà qui pourra vous être utile. » Mais je n'ai pas vu 
l'inscription dont vous me parlez. 

D. Depuis combien de temps aviez-vous une carabine à vous? 
R, Je n'ai jamais eu de carabine. 

Z). Quel est celui de vos amis qui demeurait passage du Saumon, 
et qui a été tué dans une émeute? 

R. Je n'ai pas mémoire de cela.' 

Z). Vous avez eu pour locataire , pendant quelque temps , un in- 
dividu du nom de Joly? 

R. Je ne le connais pas sous ce nom-là. II est possible que ia 
personne dont vous me parlez ait un autre nom. 

D, Comment vous étiez-vous procuré la poudre qui était dans 
une boîte posée sur votre table, et qui vous a servi à confectionner 

des cartouches? 

■* 

R. Je vous ai déjà déclaré comment j'avais eu ces cartouches. 

D. Depuis combien de temps connaissiez-vous un portier qui venait 
vous voir souvent à votre station ? 

R. Je ne sais pas de qui Ton veut me parler. 

D. Je vous parle d'un portier qui avait habitueOement une 
calotte rouge, une redingote à la propriétaire et un chapeau assez 
saie. 



yo INTERROGATOIRES 

R. Je ne le connais pas. 

D. Votre teinme a deux fils, quel est leur état? 

R. li y en a un qui est cloutier, et l'autre . . . ? j^ "^ vous le dirai 
pas , je ne le sais pas; je ne les vois pas. Je croîs qu'il esf em- 
ployé à la Halle. 

D. Vous les voyez, puisque le jour de votre fête ils viennent dans 
votre cour tirer des coups de fusil. 

R. Des coups de fusils .... ou des pétards. Ils sont venus me 
souhaiter ma fcte, cest vrai; mais je les vois très-rarement. 

D. Je vous rappelle Tinscription textuelle dont je vous parlais 
tout à l'heure : Donné à son ami, par Marius. 

R. Je n'ai pas vu cette inscription-là; il m'a donné ce livre, 
comme je vous l'ai dit , pensant que cela pouvait me servir. C'est 
un mauvais bouquin, auquel je n'ai fait aucune attention. 

D. Le jour de l'attentat, vous avez déjeuné avec Darmès , et 
vous avez dit en sortant: et Aujourd'hui, c'est moi qui paie; tues 

un brave?» 

R. C'est faux, entièrement faux. 

Lecture faite, l'inculpé a déclaré qu'il se refusait à signer cet 
interrogatoire. 

6* Interrogatoire subi par Duclos^ ie S5 novembre 1840, devant M. Zangiacomi, 

Juge d'instractiou , delegae'. 

• 

D. Par qui avez-vous fait restaurer et badigeonner, en dernier 
lieu, la station h"* 53, de la rue des Petites-Ecuries? 

R. Cest par un peintre; mais je ne sais ni son nom ni sa 
demeure. Cest un homme que j'avais vu dans le quartier et que 
j'avais employé. 

D, Ne connaissez- vous pas un individu attaché à un théâtre, 
notemment au Vaudeville ? 

A. NoHf Monsieur, fe n'en connais pas et ne sais pas de qui vous 
voulez parler. 



DE DUCLOS. 7] 



7* inCerrogntoin* subi parDuclos, le 91 décembre 1840, devant M. le baron Girod 
(de l'Ain), (wir de France, l'nn des commissaires délégua; et confrontations de 
cet inculpe avec les témoins Hénot, Fagard, femme Féltsa, femme Saint-Gau- 
dimu, et avec les inculpes Considère et Dartnès. 

• 

L'an 1840, le 21 décembre , une heure de relevée , devant nous, 
Louis-Gaspard'Amédée baron Girod (de FAin), Pair de France, 
commis par M, le Chancelier pour Fassister dans Tinstruction , étant 
en notre cabinet, à la maison de justice de la Conciergerie, assisté 
de Léon de la Chauvinière, greffier en chef adjoint de la Cour, 

Nous avons fait introduire le sieur Hénoi {^ Jean" Jules), déjà en- 
tendu; nous lui avons fait donner lecture de la déclaration par lui 
faite le 2 novembre 1840, devant M. Z^ngiacomi, juge d'instruction 
déygiié, et noua iuî avons demandé sï\ y persistait « 

Lé témoin a répondu : Oui, Monsieur. Nous lui avons ensuite 
adressé cette question. 

D. Avez-votts quelque chose à ajouter à cette déclaration? 

Le témoin a répondu : Non , Monsieur. 

Et de suite nous avons fait amener devant nous le nommé Valen- 
tin Duclos. 

Nous avons adressé au témoin lat[uesti(>n suivante, en lui représen- 
tant Valentîn Duclos : Reconnaissez-vous la personne que je vous 
représente? 

Le témoin a répondu : L^ni des hommes que j'ai vus était de cette 
taille-Ià; sa figure n'était pas garnie de favoris aussi ép^is, il avait Tair 
plus jeune, mais c'était bien là même taille. 

D. Quelle heure était-il ? 

R. U âait onze heures et demie, midi. 

Nous avons fait retirer le nommé ralentin Duclos, et de suite noiis 
avons fait aihener devant nous le nommé Considère, ' 

Nou^' avons demandé au témoin, en lui représentiuit Considère, s'il 
ie reconBaûftak pour f un des deux indi vîd|us dont il a.f)arié. 



7i INTERROGATOIRES. 

Le témoin a répondu : Je ne reconnais pas cet individu pour Tun 
de ceux que j'ai vus. Je reconnaîtrais plutôt pour la taille le premier 
et surtout pour le profil , lorsque vous Pavez fait retourner. 

Nous avons fait retirer le nommé Considère^ et de suite nous avons 
fait amener devant nous le nommé Darmès. 

Nous avons demandé au témoin s'il le reconnaissait. 

Le témoin a répondu : Aucunement. Cet individu est plus petit 
de taille que celui que j ai vu. Même, le plus petit de ceux que jai 
vus , était plus grand que ceiui-Ià. 

Après lecture , le témoin a déclaré persister dans ses réponses et a 
signé avec nous et le greffier en chef adjoint de la Cour. 

Par continuation , nous avons fait introduire dans notre cabinet le 
nommé Fagard, déjà entendu . auquel nous avons adressé la question 
suivante : 

D. Je vous fais donner lecture de ia déclaration que vous avez 
faite, le 2 novembre l84o, devant M. Zangiacomi, juge d'instruc- 
tion délégué. Persistez-vous dans cette déclaration ? 

R. Oui, Monsieur. 

D. Avcz-vous quelque chose à y ajouter? 

R. Non, Monsieur. 

Et de* suite nous avons fait amener devant nous ie' nommé Duclos, 
et nous avons demandé au témoin s'il le reconnaissait. 

Le témoin a répondu : Non, Monsieur. L'individu dont |e veux 
parler, avait une figure beaucoup plus rouge et beaucoup plus pfeine ; 
il n'avait pas de collier de barbe,. il n'avait que des favoris; c'était 
du reste à peu près ia même taille. Je veux parler de celui qui est 
venu me demander l'heure. 

Nous avons fait retirer ie iiommé Duclos, et nous avons fiiit 
amener devant nous le nommé Darmès. 

* Nous avons dit au témoin : Reconnaissez-vous cet individu ? 

Le témoin a répondu : Oui , Monsieur, c'est bien lui que |'ai vu. 

Nous avons &it donner par- le greffier, en présence de Darmès, 



DE DÛCLOS. 73 

une noQyelIe lecture de la dëdaration faite par le témoin devant 
M. Zangiacomi, le 2 novembre, et nous lui avons adresse la ques- 
tion suivante : 

D. Vous voyez qu'il résulte de cette déclaration , que le témoin 
vous aurait vu , le 1 5 octobre, vers cinq heures, sur le lieu de lattentat, 
en compagnie d'un autre individu ? 

R. Le témoin se trompe. li dit qu'il ma vu avec une autre per- 
sonne, cela n'est pas; je suis resté là près d'une heure, mais j'ai tou- 
jours été seul. Quant au verre d'eau-de-vie , ii est vrai que j'en ai bu 
un ; mais la marchande qui me l'a vendu et qui m'a signalé au sergent 
de ville , a bien vu que j'étais seul. 

D. Vous avez avoué dans vos interrogatoires que, peu d'instants 
avant de commettre l'attentat, vous teniez votre arme exactement 
comme le témoin l'a dit; vous avez avoué que vous aviez bu un verre 
d'eau-de-vie presqu'au même instant: vous voyez que ces aveux de 
votre part s'accordent parfaitement avec la déclaration du témoin, 
qui d'ailleurs vous reconnaît très-bien, et qui explique que la personne 
qui était avec vous gesticulait et parlait avec vous. II est bien difficile 
d'admettre que ce témoin, qui, de votre propre aveu, a dit la vérité 
sur deux faits qu'il n'a pu inventer, n'ait pas également dit la vérité , 
lorsqu'il a affirmé, sous la foi du serment, quil vous avait vu, sur |e 
lieu même du crime, en compagnie d'une autre personne, peu d'ins- 
tants avant celui où vous avez tiré sur le Roi. 

R. Je persiste à dire que monsieur se trompe. 

D. Je vous répète que la déclaration du témoin vous constitue en 
état de mensonge, relativement à ce fait si grave, que vous étiez en 
compagnie d'un autre individu au moment de commettre le crime. 

R. Tout cela est une pure invention. 

D. Vous réfléchirez sur ce que je vous dis, et vous veri-ez s'il ne 

serait pas enfin temps d'entrer dans la voie de la véritiî? 

« 

R. Je persiste à dire que j'étais seul, absolument seul. 
Intbrrogatoirbs. ^0 



74 INTERROGATOIRES. 

Le prévenu et le témoin ont $îgiié en cette partie, après lecture, 
ainsi que nous et le greffier en chef adjoint de ia Cour. 

Et, de suite, nous avons fait amener devant nous le nommé Consi- 
dère , et nous avons demandé au témoin s'il le reconnaissait pOur être 
Tun des deux individus dont il a parlé dans sa déclaration. 

Le témoin a répondu : Non, Monsieur, l'individu qui était avec 
celui que vous venez de me représenter tout à Theure, et que j'ai 
parfaitement reconnu, était beaucoup plus rouge, il avait la figure 
beaucoup plus pleine. 

Nous avons adressé au témoin la question suivante : 

D. Reconnaîtriez- vous la marchande d eau-de-vie dont vous avez 
parlé dans votre déclaration ? 

R. Je ne pourrais vous le dire :je nai pas fait grande attention 
à cette femme; jai seulement remarqué quelle remettait son panier 
sur sa tète, et qu'elle s'en allait du côté des Champs-Elysées. 

Nous avons fait introduire devant nous ia femme FéUsa,, déjà en- 
tendue, et nous avons demandé au témoin Pagard s'il la connaissait. 

Le témoin a répondu : Je reconnais cette femme pour f avoir vue 
sur le pont, mais elle me parait plus 'grande que celle dont fai parlé 
dans ma déposition. 

Nous avons fait donner lecture à ta femme Félisa de sa déposition, 
reçue le 7 novembre 1840, par M. Zangiacomi , et nous lui avons 
demandé si elle j persistait. 

Le témoin a répondu : Oui, Monsieur. 

D. Avez-vous quelque chose à y ajouter? 
R. Non, Monsieur. 

Au témoin Fagard: 

D. Est-ce bien dans les circonstances mentionnées par cette femme 



t)E DUGLOS. 75 

que vous auriez vu ies deux individus doM vous avez parlé, s'arrêter 
près d'une marcliande d'eau-de-yie ? 

R. Oui, Monsieur; cest à peu près dans cet endroit. 

D. Mais vous ne croyez pas que ce soit cette femme ici présente 
qui ait vendu de Teau-de-vie à ces hommes? 

R Non, Monsieur ; celie-ci me paraît plus grande. 

Après lectui*e < la femme FéUsa^ interpellée de signer» a déclaré ne 
le savoir. I^ous avons signé, en cette partie, avec le témoin Fagard et 
le greffier en chef adjoint. 

Et, par continuation , nous avons fait introduire dans notre cabinet 
le témoin Saint-Gaudiêtts , que nous avons interpellé ainsi qu'il suit : 

D. Oh va vous donner lecture de la déclaration que vous avez faite , 
le 2 1 octobre dernier, devant M. le .juge d'instruction. Quand vous 
aurez entendu cette lecture, vous direz si vous persistez dans cette 
décteration, ou si vous avez quelque chose à y changer ou à y 
ajouter. 

Lecture faite, par le gi*effier en chef adjoint de la Cour, de la dé- 
position de la femme Saint-Gaudiens, le témoin a répondu : 

R. C'est bien cela que fai dit; je persiste, et n'ai rien à ajouter. 

Et de suite nous avons fait amener devant nous* le nommé Duclos, 
et nous avons demandé au témoin, en lui représentant le prévenu, si 
elle le reconnaissait pour fun des deux individus dont elle a parlé 
dans sa déposition. 

Le témoin a répondu : Non , Monsieur. 

Nous avons fait retirer le nommé Duclos, et nous avons fait ame- 
ner devant nous le nommé Considère; 



10. 



76 INTERROGATOIRES 

Nous avons demandé au témoin si elle le reconnaissait. 
Le témoin a répondu : Non Monsieur. 

Nous avons fait retirer le nommé Considère , et nous avons &ît 
amener devant nous ie nommé Darmès. 

Interpellé par nous si elle (e reconnaissait ; le témoin a répondu : 
Cest bien la taille de i un des deux individus que [ai vu, mais il me 
semble que celui dont je veux parler avait la figure plus animée et le 
chapeau plus enfoncé sur les yeux ; je suis dans l'incertitude si c'est 
Monsieur que j'ai vu. Cet individu, autant que je m en souviens, 
avait la redingote boutonnée. 

Nous avons fait boutonner ia redingote du prévenu; nous lui avons 
fait faire quelques pas dans notre cabinet ; nous l'avons invité à pro- 
noncer à plusieurs reprises le mot capa ou capou, et nous avons 
demandé de nouveau au témoin s'il reconnaissait le son de la voix , 
la taille, la démarche du prévenu. 

Le témoin a répondu : 

Je suis dans l'incertitude; c'est bien la même forme; mais la figure 
était plus remplie ; il a dû beaucoup changer. 

^ _ _ 

Après lecture , le témoin a signé avec nous et le greffier en chef, 
adjoint de la Cour. 



8' Interrogatoire subi par Duclos, le 97 janvier 1841, devant M. le Chancelier de 
France, Président de la Cour des Pairs, accompagne de M le baron Girod 
( de PAin ) , Pair de France. 

D. Vous avez eu le temps de faire des réflexions , j'espère qu'eOes 
vous auront amené à comprendre qu'il serait dans votre intérêt de 
parler plus sincèrement que vous ne Pavez fait jusqu'ici. Votre inti- 
mité avec Darmès était beaucoup plus grande que vous n'avez voulu 
le faire croire, vous le voyiez souvent? 

R. Je ne le voyais pas souvent. 



DE DUCLOS. 77 

Ù. On vous a vus très-souvent ensemble dans les mêmes cabarets? 
R. Cétaient des endroits publics. 

D. On vous a même vu avec lui I avant-veille de Tattentat, dans 
un cabaret de la commune de Montmartre? 

R. Cest &UX. 

D. Vous alliez souvent avec lui chez Considère ? 
R. Sy allais quelquefois, mais pas souvent. 

D. Vous y avez été vu avec Daignés par plusieurs personnes, et 
entre autres par Sùnard, que vous connaissez bien ? 

A. Je ne le connais pas. 

D. Vous n'alliez si souvent chez Considère que parce que c'était 
l'un des lieux de réunion des communistes, et Ton vous y a entendu 
plusieurs fois parler de la communauté? 

R. J'allais quelquefois chez Considère , soit quand on tirait un feu 
d'artifice ou autrement, mais je n'y allais pas souvent. J'ignore si des 
communistes se réunissaient chez lui. 

/). Vous vous êtes trouvé chez Considère avec un nommé Borel, 
ouvrier mécanicien ? 

R. Je ne connais pas Borel. 

D. Vous êtes allé voir ce Borel chez Charles Borel son frère, 
marchand de vins à la Chapelle, qui demeure en face de chez vous? 

R. Je connais Borel le marchand de vins, mais je ne connais pas 
l'autre. 

D. Vous étiez avec Darmès quand vous avez fait cette visite ? 

R. Je ne peux pas vous dire cela; je ne me rappelle pas cela. 
Quand j'entre chez un marchand de vins, c'est pour boire un coup en 
me promenant. 

D. Est-ce que , ce jour-là , vous n'avez pas demandé Borel le méca- 
nicien chez son frère? est-ce que vous n'êtes pas monté dans une 
chambre, et est-ce que vous n'avez pas eu une conférepce avec ce 
Borel et Darmès en tiers ? 



78 _ INTERROGATOIRES. 

R. Je ne me reniéaiore pas cela du tout. 

D. Je vous répète ma question. N*êtes-vous pas, ce jour-là, monté 
avec Darmès dans la chambre où était Borel ïe mécanicien ? 

R, Si j'y ai monté , c'est par circonstance. Je ne sais pas qui est-ce 
qui y était; d'ailleurs, c'est une chambre où l'on donne à boire. 

D. Vous êtes donc monté dans cette chambre, pour savoir qu'on 
y donne à boire ? 

R Si je suis monté, c'est avec des personnes du quartier .Je ne sais 
pas si Borel y était. 

D. Est-ce qu'il n'y a pas eu, ce jour-là, un entretien particulier 
entre vous, Borel et Darmès? 

R, Jo n'ai pas eu d'entretien particulier avec eux ; je ne sais pas 
ce que vous voulez me dire. 

D. Vous faites semblant de ne pas connaître Borel, et cependant 
vous ie connaissez très-bien, car il était de b société communiste 
comme vous, et il était comme vous l'un des chefs de la société. 

R, Je n'ai jamais fait partie de la société communiste. 

D. Vous savez très-bien que Darmès était communiste aussi, et 
c'est cette circonstance qui a contribué à rendre votre liaison plus 
intime. 

R. Je ne sais seulement pas ce que c'est que la communauté. 

Z). Malgré l'intimité de vos liaisons avec Darmès, vous preniez 
un peu plus de précautions pour cacher ces liaisons aux approches 
de l'attentat dont il s'est rendu coupable ; vous mettiez une sorte de 
mystère dans vos relations avec lui? 

R. Je prouverai que je n'ai jamais été Hé avec Darmès, comme 
on la dit. 

D. Le dépôt de cartouches qui a été trouvé chez vous était ëvi- 
demment préparé pour les événements que vous supposiez devoir être 
la suite de l'attentat , s'il avait réussi. Persistez-vous dan»^ les eq>Ii- 
cations tout à fait inadmissibles que vous avez données sur l'existence 
de ce dépôt ? 

R. Oui, Monsieur. 



DE DUCL09. 79 

D. Le 15 octobre, jour de Fattentat, navez-vous pas payé à dé- 
feuner à Darmès, en disant : « Aujourd'hui c'est moi qui paie , parce 
« que tu es un brave?» 

R. Je récidive la même réponse que j'ai déjà faite a cette question. 

D. Vous niez; cependant un témoin a déposé de ce fait. 
R. Cest un fiimeux mensonge. 

D. Vous n'avez jamais pu donner une explication satisfaisante de 
remploi de votre temps le jour de l'attentat. On peut en conclure que 
vous étiez avec Darmès sur le lieu même du crime. 

R. J'ai travaillé toute la journée ce jour-là comme toujours. Je ne 
crains rien sur ce chapitre-là : on ne pourra pas me prouver que je 
n'ai pas travaillé toute la journée. 

D. Votre signalement répond cependant parfaitement à celui d'un 
homme que plusieurs témoins affirment avoir vu avec Darmès, sur la 
place de la Concorde, peu d'instants avant Fattentat? 

R, Jai la conscience nette sous ce rapport-là , et je ne crains rien. 

• 

D. La sécurité que vous affectez est bien mal fondée ; car, quand 
on rapproche vos antécédents de 1 83 2, du dépôt de cartouches qui a 
été saisi chez vous, de vos liaisons avec Darmès, de votre affiliation 
à la société des communistes, de l'obstination avec laquelle vous niez 
des faits parfaitement établis par l'instruction , l'ensemble de ces cir- 
constances constitue des charges ttès «graves de coiti^ictté avec 
Darmès. 

R. Tout cela s'éclaircira sans doute plus tard. 

D. Depuis combien de temps connaissez-vous un nommé jftartin 
dit Albert, communiste comme vous? 

R. Je ne le connais pas et je ne suis pas communiste. 



80 INTERROGATOIRES 



9* interrogatoire subi par Duclos, le t8 février 1841, devant M. le Chancelier de 
France, Président de la Cour des Pairs, et confrontations de cet incalpé et de Pin- 
culpe Darmès avec les témoins Morand et femme Borel. 

D. Vous avez écnt à M. le juge d'instruction que vous étiez 
étonné de n'avoir pas été interrogé sur l'heure à laquelle vous étiez 
rentré chez vous avec votre cabriolet, le 1 5 octobre; mais vous ayez 
été interrogé plusieurs fois sur I emploi de votre temps ce jour^-'là; 
vous pouviez bien vous expliquer sur ce point comme sur tous les 
autres. Avez-vous quelque chose à ajouter à ce que vous avez dit à 
ce sujet; avez-vous quelque témoignage à invoquer? 

R. Je ne m'attendais pas à être attaqué sur une affaire comme 
celle-là.... J'ai cru que peut-être ce que j'avais dit laissait une lacune, 
cest pour cela que j'ai écrit à M. le juge d'instruction. Je rentrais 
tous les jours à cinq heures, à moins que je ne fusse gardé par 
quelqu'un ; par conséquent j'ai dû rentrer le 1 5 octobre , comme les 
autres jours, vers cinq heures. Je crois que la dernière personne 
que j'ai conduite ce jour-là est M. Paul Trutin^ marchand de vins, 
qui demeure dans le faubourg du Temple , près de la caserne. 

D. Quels moyens aviez-vous pour vous procurer de Targent avant 
votre arrestation ; car il résulte de l'examen de vos registres de dé- 
pense que, depuis le mois d'octobre 1838 au mois d'octobre l84o, 
vous avez dépensé 7,050 francs de plus que vous n'avez reçu? 

R. Mon registre ne contient pas mes recettes ; il ne contient que 
celles du cocher. 

D. Mais votre cabriolet ne vous rapporte pas 7,0 00 francs? 
R. Indépendamment de cela , j'ai mes stations. 

Z). Combien en avez-vous? 
R. J'en ai trois. 

D. Mais vous louez ces emplacements , et cela doit vous coûter 
assez cher? 

R. Je loue cela 2,200 francs. Chaque stationnaire me rapporte 
30 francs par mois. 



DE DUCLOS. 81 

D. Combien avez* vous reçu d aident pour les cartouches que vous 
avez confectionnées chez vous ? 

/?. Je n ai pas confectionné de cartouches. 

D. Vous savez bien qu'il y a sur ce point un témoignage formel 
qui vous accuse? 

R. Nous verrons celui qui a dit cela; il s'expliquera sans doute 
li-dessus. 

D. Vous ne paraissez*pas vous souvenir bien exactement de rem- 
ploi de votre temps dans la journée du 1 5 ? 

R. C'est vrai, Monsieur. 

D. Je vais vous aider. Vous avez été vu le 15 octobre , vers cinq 
lieores, avec Darmès, sur la place de la Concorde, et vous étiez avec 
lui lorsqull a bu un verre d'eau-de-vie près du pont? 

R. Je vous jure que je n'ai pas trempé dans une chose pareille ; 
je suis bien innocent de cela. 

D. Vous connaissez un nommé Morand , commissionnaire au coin 
de la rue des Petites-Ecuries ? 

R. Oui, Monsieur. 

D. n connaissait aussi Darmès ? 

R. Je crois bien qu'il fa vu comme moi. 

D. Est-ce que vous ne vous êtes pas rencontrés tous les trois 
ensemble ? 

R. Je ne sais pas trop; c'est ma remise là, au coin de la rue des 
Petites-Ecuries. 



Et, par continuation, nous avons fait amener devant nous le 
nommé Morand, que nous avons interrogé ainsi qu'il suit : 
Interrogatoires. 1 1 



83 INTERROGATOIRES 

/). âueis «ont vos nom, {irénoms, Age, 'profession et demeure? 

R. Jean-Pierre Morand, âgé de 56 ans, commissionnaire, rue des 
Petites-Écuries, n° 38. 

D. Depuis combien de temps connaissez-vous le nommé Duclos? 

R. Depuis qu'il a ouvert ia station du n"* 53, rue des Petites- 
Ecuries. 

D. N'avez-vous pas été plusieurs fois chez lui ? 
R. Jamais, je ne sais même pas son domicile. 

/). II ne vous aurait pas employé à porter des cartouches qu'il 
apportait quelquefois dans son cabriolet, de son domicile à sa station? 

R. Je n'ai jamais fait aucune commission pour lui depuis que je 
le «connais. 

D. 'Est-ce que vous ri^ivez pas été dans une certaine intimité avec 
lui? 

R. Non , Monsieur : c*est un homme qiii est peu communicatif; nous 
avons même eu quelques contrariétés ensemble pour des choses qui 
ne me convenaient pas, et plusieurs fois je lui ai tourné le doa. Je 
n'ai jamais eu de liaison avec lui. 

D. Vous l'avez donc quelqucfofs entendu exprimer ses opinions 
politiques? 

R. Voilà ia chose. II voulait que tout ie monde ^fïlit égal; moi, je 
disais que c'était absurde; que.je gagnerais six francs enctmvaiilmt, 
qu'un autre gagnerait plus ou moins; que l'un habitait au premier, 
l'autre au cinquième; que sa. prétendue égdité était in^>ossibie : c'est 
là- dessus que nous nous sommes disputés; une fois même noua^vons 
manqué de nous battre. 

D. N'avez-vous pas aussi connu Z)armé^.^ 

/?. II y a très-longtemps que je connais un individu qu'on m'a dit 
avoir tiré sur le Roi, mais je n'ai su son nom que depuis l'attentat. Je 
l'ai connu avant la révolution de juillet. II était, avec sa femme, dans la 
maison d'une dame qui depuis est venue demétiMr au numéro 38 de 
ia rue du^Faiibourg-Poissittihiéfe, iet pour k^uelle je travàHIais. 



DE DUGLOS. S3 

D. Est-ce que vous n avez pas vu souvent Darmès avec Valentin 
Dticlos? 

R. Oui, Monsieur; je les ai vus ensemble, mais jamais je ne me suis 
mêlé à fèuTS copversations. 

D. Les avez- vous vus souvent cau^r ensemble? 

R. Oui, Monsieur; je peux dire que je les ai vus bien de3 fois 
ensemble. 



Et par continuation, nous avons fait introduire devant nous, la 
nommée femme Borel, que nous avons interpellée ainsi qu'il suit, sur 
la foi du serment quelle a prêté entre nos mains, de dire la vérité, 
toule la vérité , riéD que k vérité : 

D. Vous avez déjà été entendue sur le &it de savoir si Darmès 
ne serait pas venu dans votre maison, pour voir votre beau-frère, 
pendant qu'il demeurait chez vous, avant son départ pour Ham , 
et 8*jl n'y serait pas venu en compagnie de Valentin Duclos; vous 
avez déclaré aussi que , depuis le dépiu^t de vot-re frère pour Ham , Dar- 
mes était venu plusieurs fois demander de ses nouvelles? 

R. Oui, Monsieur, cela est vrai; il est venu voir mon beau-frère 
wwûj^ son départ^ avec M. Duclos , et , depuis , il est venu savoir de ses 
nouvelles. 

Et, de suite, nous> avons fait amener devant nous Darmès; et nous 
«fODs demandé au' ténK>in kmmeJSorei si elle le reconnaissait. 

Le témoin répond : Oui, Monsieur. 

Au témoin : 

D. Comment s*appelle-t-il ? 

R. Il s'appelle Darmès; tous les journaux ont donné son nom, 
autKment je ne le connaissais pas. 

A Knculpé : 

D. Et vous, Darmès, reconnaissez-vous le témoin ? 

R. Je crois que madame tient OM auberge à La Chapette. 

11. 



84 INTERROGATOIRES 

D. Savez-vous son nom ? 
R. Non, Monsieur. 

Nous avons fait donner lecture à Darmès, de ia déclaration que 
nous venions de recevoir de la femme Borel , et nous lui avons en- 
suite adressé la question suivante : 

D, Vous voyez, Darmès , à quel point vous avez cherché à im- 
poser à ia justice, en disant que vous ne connaissiez pas Borel. Voici 
sa belle-SŒur qui déclare que vous ctes venu plusieurs fois chez eiie» 
soit pour ie voir, soit pour demander de ses nouvelles ? 

Daimès répond : M. le Président , si j ai gai'dé ie silence sur les 
personnes qui étaient inculpées avec moi de laction du 15 octobre, 
c'était pour éviter de les compromettre; mais maintenant si vous 
avez la bonté de m'entendre, je vous dirai ce qui s est passé entre eux 
et moi , pour accélérer la marche du procès. 

Nous avons fait retirer le témoin , après qu elle a signé sa décla- 
ration avec nous et le greffier , après lecture. 

Le témoin retiré, Datmès dit : 

J'ai déjà eu Thonneur de vous parler de M. Valentin DucloS'; \t 
no le connaissais qu'indirectement. Je lai vu différentes fois , soit à sa 
station , soit ailleurs, mais tou joins dans des endroits publics, et nous 
avons causé ensemble de la politique des différents journaux. Il est 
vrai aussi que je connaissais Borel, que je l'ai vu diverses fois et que 
je savais qu'il partait pour Ham. Nous avons causé différentes fois 
ensemble de l'organisation des travailleurs égalitaires. Quant à M. «St- 
mavd, je l'ai vu plusieurs fois à Montmartre, chez M. Considère, 
mais toujours publiquement. Nous avons causé plusieurs fois poli- 
tique et organisation. M. Simard était au banquet de Châtillon ; nous 
sommes i*evenus ensemble ; je Fai quitté près de la porte Saint-MartÎD** 
Je crois aussi me rappeler Robert; mais , comme il portait habituelle- 
mont une blouse, je ne l'ai pas reconnu l'autre jour. Il est malheureux 
pour ces mcssieui^ que je me sois introduit parmi eux ; ils sont tout 
à fait étrangei^ à l'action du 1 5 octobre. L'action du 1 5 octobre iiest 



DE DUCLOS. 85 

pas «otre chose que le sublime travail de ia nature, auquel aucune 
force humaine ne peut résister. 

D. Où voyiez-vous Considère, dont vous avez parlé tout à l'heure? 
R. Je l'ai vu publiquement , comme les autres* 

D. Vous êtes allé quelquefois chez lui, rue Laffitte? 

R. J y suis allé le jour de V action, c^est vrai, pour lui rendre vingt- 
cinq sous que je. lui devais. Si je l'avais trouvé» je ne serais pas 
monté à Montmartre. Cest après cela que je suis: rentré chez moi 
pour m'armer. 

D. Est-ce tout ce que vous avez à dire? 

R. J'ai déjà eu l'honneur de vous dire que je ne suis pas un fana- 
tique exploité. La nature m'a fait tel que je suis. En venant au monde, 
fêtais f ennemi juré des ennemis de la France. 

D. Quand vous avez été le 1 5 octobre rue Laffitte y pour voir 
Considère, à qui vous étes-vous adressé? 

R. Au concierge. 

D. Vous devez bien voir que l'instruction sait beaucoup plus de 
choses que vous ne le supposiez: ainsi, vous avez été obligé de con- 
venir que vous connaissiez beaucoup de personnes que vous aviez 
d'abord prétendu ne pas connaître; mais l'instruction a encore amené 
d'autres découvertes. Ainsi vous n'étiez pas seul le 1 5 octobre sur la 
place de la Concorde; vous y étiez en compagnie de quatre autres 
personnes, et vous avez été vu avec l'une de ces personnes spéciale- 
ment au moment où vous buviez un verre d'eau-de-vie? 

R. Je persiste à dire que j'étais absolument seul , et que je n'avais 
personne avec moi. 

D. Avant qu'il soit peu de jours , je vous ferai voir à quel point 
vous dites peu la vérité sur ce qui s'est passé à la place de la Concorde, 
et sur ce point vous serez obligé de dire la vérité , comme vous avez 
été obfigé de reconnaître que vous connaissiez diverses personnes que 
vous prétendiez d'abord ne pas connaître? 

/?. Je ne puis rien dire de semblable; ce serait une double scélératesse» 
puisque c'est moi qui ai conçu seul le projet et qui l'ai exécuté seul. 



86 INTERaOGATOIRES. 

• 

D. Je vous dirai aussi où vous avez encore été dans la matiuée 
du 15. Je vous palperai des démarches que vous avez &ites, et que 
vous croyiez ctre inconnues. Vous apprendrez alors à quel point 
votre conduite de cette journée est connue dans les pfus petits détails: 
vous feriez bien mieux den convenir tout de suite? 

R. Je ne puis €^t vous répéter, sur iemploi de mon temps dans 
cette journée , ce que je vous ai déjà dit dix fois. 

D^ Mais vous avez prétendu dix fois ne pas connaître Barel m les 
autres , et aujourd'hui vous êtes obligé de convenir que vous les con- 
naissez ? 

R. Je n'ai rien à vous dire de plus là-dessus, que ce que je vous ai 
déjà dit. 



DE COî^IDÊRE. 87 



INTERROGATOIRES DE CONSIDÈRE. 



Considère (Cfaude-François-Xavier), âgé de 33 ans, né à Mont- 
bazon, (Haute-Saône), ^<eirf on de caisse chez MM. Laffiite et compa- 
gnie, demeurant à Montmartre , nie du Vieux-Chemin, w* 8, 

i^^ interrogatoire subi, le 96 novembre 1840| devant M. Z^giacomî, 

Joge cPinstraction, delegae^ 

D. Votre femine ny tient-elle pas un cabaret? 
R. Oui, Monsieur. 

D. Vous restez avec elle le dimanche? 

R. Quand je ne suis pas de garde à la caisse de M. Laffitte, 

D. Votre cabaret paraît fréquenté par des personnes que vous 
connaissez? 

R. Je n'ai pas d amis , et ne reçois que quelques camarades de la 
maison. II y a même longtemps qu'il n'en est venu. 

Z). Le 6 septembre dernier, vous avez eu chez vous une réunion 
assez nombreuse ? 

R. Je ne me souviens pas du tout de cela. 

D. II résulte de l'instruction suivie contre le nommé Darmès, qu'il 
faisait partie ûe cette reunion? 

R. Je'ne connais pas cet individu. 

D. Cependant vous êtes signalé comme connaissant cet individu? 

R. Cela se peut bien que je le coiinaisse , mais il faudrait que je le 
visse pour vous le dire. II y a à Paris beaucoup de personnes qui me 
connaissent et avec lesqueRes je ne suis nullement lié. J'ai été cinq ans 



8â INTERROGATOIRES. 

vu prison , et j en ai vu de toutes façons. S'il fidiait que je connusse 
ou que je me rappelasse toutes les personnes, f aurais fort à faire. 

D. D'où connaissez-vous un individu dit le gi-and Louis, et dont 
le vrai nom est Guérei ? 

R, Je ne connais personne de ce nom. 

Z). Et le nommé Simard? 

R. Je fai vu une fois , mais il y a très-longtemps. 

D. A quelle occasion? 

R, Je ne le connais pas, mais je fai entendu appeler à la maison 
]>ar son nom « il y a de cela cinq ou six mois. 

Z>. Tous ces individus sont signales comme appartenant à la société 
des Communistes , et se réunissant i ce titre chez toos. 

R. Je ne suis pas communiste . et je ne Tai jamais été. 

D. Ainsi vous affirmez ne point connaître le nonmé Darmis et 
avoir été étranger i ses projets ? 



V i9trfTt>f:mtmjrr sak par C^«Ri£rr. le tS Anocadhce ii4tf« 



/). Vous n avea piMot été snc«elo«sqwvoas avcx été iatei^^ 
26 noveoKn^ dernier* Je voos eK:a|is^. éuas I» réponses q«e toui 
aBez nous &inf« à rtfâêckir Javaniav et i nien roasnlinr ▼<» son- 



/{. Je c ai ries à dire de pius^ 

D. Pourtant il esc cntun que vcus cc^ 

R. Je vous ai déjà dit que je ose fai jamaèi <cq— a a— a le mnwm de 



rhtmii 



.vimfidas0. 



yiiMTfiniiai^ 



DE CONSroERE. 80 

D. Evidemment vous saviez aussi son vrai nom ? 

R. Jamais je n avais su son nom. 

D. Par qui Favez-vous entendu nommer Marseillais? 

R. Je lui ai entendu dire un jour à ma femme qu'if s'appelait ainsi. 

D. Ne l'avez-vous pas aussi entendu nommer Marseillais par 
d'autres personnes ? 

R. Non, Monsieur. 

D. Depuis quand connaissez- vous cet individu? 

R. Je ne puis vous dire; c'était tout fe bout du monde si! y avait 
trois mois qu'il venait à la maison. 

D. Avec qui venait-il? 

Rs Je ne Tai remarqué qu'une seule fois; il était seul : c'était du 
temps des coalitions d'ouvriers. Il me demanda si quelqu'un était venu 
pour lui. N'ayant vu personne , je lui répondis négativement, et il s'en 
fut après avoir bu un verre d'absinthe. 

D. Vous avez dû le revoir d'autres fois? 

R. Je ne l'ai pas remarqué dans d^autres circonstances. 

D. Cependant, pour le connaître par son nom de Marseillais et 
savoir aussi bien de qui je veux vous parler, if faut que vous Fayez vu 
plusieurs fois? 

R. Si je Fai vu deux fois, c'est tout le bout du monde. Je Fai vu 
une fois le jour où il dit à ma femme qu'il s'appelait Marseillais, et 
celui où il vint me demander si quelqu'un était venu pour lui. 

Z>. Et vous n'avez pas causé avec lui ? 
R. Non , Monsieur. 

D. Depuis le 1 5 octobre vous avez dû parfaitement savoir que 
Fhomme que vous désignez sous le nom de Marseillais était Fauteur 
de Fattentat commis sur la personne du Roi ? 

R. Je ne Fai su que quand on m'a fait arrêter à son occasion. 

Interrogatoires. i > 



Dormis 



i 




r-f^m.- 



YOlis ne le 
êttbfîssement, 
p« trouver 



1^^ _ ._:!'"- Tar^iiTT .T 

nc^ IL irsur TEsdc a ■>«■ ■«■& point bit 



• r i« Tonr^ . 2t ea dé an moiuent 
- -«& Br luiF"^ ûiHvii cette putîcn* 



7 ••■ "il - >-■ * •'^^ 

I :- - :^ T- " .»^njcof. muâ-f 

T r ' \<- : ft si^u Jon^ia obi^ 'jl musua LflAlBf, Jr sais même que 

\t -^-i ^ i tir-ii 7*1—* mH 5e :> est nn four où Ton reçoit 

•' *r>'.. :,i .^ -:i.i.:Tïe -«■ pik h ^^ane^î *esx pins forte poor les paye- 

/• ï>ri '---.ç.:: #e* -iei' .r&iaâe ie* pàvemeols. M. Panier, employé 

/>, A 'j'jHI': h^'jfr: sonez-vousde voue bureau/ 

// l',fiJr#- /fij^j ^,-1 six lurures du soir 

/^ N'y (I f il pu«i /fariM lu semaine des jours où vous n'allez pas à 

// .II' miii ili< f/iii i|(. Il, „„it, tous les cinq jours; mais je n en reste 
IHiq ihiUiKi iMi Imiumiii UmUv Iii joiiriice. 



DE CONSIDERE. 91 

D. Pouvez-vous dire quand vous avez quitté votre bureau fe 
1 5 octobre? 

A. Eqtre cînq et six, comme de coutume. 

D. Gombieu de temps mettiez-vous pour retourner à Montmartre? 

R. Vingt minutes environ. Jetais toujours rendu entre six et 
sept heures. 

D. duand avez-vous vu Darmès pour la dernière fois? 

R. Je 06 d'en souviens pas; mais je crois que je ne l'ai pas vu 
depuis la'Cdaiition des ouvriers^ 

D. Darmès n a-t-ii pas apporté et déposé un paquet chez vous? 
R. Je n'en sais rien. 

D. N aurait-il pas été tirer à la cible à Montmartre? 
R. Je n'en sais rien. 

D. Vous ne lui avez pas vu d'arme? 
R. Non , Monsieur. 

D. duels rapports avez-vous avec un cocher de remise -qui sta- 
tionne en face Thôtel Laffittc? 

R. Je n'en connais pas en face f hôtel Laffitte. 

D. Vous en connaissez d'autres ? 

R. li en vient à la maison Un grand nombre , mais je ne cause 
guère avec eux. En génâraf, ik ne connaissent pas mon nom, et ne 
me coQnaissent que sous celui de Laffitte. 

D. Vous connaissez un nommé Duclos, conducteur de cabriolet? 
/î. Non, Monsieur, personne de ce. nom! 

D. Et Valentin? 

R. Celiii-ià, je Ta! vu plusieurs fois; c'est un homme brun. 

D. Sa station n était-elle pas rue Richer? 
R. Oui, Monsieur. 



92 INTERROGATOIRES. 

D. D'où le connaissez-vous? 

A. Lorsque je suis sorti de prison , on m'a adresse à MUon, co- 
cher de cabriolet, qui ma recommandé à Valeniin pour tâcher de 
me procurer de l'ouvrage ; mais M. Laffitte m'en ayant procuré dans 
tes plâtrières de la butte Saint-Chaumont, avant de me recevoir 
comme garçon de recettes, je ne pus profiter des bonnes dispositions 
de Valentin ni de celles de MUon. 

D. Depuis cette époque, vous avez revu Valentin plusieurs fois? 

R. Oui, Monsieur, parce qu'il était du quartier. Il ny avait pas 
de jour qu'il ne vînt rue Lafiitte , chez M. de Rotschild ou chez les 
^ frères Périer, ce qui explique comment je le voyais. 

D. Vous avez dû voir Darmès avec lui? 
R. Je ne m'en souviens pas. 

D. Je vous invite à réfléchir à cette réponse. Vous avez dû les 
voir- ensemble et vous trouver avec eux? 

R. Je ne me suis jamais trouvé avec eux. 

D. Valentin n'a-t-il pas été quelquefois le dimanche chez vous? 

« 

R. Je me souviens de l'y avoir vu , mais il y a longtemps ; il était 
avec sa femme. 

D. N'est-ce pas cet été ? 

R. Ça ne peut être que cet été. Je ne sais pas s'ils sont entrés 
dans la sdie ou dans le jardin , ni avec qui ils étaient. 

D. N'étaient-ils pas avec Darmès ? 

R. Cela se peut bien; mais je ne m'en souviens pas, parce que 
je n'y ai pas fait attention : j'aurai cru que c'était un des cochers 

de Valentin. 

* '■,'»■ 

D. Etes-vous bien sûr que Valentin ne soit venu qu'une fois? 

■ 

R. Je n'en sais rien; mais il a pu venir dix fois comme une fois, re 
ne le sais pas. Souvent il vient du monde que je connais sans que ma 
femme me le ^' ~ 



DE CONSIDÈRE. 93 

D. Votre femme le connaissait-eiie par son nom? 
R. Je ne le sais pas. 

D. Quand avez-vous vu Valentin pour la dernière fois? 

R. Je ne m^en souviens pas ; mais je crois Fa voir vu deux ou trois 
jours avant son arrestation. 

D. De quoi a-t-il été question entre vous? 

A. De rien du tout. Je crois cependant qu'il a été question d'un 
chevd qu'il avait mis au vert , et je lui ai dit : Voilà le froid qui 
arrive, tu feras bien d'aller rechercher ton cheval; Je dis : Vous ferez 
bien, parce que je n'étais pas assez lié avec lui pour le tutoyer. 

D. N'a-t-il pas été question , entre vous et lui , de Darmès ? 

R. Non, Monsieur; je crois que Da fines est un homme tout à 
fait isolé. C'est un homme qui a fait un coup de tête, et je crois que 
ce sera l'opinion de tout le monde quand on aura tout vu. 

D. Quelle certitude avez-vous à cet égard? 

R. Je le voyais toujours seul; s'if avait eu de grandes connais- 
sances, il n'aurait pas été ainsi toujours tout seul. 

D. Vous l'avez donc remarqué plusieurs fois? 
R. Seulement deux. fois. 

D. Et ces deux fois vous ont suffi pour le fuger? 

jR. Je Fai observé et j'ai vu chez lui beaucoup de misère. 

D. Cet homme parlait beaucoup politique et surtout des prin- 
cipes de la communauté ? 

R. Il m'a fait l'effet d'être plutôt hébété qu'autrement. Je ne lui 
ai pas entendu tenir de propos politiques. 

D. Vous ne l'avez pas entendu parler de la communauté? 
R. Non, Monsieur. 

D. Je vous invite encore une fois à mieux consulter vos souve- 
nirs. Vous avez été cette fois plus sincère dans vos déclarations que 
la première. Vous aurez à répondre à d'autres questions sur les 



94 



INTERROGATOIRES 



faits qui viennent de vous être présentés « sur des circonstances que 
vous connaissez, et la vérité seule doit être votre safut? 

R. Je ne suis pour rien dans tout ceci , pas plus ma femme que 
moi ; un marchand de vin ne peut pas être responsable de ce qu on 
dit chez lui, ni de ce que Ton peut faire en en sortant. Je vous 
répète que cet homme doit être tout à fait isolé, car personne ne 
le connaît. 

D. Quappeiez-vous personne? 

IL Ce sont les individus qjie j'ai connus dans les prisons ou ceux 
que je connais d'ailleurs. 



DE BORBL 9^ 



■ ' • T • fc . 



I •• 



INTERROGATOIRES DE BOREL. 



BOREL (Charles- Aimé), dffé de 27 ans , mécanicien, né dans le 
' canton de Neufchâte! (Suisse), demeurant à Paris , rue Neuve- 
Coquenard, impasse^ de F École, 

1'*' interrogatoire subi, le S 6 décembre 1840, devant M. le Chancelier de France, 
Président de la Gourdes Pairs, accompagne' de M. le baron Girod {dé V Ain) ^ 
Pair de France. 



i>. Est-ce c{ue voi^s n'avez pas eu auparavant un autre do* 
micîie? 

R. JTaî demeuré rué Rochechouatt, n" 47, 

* 

D. N avezrvôus pas aussi demeuré rue de ia GrOutte-d'Or, à la 
Cîiapelfe? 

« 

R. Oui, Monsieur; j'ai demeuré là du temps que jetais garçon. 



D. A quelle époque étes-vous venu en France? 
R. En 1833. 

D. Quel motif tous a amené en France? 

R, C'est ia révolution qui a eu lieu chez uous, dans le canton 
de Neufchàtel; j'avais 16 ans à cette époque -là. 

D. Vôiis êtes donc sorti de Suisse par la crainte de quelques 
poursuites ? 

R. Oui, Monsieur; quoique je n'eusse rien fait. C'était à la'suite 
de ia révolution de juillet, un nommé Aimand, qui était venu de 
Paris, et qui avait fait cette émeute dans le pays. 

D. En arrivant eu France, vous n'êtes pas. venu. directement à 
Paris? 



96 INTERROGATOIRES 

R. Non, Monsieur ; \e suis allé d'abord à Besançon , n'y ayant 
pas trouvé d'ouvrage, je suis allé dans le canton de Vaud, où fai 
travaillé; ce nest quen 1834 que je suis venu à Paris. 

D. En juillet et en août derniers chez qui travailliez- vous? 

R. Chez M"** Collier, rue Richer, n" 24. Voiià deux ans que 
je suis dans cette maison-ià. «Ty suis entré en sortant de chez 
M. Pauwels. 

D, N'étes'vous pas ailé en juillet au banquet de Beileviile? 
R. Non, Monsieur. 

D. Et en août à celui de Châtillon ? 

R. Non, Monsieur; vous pouvez vous certifier de ces choses-la 
en vérifiant mes journées de travail chez M"** Collier. J'ai même eu 
plusieurs fois des raisons avec les ouvriers parce qu'ils ne travail- 
laient qu'onze heures , et moi je faisais une heure de plus qui 
m'était payée en sus ; je n'étais pas assez riche pour aller jeter de 
Fargent aussi inutilement que cela. 

D. Pourquoi avez- ous cessé de travailler chez M** Collier au 
commencement de septembre? 

R, J'ai quitté dans le temps des coalitions, ayant des engagements 
que je tenais à remplir, et ayant eu des raisons avec les ouvriers et 
principalement avec le contre-maître, parce que je travaillais plus que 
les autres. J'ai quitté l'atelier pour ne pas être insufté davantage, et 
j'en ai cherché un autre où je pusse travailler avec ma femme. 

D, A cette époque , où vous prétendez que vous travailliez plus 
que les autres, vous êtes allé à Pantin avec les ouvriers mécaniciens, 
pour y concerter avec eux une coalition contre les maîtres; vous 
êtes monté sur un tonneau, et vous les avez harangués pour les 
engager à persister dans leur détermination de suspendre leurs tra- 
vaux? 

* R. Il est très-vrai que je suis allé avec les autres à Pftntin et que 
je leur ai parlé; mais c'était uniquement pour leur représenter 
qu'ayant adressé une pétition à ces messieurs de la Chambbre des 
Députés, c'était se mettre en contradiction avec eux-mêmes que de 



DE BOREL. 97 

vouloir exiger par la force ce qu'ils avaient demandé par une pé- 
tition. 

D. Tous ies renseignements transmis à l'autorité prouveraient que 
vous avez tenu une conduite tout autre- que celle que vous préten- 
dez avoir tenue. Non content de ce que vous aviez fait dans la plaine 
de Pantin , vous êtes allé avec les ouvriers mécaniciens rue de Popin- 
court, pour entraîner les ouvriers du sieur Pihet? 

R. J'étais là comme tout le monde, et j'ai fait tous mes efforts 
pour emmener les ouvriers. L'officier du poste a été témoin de ma 
conduite : ce n'est que sur l'observation qu'il me fit que mes efforts 
étaient inutiles, et qu'il m'en arriverait encore de la peine, que je 
me suis retiré. • 

D. Bien loin de tenir la conduite que vous dites, c'est vous qui 
avez conduit les ouvriers vers les ateliers du sieur Pihet; qui les avez 
fait ranger en ordre devant l'établissement, avant de l'envahir, et qui 
avez frappé ies sergents de ville qui en défendaient l'entrée? 

R. Non, Monsieur; si cela était, je vous le dirais. 

D. Pourquoi, si vous avez tenu la conduite que vous dites, si vous 
n'aviez pas été un artisan de troubles et de crime, au lieu d'avoir voulu 
rétablir l'ordre comme vous le dites, vous étes-vous caché le lendemain 
de ces événements? 

R. Je ne me suis pas caché le lendemain ; j'ai été à la paye. 

D. Cela est possible? mais pourquoi n'étes-vous pas resté à l'a- 
telier ? 

R\ Je n'ai pas voulu y rester. 

D. Où vous étes-vous caché à Paris ? 
R. Je ne me suis pas caché. 

D. Je vous répète ma question: où vous étes-vous caché? 
/}. Je suis resté chez moi. 

D, Cela n'est pas; vous netes pas resté chez vous? 
R. Je suis allé chez mon frère. 

Intbbrogatoirbs. 13 



98 INTERROGATOIRES 

D. Où êtes-vous allé en sortant de Paris? 
R. Je suis aiié à Arras. 

D. Cela n'est pas; vous ne dites pas !a vérité? 

R. Je suis passé à Arras: au surplus, ce que je vous dis est l'exacte 
vérité; je ne me suis pas mêlé de ces troubies-Ià. Si j'avais été S3rtidîc 
comme les autres, à la bonne heure; mais je n'étais rien. Ceux qui ont 
&it ranger les ouvriers devant !a maison de M. Pihet étaient à quatre ; 
l'un d'eux a dit qu'il demeurait rue Folie-Méricourt. 

D. La procédure a parfaitement établi que vous étiez le seul de 
tous les ouvriers de votre atelier qui n'aviez pas osé y retourner; il 
nest pas d'indices plus graves de votre participation aux troubles qui 
ont eu lieu dans ce moment-là? 

R. Je suis retourné à mon atelier, mais je n'ai pas voulu y rester 
parce qu'on m'a dit que le commissaire était venu et que si je restais, 
il me ferait coffrer. II est certain que si f on n'était pas yenu débau- 
cher notre atelier, je n'aurais pas quitté de travailler. 

D. Combien de temps êtes-vous resté caché chez votre frère, à la 
Chapelle ? 

R. Je ne vous dirais pas bien; peut-être huit jours tout au plus. 

D. Vous y avez été visité par quelques amis ? 
R. Je n'y ai vu que deux personnes. 

D. Quelles sont ces personnes? 
R M. Valcntin et Darmès. 

D. D'où cQnnaissiez-vous ces gens-là? 

R. Je les avais connus chez M. Brisedou , marchand de vin au 
coin de la rue Richer. 

D. n ftdlait que vous les connussiez beaucoup pour qu'ils «oient 
venus vous chercher dans un endroit où vous vous cachiez nécessai- 
rement avec beaucoup de précaution ? 

R. Je ne me cachais pas avec beaucoup de précaution, puisque je 
descendais en bas, et .je ne les connaissais pas intimement. Ib aont 



DE mtm^ 9» ' 

T6puft et da ont demandé k mon frère si l'étais là ; mon frère a répondu : 
Oui, il est làrhaut. 

D. La femme de Valentin Duclos n est-elie pas venue vous pro- 
poser de vous cacher chez elle ? 

il. Non, Monsieur. Je la connais à peine ; je ne Tai vue que le soir 
où ^e est yenue chercher M. Valentin. Elfe ne ma rien dit à moi. 

D. Mais elle en a peut-être parlé à votre sœur, et celle-ci vous en 
aura parié ? 

R. Je ne crois pas que ma sœur m'en ait parlé. 

» 

/^. est certain qu elle vous a fait ou vous a fait iaire cette pro- 
position, ce qui suppose que vous étiez iutimement lié avec Valentin 
Duclos ? 

R, Je n'étais pas mai avec M. Duchs, mais je n'étais pas lié inti- 
mement avec lui ; je le connaissais parce qu^it avait sa station en face 
de notre atelier. Je' le voyais en allant déjeuner ou dîner ; voilà tout. 

D. Dormes n'avait pas de station devant votre atelier; comment 
l'aves-vous connu ? 

R. Chez M. Brisedou, et en même temps de ce que je Pai vu 
quelquefois avec Valentin : c'est tout. 

D Depuis combien de temps le connaissez-vous? 

R. Cet homme-fà je l'ai connu quinze jours ou trois semaiqes 

auparavant toutes ces affaires-là ; pas phis. 

D. Votre intimité avec lui se serait alors établie bien prompte- 
aient, car on a trouvé chez lui des papiers venant de vous, écrits de 
votre main, et que vous lui aviez évidemment donnés? 

R. Je «e sais pas cela du tout. 

Nous avons représenté au prévenu un papier intitulé : Qualités de 
(honusÊe vmiment moral, et qui a été saisi sur Darmès mn moment 
de son arrestation, et nous lui avons demandé si ce u'ett paa lui qui a 
écrit ce papier et qui l'a remis à Darmès. 

ti% prévenu a répondu : 

13. 



100 INTERROGATOIRES 

R. C'est moi qui ai écrit cela , mais ce n'est pas moi qui i ai remis 
à Darmès. 

Après quefques instants, le prévenu dit : 

Je me rappelle maintenant que j'avais écrit ce papier chez moi; 
Darmès y est venu rechercher une brochure de J. J. Pilloi, qu'il 
m'avait prêtée; il m'a demandé ce papier, et je le lui ai donné. 

D. Ainsi Darmès connaissait votre domicile et il y est aile ? 
R. Oui, Monsieur. 

Le prévenu ajoute : Ce n'est pas mor qui ai écrit les noms qui sont 
sur la seconde feuille du papier que vous venez de me représenter. 

Nous avons signé et paraphé le papier dont s'agit, ne varieiur, 
avec le prévenu et le greffier en chef adjoint de la Cour. 

D. Tous les faits que vous venez d'avouer prouvent votre intimité 
avec Valentin et Darmès; ce qui la prouve davantage, c'est que n'é- 
tant pas de votre profession , n'ayant avec vous aucuns rapports natu* 
y rels, Hs sont les seuls qui soient allés vous voir dans l'endroit où vous 
étiez caché? 

R. Oui, Monsieur, ils sont venus une fois. 

D. Le jour où ils sont venus vous voir, c'était un rendez-vous 
tellement donné, qu'ils sont venus l'un après l'autre, et que Darmès^ 
anîvé le dernier, a demandé si une autre personne était déjà arrivée, 
âuand vous avez été réunis tous les trois, vous n'êtes pas restés en 
bas; vous êtes montés, et vous êtes restés enfermés longtemps tous 
les trois. 

/{. Nous n'étions pas enfermés, nous étions dans un endroit pu- 
blic. 

D. La porte n'était peut-être pas fermée , mais vous étiez seuls dans 
votre chambre. Par qui aviez-vous fait avertir Daiynès de venir vous 
trouver ? 

A. Je ne l'avais pas fait avertir. En sortant de Fatelier, après que 



DE BOREL. loi 

j'ai su que le commissaire voulait me faire encofirer, j ai rencontré 
M. Duclos, nous avons cause de ce qui se passait, et je lui ai dit 
que- puisque c'était ainsi , j allais chez mon frère. 

D. C'est donc Valentin Duclos qui vous a amené Darmès ? 
R. Oui, Monsieur. 

D. N'y a*t-il pas eu quelque chose de convenu entre vous et ces 
deux individus, dans ia conférence que vous avez eue ensemble chez 
votre frère? 

A. Non, Monsieur. 

D. Est-ce que vous ne leur avez pas dit que vous alliez partir in- 
oessament ? 

A. Oui, Monsieur. 

Z). Ne vous ont-ils pas promis de vous écrire ? 
R. Non , Monsieur. 

Z). Ne vous ont-ils pas écrit ? 
R. Non, Monsieur. 

D. Ne vous avaient-ils pas promis de vous prévenir, quand vous 
pourriez revenir à Paris sans danger? 

'R. Non, Monsieur, il leur aurait été difficile de m'écrire, puis- 
qu'ils ne savaient pas où j'étais. ^ 

D. Darmès n'était-ii pas avec vous dans la plaine de Pantin ? 
R. Je l'ai trouvé ià-dedans, mais il n'y est pas venu avec moi. 

D. Est-ce que vous n'avez pas eu connaissance du discours qu'il 
avait composé pour cette circonstance? 

R. Non, Monsieur. 

D. En sortant de chez votre frère vous avez été droit à Ham ? 

R. Oui, Monsieur. 

D. N'y avez-vous pas trouvé un nommé Racarie? 

R. Oui, Monsieur. 



lot INTERROGATOIRES 

/5. N'est-ce pus lui qui vous n fait venir à Hftai? 

R, Oui, Monsieur; il m'avait dit qu'il y avait de Fouvrage là. 

D. Darmès et Duclos savaient que vous étiez à Ham? 

R. Ce nest pas moi qui leur avais dit, s'ils ie savai^tj mais je 
crois qu'ils ne le savaient pas. 

iP. lU $oot venus plusieurs fai$ chez votre sœur pour savoir de voa 
nouvelles ? 

R. Oui , Monsieur; ma sœur me Fa dit. 

D^ Votre femme vous a écrit à Ham. Ne vous dit^eiie pas no- 
tamment d^ns une de ses lettres bien des choses de la part ëet 
amis? 

R. Je n'ai pas reçu cette letti^e*.. Les amis , c'étaient sans doute mes 
beaux' frères; je n'étais plus à Ham quand ma femme m'a écrit» et 
moi je ne lui ai pas écrit de Ham. 

D. Combien êtes-vous resté de temps à Ham ? 

R. Je ne vous dfrais pas; peut-être trois semaines ou un mois. 

D. Les dépositions les plus formelles établissent que pendant que 
vom éti^ à Ham « voi^ n'avez cessé de proférer des menaces cootre 
la vie du Roi, disant notamment qu'il iaJIait do^cendre Louts-Phi- 
lippe ? 

R. Je n'ai jamais parlé de cela à Ham; je ne fréquentais per- 
sonne. 

D, Mais si vous aviez tenu ces propos chez votre logeur? 
R. Vous êtes mal informé sous ce rapport-là. 

D. Au reste, dans les termes où vous étiez avec Darmès j, qui se 
préparait à commettre un attentat contre la vie du Roi,^ces propos 
s'expliquent naturellement? 

R. Jamais. Z)arm66* ne m'a parlé de ce qu'if voulait faire ; s*il m'en 
^vait parlé , j'aurais été , je crois , le premier à le déaiMieer. 



an 



DE BOREL. 103 

D. Ces choses4à se disent toujours après coup ? 

A. Lui-même^ s'il est un honnête bomme, et Valentin diront s'ils 
ont jamais parlé de ces choses-là devant moi. 

D. De Ham , n'avez^vous pas été à Boulogne ? 

R. Non, Monsieur. Nous sommes allés à Arras, à Bapaume, pour 
chercher de l'ouvrage ; à Arras, il y a un contre-maître, nommé Mau- 
rice, qui a parlé pour moi ; je l'avais connu quand je travaillais pour 
M. le général d'ArlincouH; nous sommes restés à Arras depuis le 
samedi jusqu'au lundi; nous n'avons fait que passer à Bapaume et à 
Péronne; après cela, je suis allé à l'arsenal de Douai, dans f espoir d'y 
trouver de l'ouvrage, mais le directeur ne m'offrait que vingt sols par 
jour. De là , je suis allé à Boulogne. 

D. Qu'est-ce que vous y avez fait? 
R. Nous y avons cherché de l'ouvrage. 

D. Combien y êtes-vous resté de temps? 
/?. Huit ou dix jours. 

D. Est-ce que vous n'aviez pas le projet de passer en Angle- 
terre ? 

R. Non, Monsieur. J'étais allé de ce côté-là dans l'espoir d'être 
employé dans la fabrication des bateaux à vapeur que le Gouverne- 
ment fait construire. 

D. Qui est-ce qui vous a décidé à revenir à Paris , d'où le même 
motif qui vous en avait fait partir aurait dû vous tenir éloigné? 

R. Je n'avais plus d'argent et je n'avais trouvé d'ouvrage nulle 
part. 

D. N'avez-vous pas reçu une lettre à Boulogne? 

R. Non, Monsieur; personne ne savait que j'étais à Boulogne; 
Racarie, lui , avait écrit à sa sœur de lui envoyer de l'argent. 

D. Par conséquent la sœur de Racarie savait que vous étiez à 
Boulogne? 

R. Non , Monsieur; elle ne savait pas que j'étais avec son frère^ 



104 INTERROGATOIRES 

D. Vous avez quitté Boulogne le 1 3 octobre , à trois heures; vous 
êtes arrivé à Beauvais le 1 5 au soir, ayant fait à pied un trajet de 
trente-six lieues pour revenir à Paris ; quel motif si impérieux pou- 
viez-vous avoir pour faire un tel trajet en si peu de temps , et pour 
prendre , le 1 5 , la diligence de Beauvais à Paris , bien que vous 
n'eussiez pas d'argent pour la payer? 

R. Ce n est absolument que le besoin d'argent qui nous a fait re- 
venir à Paris. 

D. Vous aviez reçu évidemment quelque avis qui Vous engageait 
à vous hâter de revenir à Paris? 

R. Non , Monsieur. Depuis mon départ je n'ai reçu aucune lettre ; 
j'ai écrit à mon frère , et il m'a répondu : voilà tout ; et la preuve évi- 
dente que je dis vrai , c'est que le jour même de mon arrivée à Paris 
je suis allé chercher de Pouvrage. 

D. Arrivé à Paris , qu'étes-vous allé faire à Belleviiie ? 
R. Je n'y suis pas allé. 

D. Est-ce que vous n'y avez pas vu le nommé Périer? 
R. Non, Monsieur. 

D. Réfléchissez à la réponse que vous venez de faire. Est-ce que 
vous n'avez pas fait chez la personne dont je vous parle des essais de 
poudre fulminante? 

R. Ce n'est pas chez Perrier, c'est chez Penès, c'est rue Saint- 
Martin et non à Belleville. 

D. Peu importe le nom et le lieu; convenez-vous avoir .fait ces 
essais? 

R, Oui, Monsieur. 

D. Pourquoi avez-vous fait ces essais? 
R. Pour la chasse aux faisans. 

D, Est-ce vous qui étiez Finventeur de cette poudre ? 

R. Non , Monsieur; c'est un individu que j'ai connu autrefois au 



DE BOREL. 105 

Havre. «Tétais chez Pertes, quand une personne à qui Pertes avait 
pai^ de cette poudre qui ne faisait pas beaucoup de bruit, voulant 
afler à la chasse, me pria de lui montrer à &ire cette poudre : je ie 
lui montrai, en lui disant que si elle ne faisait pas beaucoup de bruit, 
elle n'avait pas non plus beaucoup de portée. 

D. Quelie était la profession de ce Penès ? 
R. n était gamisseur-fourreur pour les chapeaux. 

D. Travaiilàit-il en boutique ou en chambre ? 
R. En chambre. 

D. Vous connaissez beaucoup un nommé Charogne ? 

R. Champagne ou Pertes, c'est la même personne. Champagne 
est le nom dfe pays de Pertes. 

D. Vous avez dit chez Pertes que si Darmès vous avait cru, sa 
carabine n'aurait pas crevé, parce qu'il ne Faurait pas chargée autant ? 

R. Que Darmès dise si je n'ai pas été incognito dans toutes ces 
afTaires-ià , et s'il m'en a jamais parlé : car je n'aurais jamais cru cet 
homme-là capable de faire une chose pareille. 

D. Qui est-ce qui vous a décidé à partir pour la Suisse ? 

R, Cest quand j'ai .vu que nulle part je ne pouvais travailler. J'ai 
demandé de l'ouvrage dans vingt endroits sans en trouver ; si j'avais 
trouve de Fouvrage , je serais resté à Paris. 

D. Vous pensiez donc que le crime pour lequel vous vous étiez 
caché pouvait demeurer impuni? 

R. Je me ^uis caché pour ne pas faire de pirévention ; mais je n'ai 
commis aucun crime. Je n'ai jamais eu sur moi aucun instrument qui 
pût faire du mal à qui que ce soit. 

D. Si vous n'avez pas trouvé d'ouvrage à Paris , c'est qu'apparem- 
ment vous ne pouviez retourner dans l'atelier où vous aviez précé- 
demment travaillé ? 

R. Je n'y suis pas retourné , parce que le contre-maître m'en vou- 
lait de ce que je travaillais plus que les autres. 

Interrogatoires . i ^ 



/ 



106 INTERROGATOIRES 

D. Vous prétendez que vous travailliez plus que les autres, et 
voilà que vous faites partie des coalitions d ouvriers qui voulaient 
l'éduire la durée du travail? 

R. Je nai jamais fait partie des coalitions d'ouvriers. 

D. Vous étiez de la société des Communistes? 

/?. Non, Monsieur; je ne suis même pas allé à leur banquet. 

D. Je ne vous parle pas du banquet en ce moment, mais je vous 
dis que vous faisiez partie de la société avec Datmès, et que vous y 
aviez un grade supérieur au sien? 

R, Je n avais aucun grade dans la société, et je ne savais seniement 

pas que Dàtmès en eût un. 

D. II est certain que vous faisiez partie de la société des Commu- 
nistes de Darmès ? 

Le prévenu hésite à répondre ;i! dit enfin : 

R. Je proteste que je ne fais pas-' partie de cette société. 

D. Vous savez bien qu'on a saisi sur vous une lettre de votre frère, 
qui vous reproche de causer de la peine à votre famille avec vos 
sociétés ? 

R. Oui , ^ns doute : il me reproche d'avoir eu des rapports avec 
cet individu-là; mais je n'ai jamais fait partie de la société des Com- 
munistes , ni d'aucune autre société de ce genre-là. 

D. Connaissez-vous un nommé Alot? 
R. Non, Monsieur. 

D. Et un nommé Dtitertre ? 

R. Je ne sais pas si je le connais ; je ne me rappelle pas du tout 
ce nom-là. 



h. 



DE BOREL. 107 

f* ioicmigatoire subi par Borel, le 98 décembre 1840, devant M. ie baron Girod 
( de TAîn ) , Pair de France , Tun des Commissaires deîegues. 

D. Vous n avez pas fait suffisamment connaître , dans Tinterroga- 
toire que vous avez subi avant-hier, l'origine de lecrit intitulé: Qualités 
de Fhomme vraiment moral, qui a été saisi sur Darmès au moment 
de son arrestation, et qui est écrit de votre main. Je vous engage à 
vous expliquer avec sincérité sur ce point ? 

R. Je vous ai dit déjà ce que c'était que ce papier. On avait été de 
la maison chercher du fromage ou autre chose chez I épicier. J'ai !u 
ce que contenait ie papier qui renfermait ce fromage, et je Fai copié. 

D. On a trouvé chez vous un ouvrage qui a pour titre : De F homme 
moral, et dont l'écrit saisi sur Darmès est en quelque sorte le résumé. 
Vous convenez vous-même que Darmès vous a prêté i écrit intitulé : 
Ni châteaux ni chaumières, qui est une publication communiste. Ces 
circonstances, et ce que l'on sait de vos liaisons avec des individus 
appartenant à la société des Communistes , donnent à penser que vous 
faisiez vous-même partie de cette société. Faisiez-vous en effet partie 
de cette société? 

R. Non, Monsieur. 

D. A quelle époque avez-vous commencé à connaître Racarie? 
R.ll y 2l bien longtemps; en 183 7 ou 1 8 38, à ce que je crois. 

D. On lit, dans une îettre qui vous est adressée par votre frère, 
cette phrase: «Je te demandais des détails sur le prix de ï outil. ^ 
Quel est l'outil dont il est question dans cette lettre ? 

R. C'est un outil pour Fhoriogerie que mon frère me demandait. 

D. Connaissez-vous un nommé Considère, dont la femme tient un 
cabaret à Montmartre? 

R. Non, Monsieur. 

D. Vous connaissiez Valentin et Darmès; vou^même en êtes 
convenu. Connaissiez- vous quelques-uns des amis de Darmès? 

R. Non , Monsieur, aucun ; je le voyais très-peu , peut-être une fois 
par semaine. 

14. 



108 INTERROGATOIRES 

D. Est-ce que vous ne voyiez pas plus souvent Valentin Duclos? 

R, Je le voyais plus souvent , parce qu'il était toujours à sa station; 
mais je ne m'arrêtais pas à causer avec lui , parce que j avaisT très- 
peu de temps à moi. 

D, Connaissiez-vous quelques-uns de ses amis? 
R. Non , Monsieur. 

D. Parfiez-vous quelquefois politique avec Valentin? 
R, Non, Monsieur. 

D. Et avec Darmès? 

R. Non plus. La première fois que je lai vu , c'était chez M. Brise- 
dàu. Darmès était là et causait avec d autres individus. 

D. Et il parlait sans doute de communauté; car c'était le sujet 
habituel de ses conversations? 

R. Je n'ai rien entendu de ce qu'il disait ce jour-là. 

D. Connaissez-vous un nommé Robert, teinturier-dégraîsseur? 
R, Non, Monsieur. 

D. Un nommé Simard, horloger, ie connaissez-vous? 
R. Non, Monsieur. 

£). Connaissez-vous Chevauché et Dutilloy? 
R. Non, Monsieur. 



3® interrogatoire subi par Borel, le 31 décembre 1840, devant M. le Chancelier de 

France, Président de la Cour des Pairs. 

D. Vous devez connaître et vous connaissez parfiaitement la so- 
ciété des Communistes ; vous savez qu'elle est dirigée par un comité 
central composé de six membres qui sont en même temps agents ré- 
volutionnaires ou chefs de plusieurs quartiers , vous savez que chaque 
agent révolutionnaire a, sous sa directiqn, un ou plusieurs commis 
ou chefs de quartier? 



DE BOREL. 109 

R. J'ignore cela; je suis tout à fait étranger à ce qui se passe dans 
ia société des Communistes. 

D. Vous ignorez si peu ce dont je vous parie que vous étiez vous- 
même chef de quartier? 

R. Je n'ai jamais été chef de quartier dans cette société. 

D. Chaque chef de quartier avait sous sa direction deux ou plu- 
sieurs chefs de métiers, et vous, personnellement, vous aviez sous 
votre direction Darmès, comme chef de métier? 

R. Je n'ai jamais été en participation avec Darmès à cet égard ; 
je n'ai jamais eu de fréquentations avec les communistes , et la preuve 
en est que je n'ai jamais été à leurs banquets. 

D. Vous aviez aussi dans votre section Valentin Duclos ? 

R. y alentin Duclos / je ne Fai jamais connu dans les communistes 
non plus. Je n'ai jamais eu aucun rapport politique avec iui. 

D. Vous étiez si bien chef de quartier que vous vous vantiez d'avoir 
dans votre quartier, qui est celui du faubourg Montmartre, cent 
hommes sous vos ordres et vous n'en aviez que cinquante? 

R. Ceci est une imposture qu'on vous a dite; quand on veut perdre 
quelqu'un. . . tiLes Juifs en ont dit assez dans le sénat romain contre 
Jésus-Christ. » 

D. Est-ce que vous auriez la folie de vous comparer avec Jésus- 
Christ. . . . Au reste , le langage que vous tenez en ce moment n a rien 
d'étonnant, il est familier à la secte dont vous faites partie, et c'est 
là que vous l'avez puisé? 

R. Je n'ai pas besoin d'emprunter aux communistes ce que je veux 
dire. 

D. N'est-ce pas le grand Louis qui vous a fait entrer dans ia so- 
ciété des Communistes? 

R. Non, Monsieur. Je ne le connais même pas, le grand l^ouis. 

D. Bien que le règlement de la société des Communistes qui a été 
saisi chez Darmès ne soit pas de votre écriture , c'est vous qui le 
lui avez donné? 



\ 



110 INTERROGATOIRES 

R. S'il a dit cela, c'est un infâme; peut être aussi aura-t*ii iliifanûe 
de dire que c'est moi qui ai chargé son arme. 

D. Vous vous trahissez vous-même; c'est votre conscience qui 
vous arrache ce que vous venez de dire: vous vous êtes souvctpa des 
propos que vous avez tenus précisément sur farme de Darmès et 
sur la manière dont elle avait été chargée, en disant que, s'il avait 
suivi vos conseils, son arme n'aurait pas éclaté? 

R. Comment aurai-je pu charger Tarme de Darmès puisque j'étais 
à soixante lieues de Paris , tout cela est arbitraire. 

D. Sans avoir chargé vous même l'arme de Darmès /vom avez pu 
lui donner, dans cette conférence qui a eu iieu entre vous, Duelas 
et lui , des conseils sur la manière de ia charger, et les propos que 
vous avez tenus après l'attentat et ce que vous venez de dire vous 
même tout à i'Iieure donneraient beaucoup à penser à cet ^ard ? 

R. II na pas été question de cela entre nous, je ne suis pas un 
assassin , je n'ai jamais trempé mes mains dans le sang de personne. 

D. Pas même dans le sang de ce malheureux agent que vous avean 
frappé chez M. Piket, rue de Popincourt? 

R. Ce n'est pas moi qui Fai frappé. 



iende- 



mani i 



? 



R. Je vous l'ai dit déjà, pour ne pas faire de prévention; je ne sois 
pas un homme à coups fourrés. 

D. Cependant, dès Fàge de seize ans vous étiez déjà mêlé à des 
complots dans votre pays , cl expulsé pour ce motif? 

R, Je ne savais pas alors ce que je faisais, et j'avais été entraîné 
par un agent français. 

D. Cet écrit intitulé : Qualités de F homme vraiment moral, n'est 
pas aussi indiffèrent que vous le prétendez. Cest vous qui Payez 
remis à Darmès, vous en êtes convenu; et vous le lui avez remis 
parce que c'était un règlement rédigé à Tusage des sociétaires, par 
un nommé Teste? 



DE BOREL. 111 

R. Je ne sais rien de cela : je vous ai dit que j'avais trouvé ce 
ptt|Hier cbei f épicier et que je lavais copié. 

D. Dans la réunion qui a eu lieu chez votre frère, avant votre 
départ pour Ham, entre vous, Darmès et Valentin Duclos, outre 
ce qui a pu y être dit sur les projets ultérieurs de Darmès, ue vous 
proposiez-vous pas, vous, tun des chefs de la société des Commu- 
nistes, de donner vos instructions aux deux hommes qui étaient 
placés immédiatement sous vos ordres , Darmès et Valentin Duclos ? 

R. Non, Monsieur; je n avais d ordres à donner à personne, ni à 
recevoir de personne. 



4* interrogatoire sabi par Boret, le 13 janvier 1841, devant M. le Chancelier de 

France , Président de la Cour des Pairs. 

./). Vous avez fait partie de la société secrète dite des Corn- 
mmnsies? 

R. Oui, Monsieur. 

Z). A quelle époque y êtes-vous entré ? 

R. Autant que je puis me le rappeler , c'était dans fe mois de juin 
1840. 

D. N'aviez-vous pas de grade dans la soc^é? 

R. «Tétais censément chef de fabrique; on m'avait donné ce grade 
dans Fespérance que je ferais des recrues. 

D. Vous connaissez les chefs principaux de la société ? 

R. Je les connais indirectement, pour les avoir entendu nommer 
et pour les avoir vus quelquefois. 

D. Combien y a-t-il de chefs principaux? 

R. II y en a sept ou huit; je ne pourrais préciser exactement 
leur nombre. 

D. Quels sont-ils? 

R. Celui que je connais le plus est Champagne. 



1 12 INTERROGATOIRES 

D. Ensuite? 

/?. n y a un nommé Lionne; mais celui-là s'est retiré lorsqu'il 
s'est marié. 

D. Après? • 

R. n y a un nommé Dutertre. 

D. Et les autres? 

R. Je ne connais que ceux-là. 

D. N'y avait-il pas d'autres chefs au-dessus de ces hommes-là? 

R. Ils le disaient du moins : il y avait une ancienne direction, qui 
datait au moins de quarante ans, à ce qu'ils disaient. 

D. En votre qualité de chef de fabrique*, vous aviez un certain 
nombre d'individus sous votre direction? 

A. Non , Monsieur. Je vous assure que si je suis entré dans 
cette société, c'était uniquement pour la connaître; je n'ai prêté 
aucun serment. 

D. Vous avez su du moins quel était le serment que Ton prêtait? 

R. Non, Monsieur; et voici pourquoi je ne l'ai pas su, ni vu prêter 
par d'autres : Quand ils faisaient prêter serment, c'était dans un en- 
droit écarté, et il n'y avait d'autres assistants que le récipiendaire, 
celui qui recevait et celui qui faisait recevoir. 

D. Qui est-ce qui vous a fait recevoir dans la société? 

R. Cest un nommé Tourangeau; mais je ne sais que son nom de 
pays ; je n'ai jamais connu son nom de famille. 

D. Tâchez de vous rappeler la formule du serment ? 

R. Je ne saurais la dire* par cœur; je sais seulement qu'on prétait 
serment de ne jamais révéler qu'on faisait partie de la société, ni le 
nom de la personne qui vous y avait fait entrer. 

D. Mais le serment portait sans doute aussi sur ce qui fiusait l'ob- 
jet même de la société. N'y jurait-on pas haine à la royauté ? 



DE BOREL. 113 

R. Non Monsieur; on jurait seulement contre les exploiteurs du 
genre humain. 

D. Vous n'avez pas pu ignorer que Darmès était communiste? 

R. Je savais bien quii Fêtait; mais il en faisait partie avant moi, 
et je n ai jamais su à quelle section il appartenait ni quelle est la per- 
sonne qui la fait recevoir. C'est lui qui ma remis la brochure dont je 
vous ai parlé dans mes autres interrogatoires. J ai dit à ce sujet que je 
serais bien communiste; mais que ce qu on voulait faire me paraissait 
absurde. Moi, j'entendais par communauté, la mise en commun, par 
un certain nombre de personnes, d'une somme de cinq francs, plus 
ou moins, par mois, qui serait employée aux besoins de l'association. 
Une fois je leur dis qu'au lieu de se mettre en révolte contre le Gou- 
vernement , on ferait mieux de demander une concession de terres 
en Afrique^ pour les cultiver à la manière des phalanstériens. 

D. Savez-vous qui est-ce qui avait remis à Darmès le règlement 
de la société qu'on a trouvé chez lui ? 

R. Oui, Monsieur; c'est moi. 

D. Qui est-ce qui avait rédigé cet écrit intitulé : Qualités de V homme 
vraiment moral? 

R. Je ne sais pas. 

D. N'est-ce pas Champagne ? 

R. Je ne sais pas si c'est lui qui l'a rédigé ou non ; je sais seule- 
ment que je le tenais de lui, et le règlement aussi. 

D. Je dois vous interroger de nouveau sur un fait important; c'est 
celui qui est relatif à une expérience de poudre fulminante que vous 
auriez faite chez Champagne. Je vous engage à vous expliquer sur ce 
fait avec plus de sincérité que vous ne l'avez fait jusqu'à présent ? 

R. Je vais vous dire toute la vérité. Lors des premières réunions 
de la société Communiste chez un marchand de vins de la barrière 
Ménilmontant, et dans une réunion présidée par un homme décoré, 
autant que je puis me le rappeler, il fut question des moyens qu'on 
pourrait employer pour contenir les troupes: ces n)oyens devaient 
consister dans la possession de fioles remplies d'un produit chimique, 
Interrogatoires. 15 



1 14 INTERROGATOIRES 

et qu'on devait jeter devant les troupes pour les asphîxîer : on disait 
qu'on en avait jusqu'à dix mille. Champagne me demanda pius terd 
si je n'avais pas aussi quelque moyen du même genre. Je lui dis que 
je connaissais une composition de poudre fulminante, mais qui n^était 
pas susceptible d'un grand effet. Plus tard encore, lorsque je suis 
revenu de Boulogne , j'ai été chez Champagne le lendemain de mon 
arrivée ; c'est là que j'ai appris l'attentat de Darmès. II m'a proposé 
de l'aider à porter ses marchandises quelque part , je Fy ai aidé en 
effet. En route, Champagne et moi nous sommes entrés chez un 
marchand de liqueurs ; nous avons lu dans un journal un article qui 
avait pour titre: Attentat de Daimès, et c'est alors qu'au signalement 
j'ai dit que ce devait être un individu que je connaissais, un commu- 
niste , car je n'avais pas su précisément son nom , mais je Pavais vu 
souvent rue de Trévise. De là, nous sommes allés chez Champagne, 
où est venu , pendant que j'y étais , un individu dont je se sais pas 
le nom, mais je sais bien où ilreste, c'est rue du Faubourg-Saint- 
Martin , vers le milieu , à gauche en montant. Je crois bien qu'il de- 
meure au troisième, il occupe une chambre dont la fenêtre, qui est 
très-petite , donne sur l'escalier ; c'est un mécanicien^ Je dis que je 
n'avais pas d'ouvrage, cet individu me proposa d'aller avec lui le 
lendemain au chemin de fer de Versailles, rive gauche, où sans doute 
je trouverais de Femploi, parce que lui devait quitter la place; mais 
au chemin de fer on ne voulut pas me prendre. Alors il me dit qu'il 
avait pour lui-même une autre visée, et que si elle ne lui conve- 
nait pas, je pourrais peut-être m'en arranger. Il parla aussi du projet 
qu'il avait de prendre à son compte un atelier d'armurier, et c'est à 
ce sujet qu'il fut question entre nous de la poudre dont je connais- 
sais la composition , et que nous avons essayée chez Champagne , 
comme je vous fai dit dans mon premier interrogatoire. C'est dans 
cette malheureuse séance qu'il paraît qu'on a prétendu que j'avais dit 
que si Dainnès m'avait cru, son arme n'aurait pas crevé, à ce que 
vous m'avez dit , Monsieur. Je n'ai sûrement pas dit cela; tout ce que 
que j'ai pu dire , si je l'ai dit , c'est que si Darmès avait chargé son 
arme comme celle que nous venions de tirer, elle n'aurait sûrement 
pas crevé. 

D. Ne s'occupait-on pas dans la société des Communistes des 
moyens d'avoir de la poudre ? 



DE BOREL. 115 

B. Oiri, McMisîeur. 

D. Savez-vous si on en avait beaucoup ? 

R. Ils disaient qu'adjoignant à ces fioles , la direction en avait 
beaucoup. 

D. Aviez-vous connaissance du dépôt de cartouches qui existait 
chez Valentin Duclos? 

R. Non , Monsieur. 

». 

D. U y avait nécessairement des armes dans la société ? 
R. Oui , Monsieur. 

D. Où ces armes sont-elles déposées ? 

R. Je ne saurais vous le dire précisément. J*ai entendu dire par 
deux individus que je connais de vue , omis pas par leurs noms , et 
ui appartiennent à une autre branche de ia société communiste 
car il y en a qui veulent ia communauté progressive et d autres qui 
ia veulent immédiate); jai entendu dire par ces deux individus qu^ 
y avait cinq ou six cents fusils dans une maison , mais que ces fusiis 
navaient pas de pierres. 



? 



D. Dans queile maison étaient déposés ces fusils? 

R. Je ne saurais vous ie dire précisément, ce doit être entre 
le Faubourg-Poissonnière et ia Bastille, du côté de Ménilmontant, 
queique part par ià. 

D. Quel a été le sujet de votre entretien avec Dormes et Duclos , 
chez votre beau frère? 

R. Je ne mêle rappelfe pas bien; mais, je crois pouvoir affirmer 
que nous n'avons pas parié politique. 

D. Ayant connu Champagne et plusieurs des chefs de la société 
des Communistes, vous avez dû entendre parler, dans ia société, de 
l'attentat de Darmès; vous avez dû entendre dire à qui Ton imputait, 
dans ia société , la complicité d'un crime bien évidemment sorti du 
sein de cette société? 

15. 



1 16 liNTERROGATOIRES 

H. Je n ai entendu parler en aucune manière, de cela ; car je n'ai vu 
j)ersonne après 1 événement. 

D. Ainsi vous affirmez n'avoir eu, avant i attentat, aucuue con- 
naissance des projets de Darmès, et n'avoir connu, depuis, aucune 
des personnes qui l'auraient assisté? 

R, Oui, Monsieur. 

I), Ne connaissez-vous pas un nommé Considère? 

R. J'ui entendu parler de cet homme-là, mais je ne le connais 
pas. 

D. N'avez-vous jamais été dans son cabaret? 

R. J ai pu y entrer en me promenant, un dimanche ou un lundi, 
mais sans savoir chez qui j'étais ; autrement je n'y suis jamais allé. 

D. Racarie était-il de la société des Communistes? 

R. Je ne vous le dirai pas précisément , mais je crois bien qu'if en 
était. 

D. Vous avez dit que vous n'aviez pas prêté de serment dans la 
société des Communistes; comment avez-vous été dispensé de prêter 
serment? 

R. Tourangeau m'a faufilé avec lui là-dedans, mais on ne m'a 
pas demandé de serment. 

D. Cependant vous aviez un grade ? 

R. Oui , Monsieur. Cela s'est fait dans le comité des chefs. On 
ma nommé chef de fabrique , parce que j'étais seul dans mon quartier. 
On espérait , comme je vous l'ai dit, que je pourrais faire des recrues; 
mais, pour un serment , on ne m'en a pas demandé. 

D. La société des Communistes n'était-elle pas la continuation de 
la société des Familles qui a commis l'attentat des 1 2 et 13 mai 1839, 
et qui avait pour chefs Barbes et Martin Bernard ? 

D. Je ne pourrais vous le dire; je n'ai jamais connu ni Barbes, ni 
Martin-Bernard. Je ne me suis mêlé qu'une fois de ces sociétés , et 



DE fiOREL. 117 

c est ce qui a fait mou malheur. J'ai entendu parler, dans ie temps , 
d une société qui faisait des brochures pour ie prince Louis, mais je 
n'en ai jamais fait partie. A vous dire ie vrai, la révolution de cliez 
nous ayant mai tournée , je suis entré dans ia société pour voir, en cas 
de révolution, comment ies choses s'arrangeraient en France. 

D. Vous vouliez donc reporter chez vous ce que vous auriez vu 
ici ? 

R. Oui , Monsieur. 

D. Cherchez bien dans votre mémoire si vous ne pourriez pas 
retrouver lés noms d'autres chefs de la société Communiste? 

R. Si je ies retrouve, je vous promets que je vous les dirai. 

D. N'avez-vous pas entendu parier d'un nommé Rosier, comme 
étant i'un des chefs de ia société ? 

R. Oui, Monsieur. 

D. Et le Grand-Louis ? 

R. II me sembie que ce nom-ià ne m'est pas inconnu. 

D. Et Albert? 

R. J'ai entendu citer aussi ce nom-là, mais je ne pourrais l'affir- 
mer; car, comme je vous i'ai dit, je n'ai été en réunion qu'une seule 
fois. 

D. Connaissiez-vous, dans ia société, un nommé Cariot? 
R. Non, Monsieur. 

D. Et un nommé Robert ? 
R. Non, Monsieur. 

D. Et un nommé Rosier, coiffeur? 

R. Je crois bien avoir vu ces noms-là sur la brochure du banquet 
communiste; car il n'y a que ceux qui sont aiiés au banquet qui en 
ont- eu. 

D, Et les deux frères Marchand? 
R. Non, Monsieur. 



118 INTEBBOGAT0IRES 

D. Un nommé jBaro/, maçon ^ 
R. Non, Monsieur. 

D. Un nommé VelUus? 

R. Non, Monsieur, je ne connais pas ces noms; si je les connaissais, 
te vous les dirais. Tout mon nuibeur est d'avoir menti ia première fois 
que vous m'avez interrogé, j'ai eu tort. Si ma mémoire me sert mieux, 
je vous dirai tout ce que je sais. 



5« înteiTogttoire subi par Borel, le 17 jaDvier 1841, devant M. le Chaoodîer it 

France, Président de la Cour des Pairs. 

D. Avez-vous quelque chose à ajouter à ce que vous avez dédaré 
dans votre dernier interrogatoire? 

R. Relativement à l'attentat, je ne pense pas qu'il ait été préparé 
par les communistes dont Champagne fait partie; je ne crois pas que 
ceux-là soient pour les moyens violents. Mais fl y a une autre branche 
de communistes* les communistes immédiats; ceux4à veulent ren- 
verser le pouvoir actuel, n'importe par quels moyens; car ils ont des 
armes, et sans doute c'est pour s'en servir. Quanta Champagne, je 
serais bien étonné s'il connaissart Darmès. Quant au dépôt d'armes 
dont je vous ai parlé, j'ai su qu'il existait, pour Favoir entendu dire 
par un nommé Belleguise, charron , demeurant rue de la Tour-cf Av* 
vergne , n* 1 . Il m'en a parlé comme d'un dépôt sur lequel on pour- 
rait mettre sur-le-champ la main , en cas d'insurrection ; la seule dif- 
ficulté, à ce qu'il paraît, c'est que ces fusils n'ont pas de pierres: 
cela, je Fai su, non de Belleguise Iui*raème, mais d'uA iudividv de- 
vant lequel il Faurait dit dans une maison. 

D. Vous venez de dire que vous ne supposiez pas que Champagne 
connût Darmès; cependant vous êtes convenu que vous aviez remis 
i Darmès, le règlement de la société, lequel vous avait été remis par 
Champagne: or, il est difficile de croire que ce règlement ne vous 
ait pas été donné par Champagne, l'un des chefs de la société, pour 
le remettre à Darmès? 

R. Si j'ai remis le règlement de la société & Dormes, ce n'est pas 



DE BOREL. lig 

par i^ordre de Champagne, mais de mon propre mouvement , à la suite 
d'une conversation sur ie système de la communauté. Darmès, qui 
était reçu dans la société longtemps avant moi, appartenait à la 
portion des communistes qui étaient dirigés par J. J. Pillot, et qui 
avaient wn dépôt d'armes. Si i attentat a été prémédité par une société 
quelconque, c'est de ce côté-là qu'il a dû partir, et non pas de chez 
nous.. 

D. Je vous représente le règlement de la société qui a été saisi 
chez Darmès. Est-ce celui que vous lui avez remis? 

R. C'est approchant la même chose, mais je^oe connais pas cette 
écriture. Le règlement que j'ai remis à Darmès était, ce me semble, 
plus mal écrit que ccIui-Ià : cette différence me confirme dans l'opi- 
nion que Darmès aurait reçu un règlement d'un autre côté, puisque 
ce n'e&t pas moi, oo je me trompe fort, qui lui ai remis celui-là. 

D. Champagne ne vous a-t-il pas donné 20 francs lorsque vous 
êtes parti pour Ham? 

R. Oui , Monsieur. 

D. Vous avez nommé Fautre jour quelques-uns des hommes que 
vous connaissiez comme étant les chefs de la société Communiste. 
Vous rappelez-vous aujourd'hui quelques autres noms? 

R. J'ai déjà désigné Champagne, Dutertre, Lionne, mais celui-ci 
a abdiqué. Relativement au règlement au sujet duquel vous m'avez 
demandé l'autre jour qui est-ce qui l'avait rédigé, je me rappelle, 
sans cependant pouvoir l'affirmer positivement, qu'il a été rédigé par 
un nommé Jules Rosier, professeur de littérature ou étudiant en 
droit. 

D. Parmi les chefs de la société , n'y a-t-il pas un nommé Gueret 
surnommé le grand Louis? 

R. Oui , Monsieur. 

D. N'y a-t-il pas aussi un nommé Martin dit Albert? 

R, Je connais un mécanicien de ce nom ; s'il est là-dedans , c'est 
plutôt par entraînement que par autre chose ; ce n'est pas un homme 
à bruit. 



1 20 INTERROGATOIRES 

D. N'avez-vous pas loge chez lui pendant quelques fours, avant de 
partir pour Ham? 

R. Oui , Monsieur. 

D. Le nommé Pillot n est-il pas l'un des principaux chefs de la 
société? 

R, S'il n est pas lun des principaux chefs, il est au moins le mo' 
teur de toute la cabale. C'est lui qui a fait imprimer toutes ces bro- 
chures ; c'est aussi lui qui était président du banquet de Befleville. 

D. Connaissez -vious le nommé Dourille, fauteur de Thistoire de 
ia conspiration de Maiict et fun des chefs communistes? 

R, Non, Monsieur. 

D. Vous avez été introduit dans la société par un nommé Touran- 
geau; cet individu était donc important dans la société? 

R. Non, Monsieur. Comme je vous fai dit, un jour qu'il y avjait 
quatre-vingts ou cent individus, plus ou moins, réunis chez un mar- 
chand de vins , il m'a faufilé là-dedans , plutôt par curiosité <}u'autre- 
ment; et, à dire le vrai, c'était plutôt une cohue qu'une réunion poli- 
tique. 

D. Quelle était la profession de ce Tourangeau ? 
R. \\ était mécanicien. 

D. Savez-vous ce qu'il est devenu? 
R, Non , Monsieur. 

D, N'y avait-il pas dans la société un autre individu du nom de 
Tourangeau qui était cordonnier? 

/?. Non , Monsieur : je n'ai connu qu'un cordonnier dans la société; 
il était reconnaissable à ses grands cheveux , mais je ne me rappelle 
pas son nom dans ce moment-ci. 

D. Vous avez dit que vous n'aviez pas prêté serment , n'avez-vous 
pas assisté vous*méme à aucune prestation de serment ? 

R, Non, Monsieur, jamais. 




DE BOREL. 121 

D. Comment donc avez-vous été dispensé de remplir cette for- 
malité? • 

R. Comme je vous 1 ai dit, parce que j'ai été faufilé dans la société 
un jour où il n'y avait pas beaucoup d'ordre. 

D. Mais vous aviez un grade dans la société; comment vous avait- 
on donné ce grade sans exiger de vous quelques garanties? 

R. Je vous l'ai déjà dit. Le jour ou j'ai été présenté par Touran- 
geau, j'ai fait nécessairement quelques connaissances, et l'on m'a dit 
qu'il y avait quelques démocrates dans mon quartier, qu'il fallait en 
former un métier et que je serais chef de métier. Mais je ne me suis 
jamais occupé de faire des prosélytes : la curiosité seule m'avait con- 
duit là; je voulais connaître à fond cette société, 

D. Les chefs supérieurs de la société ne s'appelaient-ils pas agents 
révolutionnaires ? 

R. Oui, Monsieur. ^ 

D. En connaissez-vous d'autres que ceux que vous avez nommés 
tout à rheure? 

R, Non, Monsieur. 

D. Vous avez donné tout à l'heure à entendre que Darmès appar- 
tenait à une autre fraction de la société que celle à laquelle vous 
apparteniez vous-même; connaîtriez-vous quelques-uns des chefs de 
cette fmction de la société que vous appelez les Communistes im- 
médiats ? * 

R, Je croirais assez que BeAleguise, dont je vous ai déjà paHé au 
sujet des armes, est l'un des chefs de cette fraction de la société. Il y 
a aussi un nommé Lempinin, marchand de vins. 

D. Valeniin Duclos était aussi de la société ? 
R. Je) ne le sais pas précisément; mais ses idées étaient commu- 
nistes et il était au banquet de BeHeville. 

D. Vous ne savez pas s'il appartenait à la même fraction que 
Darmès ? 

R. Je le suppose, car ils se connaissaient parfaitement Fun et 
l'autre, et c'est lui qui m'avait fait connaître Darmès. 

Interrogatoibbs. 1 6 



lîi INTERROGATOIRES 

D. Je vous demande encore une fois sî , dans la confërence qui a 
eu lieu dans votre chambre , peu d'instants avant votre dépul , entre 
vous, Darmès etDuclos, ii n aurait pas été question de Tatfentat qui 
se préparait ? 

R. Je vous assure avec ia plus grande franchise du monde qu'il 
n en a pas été question du tout. Si nous avions parlé de cela , je vous 
le dirais comme je vous dis tout le reste , mais je jure devant Dieu 
qu'il n'en a pas été question le moins du monde. A quoi d'ailleurs me 
servirait-il de le nier, si Ton venait à le découvrir ensuite? If est cer- 
tain que cela me serait plus imisihlc qu'utile. J'ajouterai qu'étant chex 
mon frère, en Suisse, je vins à lire un jour, dans an journal, que 
Darmès avait fait des révélations; mon frère vous dira que mon pre«- 
mier mouvement fut de m'écrier : Tant mieux ! s'il bât des révélations; 
Fou verra que je suis innocent. Certes, je n'aurais pas tenu ce lan^ige 
si j'avais été le moins du monde coupable dans tout cela. J'aurais pu 
très-facilement m'en aller plus loin et trouver ailleurs des moyens 
d'existence , si j'avais eu intérêt à m'éioigner. 

D. Avez-vous eu jamais des armes en votre possession ? 

R. Je n'ai jamais eu que deux mauvais pistolets , dont il est de 
toute impossibilité de se servir. A f un, il manque un couvre-bassinet ; 
l'autre n'a pas de platine. 

D. Parmi les noms des chefs delà société, n'avez-vous pas oublie 
un nommé Edouard? 

R. Oui , Monsieur, Edouard Moustache; je le connais. 

D. Connaissez-vous un nommé Cousin? 

R, Je connais un homme de peine de ce nom-li , mais ce n*est pas 
un homme politique. Je connais aussi un nommé Deligny, limeur, 
qui a travaillé dans le temps à la boyauterie : celui-là doit savoir où 
sont les armes; c'est le second des deux individus dont je vous ai 
parlé l'autre jour. 

D, Racarie était aussi de la société ? 

R. Oui , Monsieur; mais ce n'est pas un homme dangereux. 

D. N'y a-t-il pas dans la société un autre individu du nom de 
Rosier, qui est coiflfeur ? 



DE BORBL. tt3 

R. J'ai entendu cîCer ce nom-là, mais je ne crois pas qu'il fît pairie 
delasoefélé. 

/). Connaissez-vous un nommé Barat? 
R. Non, Monsieur. 

D. Et un nommé Robert, teinturier-dégraisseur? 
R. Je ne le connais pas. 

D. Et les frères Marchand? 

R. Je les ai entendu nommer, peut-être même les ai-je vus une ou 
deux fois, mais c'est tout. A propos des armes, je dois vous dire que 
je crois que c'est chez Considère que Belleguise en a parlé. 

D. Connaissez-vous personnellement Ci^n^'^^r^? 

R. Non, Monsieur; si je le connais, c'est, comme je tous i'ai dit 
{'autre jour, pour être entré une ou deux fois chez lui. 

D. Avez-vôus rétrouvé le notti de ia pefsonde âvett laquelle vous 
avez fait votre expérience de poudre fulminante chez Champagne? 

R. Non, Monsieur; je sais seulement où elle demeure. Si ia chose 
était possible , je voudrais beaucoup que vous me fissiez conduire par 
autant d'agents qu^on le voudrait, un soir; je montrerais la porte de 
la maison où elle demeure , mais son nom , je ne le sais pas : je ne Tâî 
vue que cette fois là. Je désire beaucoup qu'elle soit interrogée , pour 
qu'elle puisse dire ce que nous avons dit ensemble. Je ne voudrais pas 
que Ton pût croire qu'il se prépare par-là un nouvel attentat , et je ne les 
en croîs pas capables, d'après ce que nous avons dit ensemble. 

D. Qui est-ce (|i*i vofts avait donné la recette de cette poudre 
fulminante? 

R. Un ouvrier menuisier. 

D. Y a-t-il longtemps? 
R. En 1836 ou 1837. 

D. Comment cette poudre est-elle fulminante? 

R. Elle nest pas fulminante: c'est de la poudre ordinaire, com- 
binée avec une partie d'alun; cela amortit un peu le bruit. Du reste, 

16. 



124 INTERROGATOIRES 

cette poudre a un grave inconvénient; elle retire au mpins les deux 
tiers de la force de ia poudre : ainsi un fusil chargé à biJie, avec 
cette composition, ne percerait pas une planche à la distance de 
quelques pas; moi , vêtu tel que je suis, je ne craindrais pas de faire 
tirer sur moi avec un fusil de munition chargé avec cette poudre, à 
la distance où je suis du mur. Cest une expérience très-facile à faire; 
c'est pour cela que je désire beaucoup qu'on retrouve Findividu avec 
lequel je lai essayée chez Champagne? 

D. Ainsi tout ie mérite de cette poudre consisterait en ce qu'elfe 
ne fait pas de bruit? 

R. Oui, Monsieur; elle e^t bonne aussi pour le gibier. 

D, Est-ce que vous n avez pas su qu'un coup de pistolet chargé 
avec cette poudre avait été tiré par un nommé Rosier, lors des 
coalitions d'ouvriers? 

R. Oui, Monsieur; mais le pistolet avait été mal chargé, it a £iit 
beaucoup de bruit : le coup d'ailleurs n'a pas été tiré dehors. 

O. A qui appartenait le fusil dont vous vous êtes servi pour votre 
expérience? 

R. Cest un fusil à canne, appartenant au qdécanicien , qui m'a dît 
l'avoir fait lui-même. 

D. La poudre que vous avez fabriquée chez Champagne n'att- 
elle pas été préparée sur une planche? 

R, Non, Monsieur. Le mécanicien avait de la poudre ordinaire , 
nous avons fait le mélange dans du papier, et nous avons tiré &ur une 
planche avec une tête de vis, qui n'était seulement pas entrée dans ia 
planche. 

D. Vous avez dit, dans votre dernier interrogatoire, que vous sup- 
posiez que la société avait de ia poudre en quantité ; comment avez- 
vous su cela? 

R. J'ai entendu dire par Champagne que le comité supérieur di- 
sait qu'il avait , outre ces fioles dont je vous ai parlé , une grande 
quantité de poudre, et qu'il ferait ia révolution quand il ie voudrait, 
sans avoir besoin de tirer un coup de fusil. 



DE BOREL. 125 

D. Où avez-vous fait connaissance de Champagne? 

A. Je crois bien que c'est dans la réunion qui a eu lieu à Ménil- 
montant, et qui est la première où j'aie été. 

D. Vous le reconnaissiez apparemment pour votre chef ? . 

R. Oui, Monsieur, jusqu'à un certain point. Cependant, s il m'avait 
ordonné de faire des choses que je n'aurais pas dû faire , je crois 
bien que je ne ies aurais pas/aites, 

D. Mais, enfin, dans l'ordre de la société, il était votre chef? 
R. Oui, Monsieur. 

D. Et c'est en cette qualité qu'il vous avait remis le règlement? 
R. Oui, Monsieur. 

D. Où avez-vous fait connaissance de Tourangeau? 

R. C'était un mécanicien comme moi , nous mangions à la même 
auberge. Je Favais connu il y avait longtemps ; nous nous étions perdus 
de vue, puis nous nous sommes retrouvés; nous avons bu une cho- 
pine ensemble , et nous sommes venus à causer de ces choses-là. Il 
travaillait dans le temps chez un fabricant nommé Antique, qui de- 
meure à la barrière d'Enfer. Je n'ai pas revu Tourangeau depuis le mois 
de juin dernier; j'ai demandé ce qu'il était devenu} on m'a dit qu'ii 
était parti. II y a aussi une autre société qui est groupée, et qui est bien 
capable aussi de travailler à fahre des révolutions. 

D. Quelle est cette société ? 
R. Ce sont les Réformistes. 

D, Savez-vous si Darmès était de la société des Réformistes? 
R. Je l'ignore. 

D. Et vous-même, en avçz-vous fait partie? 

R. Non, Monsieur. J'ai su cela, parce que j'ai vu la pétition que 
l'on faisait signer à tous ceux qui voulaient la signer. Les réformistes 
ont deux chefs qui gi'oupent : fun est un nommé David, et Fautre un 
nommé Dorgal. D'après ce que j'ai entendu dire, ce sont d'anciens 
démocrates , ou , pour mieux dire , des débris des 1 2 et 1 d mai. 



1 26 INTERROGATOIRES 

D. Qui est-ce qui vous a donne l'idée qu'il y avait dans la 
des Communistes une fraction plus disposée que l'autre à atta^er 
le Gouvernement à main armée? 

R. Je savais bien que chez nous il n'y avait pas d'armes, au fieu 
que je sais que les autres en avaient. Depuis j'ai appris dans Tins- 
truction, et de vous-même, Monsieur le Chancelier, k^rsq^e yous 
m'avez interrogé, que Valentin avait chez lui un dépôt de cwtoadiea. 
Il ne me l'avait jamais dit; mais je crois qu'il n'avait pai une très- 
grande confiance en moi. Quoi quii en soit, cette circoastaoce , 
ajoutée à ce que je savais déjà, m'a donné à penser ce que je vous 
ai dit sur ia fraction de la société dont Darmès et Duelos faisaient 
partie l'ua et l'autre. 

D. Vous avez parlé, dans votre dernier interrogatoire, d\me so* 
ciété dans laquelle on s'occupait de faire des brochures dans Fintéret 
du prince Louis Bonaparte. Avez-vous fait partie de cette socîétéT 

/?. Non, Monsieur. J'ai su cela, parce qu'il m'est tombé de ces 
brochures sous la main. 



D. Elxamiuez de nouveau ce règlement saisi chez Darmès* 
vous bien sûr que ce ne soît pas celui que vous iui avei remml 

R. A vous dire le vrai , je ne reconnais pas récriture ; d'affleurs , 
quand j'ai donné ce règlement à Darmès, ce n'était pas dans on but 
de pofitiqae. Je savais bien qu'il y avait longtemps qu'il connaissait 
cela. 

D. Vous savez que vous êtes soupçonné du meurtre cdmmis sur 
la personne d'un agent qui a péri dans la cour du siear Pihet, méctL" 
nicien, rue Popincourt? 

R. Je suis tout à fait innocent de cela. J'ai vu cent ou cent cm- 
quante individus peut-être acharnés après l'agent ou lesagents^^ car je 
ne sais pas s'il n'y en avait qu'un seul ou s'ik étaient plusieurs; mais 
moi je n'y ai pas touché. Je pourrais , comme je vous Tai déjà dit , 
invoquer le témoignage de Tofficier de la ligne qui commandait là. 

D. Avez-vous su quel régiment était de service en cet endroit? 

R, Non, Monsieur, malheurcuseraent. Quant aux prochmaiîons 
qu'oa dit que i'ai faites aux oorriers pour ks exciter à se coaliser. 



DE BOREL. 127 

c'est une insigae (%ussetë. J ai fait, au contraire^ tou& mes efforts pour 
ieur persuader qu'il était iosensé de réclamer à la fois une diminution 
de travail et une augmentation de salaire. Je pourrais écrire mot pour 
mot tout ce que je leur dis alors, et Ton n'y trouverait rien à reprendre. 

D. Pourquoi avez-vous écrit le nom de Dutertre sur le papier qui 
a été saisi sur Darmès? 

R. Quand j'ai écrit ce nom sur ce papier, ce n'était pas avec l'in- 
tention de ie remettre à Darmès. J'ai sans doute écrit ce nom pour 

m'en souvenir et sans aucune intention politique. 

« 

6* interrogatoire subi pwr Borel, le 94 janvier 1841 , devant M. Zan^acomi, Juge 
d'instruction dclegue', et confrontation de cet inculpe avec l'inculpé Belleguise, 

Nous avons fait amener devant nous l'inculpé Borel, et après l'a- 
voir mis en présence du nommé Belleguise, nous lui avons de- 
mandé si c'était bien là findividu dont il nous avait parlé dans son 
dernier interrogatoire. 

L'incolpé répond , hors la présence dudit Belleguise : 
C'est bien l'individu dont j'ai parié; mais quand je l'ai vu il ne 
portait pas le vêtement dont il est porteur aujourd'hui. 

D. Combien de fois avez-vous vu cet individu ? 

R. Trois ou quatre fois. 

7« interrogatoire subi par Borel» le 3 février 1841, devant M. le Chancelier de 
France, Pre'sident de la Cour des Pairs, et confrontation de cet inculpe avec les 
inculpés Duclos, Périls, Belleguise j Guiret, dit le grand Louis , et Darmès. 

D. Vous avez dit que Fexemplaire du règlement de ia société des 
Communistes qui a été saisi chez Daignés n'était pas de. votre écri- 
ture; savez-vous par qui il a été écrit ? 

R. Je ne pourrais pas vous le dire. 

D. Connaissez-vous récriture de /?acflne? 

R. Pas précisément, puisque je n'ai eu que cela de son écriture, 
si c'est lui qui l'a éciît. 



128 INTERROGATOIRES 

D. Je vous représente plusieurs lettres écrites et signées par Ra* 
carie. Je vous invite à comparer ces lettres avec ie règlement qui 
est là sous vos yeux? 

R, Je ne pourrais vous dire par qui ce règlement a été écrit; 
mais Pertes, lui, doit le savoir plutôt que moi. 

Après lecture , le prévenu a signé, etc. 

Et de suite nous avons fait amener devant nous le nommé Valentin 
Duclos , et ngus avons demandé à Borel s il le reconnaissait. 

Borel a répondu : Oui , Monsieur. 

D. Comment se nomme-t-il ? , 

R, Je crois que c'est M. Valentin. 

D. N est-ce pas lui qui est venu vous voir avec Darmès chez votre 
frère , pendant que vous y étiez caché ? 

R. Oui , Monsieur, il est venu me voir une fois avec Darmès , mais 
c'était comme camarade, et sans aucune intention politique. 

D. N est-ce pas lui qui vous a fait faire connaissance avec Damiès? 
R. J'ai connu Darmès parce que je I ai vu avec M. Valentin. 

D. N'avez vous pas su que Valentin Duclos faisait partie de la 
société Communiste? 

R. Je vous ai dit que ce n'était pas moi qui l'avais reçu , et que 
je ne m'étais jamais trouvé en réunion communiste avec lui. Par 
conséquent, s'il a fait partie de ia société, je ne sais pas de quelle 
fraction il faisait partie. 

A Valentin Duclos : 

D. Reconnaissez-vous maintenant Borel? 
R. Oui, Monsieur. 

D. Pourquoi avez-vous nié le connaître? 
R. Je ne savais pas son nom. 

D. En supposant que vous ayiez ignoré son nom , ce qui n'est 



DE BOREL. 129 

pas , voas ne pouviez ignorer ies diverses circonstances que je vous 
ar rappelées, et notamment cette visite que voiusiuî aviez faite chez 
son frère avec Darmès ? 

R. C'était pour éviter de ie faire arrêter. 

D. Vous reconnaissez donc maintenant que vous êtes allé avec 
DaiTnès lui faire une visite chez son frère? 

R. Oui, Monsieur. 

Après lecture , chacun des prévenus a signé , etc. 

Et, par continuation, nous avons fait amener devant nous le 
nommé Pertes dit Champagne, et nous avons demandé à Boret s'il 
reconnaissait la personne que nous lui représentions. 

Borel a répoqdu : Oui , Monsieur. 

D, Comment se nomme-t-ei!e? 
R. Pertes. 

D. Dit Chan^agne? 
R. Dit Champagne. 

D. N'est-ce pas lui qui était votre chef dans ia société des Com- 
munistes? 

/?. Oui, Monsieur. 

D. N'est-ce pas lui qui vous a remis le règlement de la société 
que vous avez donné à Darmès? • 

R. Oui, Monsieur. 

D. N'est-ce pas fui aussi qui vous a remis un écrit intitulé : 
Qualités de thomme vraiment moral? 

R. Je vous ai dit que oui. 

D. N'est-ce pas chez lui que vous avez fait une expérience de 
poudre lùlminante qui ne devait pas (aire de bruit? 

R. Oui , Monsieur. 

D. Cette expérience n'a-t-elle pas étéjaite en présence de Pénès 
et d'un autre individu nommé Bouge dit le Gros- Joseph? 

Interrogatoires. 17 



130 INTERROGATOIRES 

R. Je vous ai dit que je ne savais pas le nom de cet individu; 
je ne Tai su que fautrc jour^ lorsque vous favez confronté avec 

moi • . ' • 

D. Cetlc expérience de poudre na-t-elle pas été faite- dans une 
canne-fusil? 

R. Oui, Monsieur. 
A Péfiès : 

D. ûuavez-vous à diœ? 

R. J'ai à dire que ces messieurs ne m ont pas averti de ce qu'ils 
voulaient faire. Si j'ai nié le fait , c'est que j'ai cru que cela n'avait pas 
de conséquence alors. Maintenant monsieur dit qi\p c'est moi qui 
lui ai remis le règlement; monsieur se trompe. Je suis communiste, 
ou plutôt j'ai des idées communistes, mais je ne fais pour cela par- 
tie d'aucune société secrète ou révolutionnaire; je n'ai prêté aucun 
serment. Tout ce que je veux , c'est le bien et rien de plus. Quant 
à ce règlement , j'en ai entendu lire quelques passages , mais je ne 
l'ai pas tenu. Je crois même l'avoir vu dans les mains. dé Borel; c'est 
à fui de dire qui le lui a remis, mais ce n'est pas moi:. il ne pourrait 

pas affirmer que c'est moi. 

> 

D. Connaissez-vous un nonmié Racarie ? 
R. Oui, Monsieur. 

D. Connaisscz-ypus son écriture ? 

R. Non , Monsieur ; au surplus Borel doit savoir de qui îl tient 
ce règlement. 

D. On pourrait supposer, d'après votre réponse, que vous sauriez 
de qui Borel tiendrait ce règlement? 

R, Tant que Borel ne se ie rappellera pas, je ne peux pas le 
savoir. 

D, Vous avez dit que vous aviez entendu lire quelques passages 
de ce règlement; où avez-vous entendu cette lecture? 

R. Je ne saurais vous le dire. Quant à l'écrit intitulé : Qualités 
de thomme vraiment moral, c'est bien moi qui l'ai remis à Borel, 



Oe 0OR£L. 131 

et il fa copié; inai&ie rè^lei»ent,.ce o'est jj^tu» moi c^i iai donné à 
BoreL Je Fat vu dan» tses maîiis ou dans celles de Racan'e; te ne 
sais lequel des deux. • ' . • • . t, . , 

A Borel : x • 

D. Persistez-vôus à croire que le règlement vous ait été remis 
par Pertes? 

R. Je ne puis pas me remémorer qu'il m'ait été remis par un 
autre que par lui. 

"^ PéHès dit: Quand le règlement a été fait, je ne V#y^ais personne. 
II y avait deux mois que ie règlement était fait quand je Tai vu dans 

les mains de Borel ou de Racarie. 

' .' ■ ••.'•■ • • 

D. II parait que vous connaissez bien l'histoire du règlement? — 
R. Je sais cela prirce qu'on m'en a parlé. ■ 

t ■ : 

D. Racarie venait donc chez vous? 

R. Oui, Monsieur; il j en avait bien d'autres qui venaient chez 
moi, parce que je demeure à l'entrée du faubourg, et Ton entre 
chez moi en allant faire un tour de promenade. J'aime aussi beau- 
coup à rendre service ; c'est ce qui fait que j'ai beaucoup de 
visites. 4 

D. Dans quel but se faisait l'expérience de poudre qui a eu lieu 
chez vous? 

R, Jetais à travailler quand ces messieurs ont fait Fexpérience; 
moi, personnellement, je n'y ai pris aucune part. Je me rappelle 
avoir entendu dire qu'il s'agissait d'aller à la chasse aux faisans. Est- 
ce cela, Borel? 

Borel répond : Oui , c'est cela. 

Pénès dit: C'est pour cette plaisanterie-là que j'ai été arrêté; 
car, sans cela , je pense bien que je n'aurais pas été arrêté. 

D. Sous l'apparence d'une plaisanterie , on peut quelquefois 
cacher des projets coupables. Ainsi cette poudre, tjui ne devait 
pas faire de bruit, pouvait servir à un tout autre usuge qu'à chasser 
aux faisans. . .*. 

17. 



N 



132 INTERROGATOIRES 

R. Si Tun de ces messieurs avait cela dans Tâine , qu'il le dise. 
Quant à moi, je n'y ai vu' qu'une plaisanterie; ]m même dit a ces 
messieurs : Si vous tuez des faisans, vous m'en ferez, manger. 

Bord dit : Cette pondre n'était absolument bonne qu'à cela^ et ne 
pouvait faire de mai à personne, car cela n'a aucune force. 

Périès dit : C'est vrai. 

D. Lexpérience pouvait bien avoir un résultat autre que celui 
qu'elle a produit, et il est bien possible que si elle eût donné d'autres 
résultats, on T^ût employée à d'autres usages. 

Périès dit : 

Oh ! cela, je ne crois pas qu'ils aient eu ces pensées-là. Le Gros- 
Joseph, lui, est bien incapable de faits coqime ceux dont vous vouiez 
parier. Il est communiste, c'est viai, mais il ne fait pas pour cela 
partie de la société Communiste ; c'est comme moi, qui ne recoilnaîs 
Fassociation que pour le bien. J'ai entendu dire que le GroS'Joseph 
allait se promener dans les champs avec sa canne-fusil : c'est assuré- 
ment bien innocent. 

Après lecture, chacun des prévenus a signé, etc. « 

Et , par continuation , nous avoiis fait amener devant nous ie 
nommé Belleguise , et nous avons demandé à Borel s'il le re- 
connaissait ? 

Borel répond : Oui , Monsieur, c'est Belleguise; mais je ne l'ai pas 
vu souvent; et, lui, je ne sais pas s'il m'a vu. 

A Borel: 

D. Où l'avez- vous vu? 

R, Je i'ai vu quelquefois en passant rue Rochecliouart, à ce que 
je crois. 

/). Vous étes-vous trouvé avec lui dans quelque cabaret ? 
R. Non, Monsieur. 

D, N'est-il pas venu à votre connaissance que Bellegmse était 
chef d'une fraction de la société Communiste? 



DE BOREL. 133 

R. Jai entendu nommer comnie chef un novumé Belle fftnse ; m^'is 
H peut y avoir plusieurs individus de ce noni-Ià. 

D, Le Belleguise dont on vous a parlé n*était-il pas charron? 
R. Oui, Monsieur t on a dit qu if iétait chaixon. 

D. N'est-il pas aussi venu à votre connaissance que Belleguisc 
connaissait un dépôt dads lequel il y avait cinq ou six cents fusils 
sur lesquels on pourrait mettre la main? 

R. On avait prétendu que c'était moi qui avais dit cela chez Con- 
sidère ; )e suis allé aux informations, et c'est aloi^s qili l'on a dit que 
c'était Belleguise qui avait parlé de cela chez Considère, 

A Belleguise : 

D, Vous venez d'entendre ce qui a été dit par BoreL Qu'avez-vous 
à dire? 

AL^ Jai à dire que cela n'est pas. J'ai entendu dire dans le temps 
des grèves qu'il y avait des fusils dans divers endroits, aux mairies, 
je ne sais où; mais je n'ai pris aucune part à ces propos-là, et il est 
possible que la chose ait été mal rapportée. 

D. N'allez-vous pas quelquefois chez Considère? 

R. Je ne connais pas ce nom-là. Il serait possible que j'aie été chez 
lui , sans savoir son nom. 

D, Vous savez bien que sa femme tient un cabaret à Montmartre? 

R. J'ai lu sur le journal qu'un marchand de vin de Montmartre 
avait été arrêté deux fois, ainsi que sa femme et sa mère; c'étaient les 
femmes qui parlaient décela : on disait que c'était un garçon<le caisse 
de chez Laffitie. J'ai lu cela un dimanche , parce que je ne lis le 
journal que le dimanche, n'ayant pas le temps de le lire dans la 
semaine. 

D. Dites-vous aussi que vous netes pas chef d'une section de la 
société Communiste? 

R. Je ne suis chef de rien ; je n'ai pas même voulu <^tre chef 
d'atelier. En fait de chefs, je ne connais que le chef de l'Etat et ceux 
qui me commandent. 



134 INTERROGATOIRES 

D. Vous avez parié de l'habitude où vous étiez d écrire tout ce 
que vous faisiez , et vous avez dit que, si ou vérifiait votre carnet, on 
pourmit y voir Femploi de votre journée le 1 5 octobre, et notamment 
(|ue vous n'aviez pas quitté votre atelier ce jour-là. Or, il résulte d'une 
annotation portée sur votre carnet, que vous êtes sorti ce jour-là, 
pour le motif d acheter des boulons et des clous. Cela prouve que 
vous êtes sorti le 1 5, contrairement à votre affirmation , et que vous 
ave/ fort bien pu vous trouver sur la place Louis XV avec Dmmès, 
dont on dit que vous étiez le chef dans la société Communiste? 

R. Je vous^re que je n'ai pas été place Louis XV. Si ma destinée 
m'y avait conduit , je ne serais pas coupable pour cela. Mais |e ne suis 
allé qu'à la place Cadet pour acheter des clous, et j'en ai rapporté ma 
charge à l'atelier. Je ne suis plus sorti après cela de la journée. 

Après lecture, Borel a signé avec nous et le greffier en chef adjoint 
de la Cour; le prévenu Bellcguise ayant déclaré qu'il ne pouvait 
signer une chose qu'il n'était pas en état de lire, nous avons signé avec 
le greffier , etc. 

Et, par continuation, nous avons fuit amener devant nous le nommé 
Gueret dit le Grand-Louis, et nous avons demandé. à Borel s'il re- 
connaissait l'individu que nous lui représentions. 

Borel a répondu : 

R. Oui, Monsieur; je le connais sous le nom du Grand-Louis. 

D. N'avez-vous pas entendu dire qu'il faisait partie de la société 
Communiste, et qu'il avait le grade d'agent révolutionnaire? 

R. Je l'ai entendu dire , mais je n'ai aucune certitude personnelle 
à cet égard. 

A Guéret : 

D, Qu'avez-vous à dire ? 

R. J'ai à dire que cela est faux. J'ai entendu parler des travailleurs. 
J'ai entendu dire aussi qu'il y avait des principes de communauté que 
l'on propageait, mais je ne connais pas d'association communiste et 
je n'en luis pas partie. 



DE BOR£L. 135 

D. Depuis combien de temps connaissez-vous Considère ? 
R. Je ne le connais pas. 

D. N afliez-vous pas quelquefois chez lui ? 
R. Non, Monsieur. 

D. Vous ne saviez pas que sa femme tenait un cabaret à Mont- 
martre ? 

R. Non , Monsieur. 

D. Vous n'avez pas entendu parler, chez Consiéère, du crime 
de Darmès ? 

R. Non , Monsieur, puisque je n ai jamais mis les pieds* chez lui. 

/)» Ainsi, vous soutenez que vous n'avez pas, dans la société 
Communiste, le grade d'agent révolutionnaire ? 

R. Oui, Monsieur; je soutiens même que je ne fais partie d'au- 
cune société. 



A Borel: 

D. N'est-ce pas sous ce titre d'agent révolutionnaire de la société 
Communiste que vous avez entendu parler du Grand-Louis? 

R. Oui, Monsieur. 

Après lecture faite, chacun des témoins a signé. 

Kt, par continuation, nous avons fait amener devant nous le 
nommé Darmès y et nous lui avons demandé, en lui i*eprésentant 
Borel, s'il le reconnaissait. 

Darmès répond: Monsieur le Président, voilà trois mois et demi 
que je suis à la Conciergerie; j'ai subi de nombreux interrogatoires; 
je n'ai rien de plus à répondre. 

A Darmès : 

D, Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Je vous demande si vous re 
connaissez la personne ici présente? 

Darmès répond : Non , Monsieur. 



136 INTERROGATOIRES 

• A Borel : 

D. Et vous, reconnaissez-vous ia personne ici présente? 
R. Oui, Monsieur, je reconnais Datmès; je lai vu quelquefois. 

A DafTnès : 

D. Vous entendez que Borel Aéc\9Jte qu'if vous connaît, et vous, 
cependant vous avez prétendu ne pas le connaître? 

Darmès répond : M. Borel est libre de dire ce qu'il veut. Moi 
aussi , je suis libre et indépendant, et je dirai ce que je voudrai. 

A Borel: 

D. N'est-ce pas là l'individu que vous avez vu rue de Trévise, n* 2? 

R, Oui , Monsieur, je l'ai vu là comme beaucoup d'autres ont pu 

{» • . 

V voir. 

te 

D. N'est-ce pas lui qui a été vous voir avec Valentin Duclos, chez 
votre frère, pendant que vous y étiez caché, avant votre départ pour 
Hani ? 

R, Oui, Monsieur. Mais, comme je vous lai toujours dit, je ne 
me cachais pas, chez mon frère; et quand ces messieurs sont venus 
me voir, ce n'était pas dans un but politique. 

m 

D. N'est-ce pas vous qui avez remis à Darmès le règlement de la 
société communiste qui a été saisi chez lui ? 

R. Oui, Monsieur; mais c'était plutôt par curiosité qu'autrement. 

D. N'est-ce pas vous aussi qui lui avez remis Fécrit intitulé r 
Qualités de t homme vraiment moral? 

R, Oui, Monsieur, puisque vous avez reconnu mon écriture. 

A Darmès : 

D. Vous venez d'entendre ce qu'a dit Borel Vous avez soutenu 
que ces ])apiers vous les aviez trouvés dans la rue. Persistez- vous 
dans cette allégation ? 

R. Je n'ai plus rien à répondre. Quand j(; paraîtrai à la barre , je 
répondi-ai aux question^ que vous me fei'cz l'honneur de m'adressev, 
avec le plus de précision qu'il me sera possible , mais , dans ce ffio- 



\ 



DE BORËL. 137 

nient-ci, je n'ai rien à répondre de plus que ce que jai déjà dit. 

« 

/).. Vous avez également menti à fa justice quaud vous avez nié 
que vous fussiez allé avec Valentin Duclos faire une visite à Borel; 
car Borel \e reconnaît et Valentin aussi. Avez-vous quelque chose à 
répondre ? 

R, Je n ai rien à répondre. 

D. Vous avez désiré que le marchand de bric-à-brac, que vous 
aviez indiqué , fût confronté avec vous. Cette confrontation a eu lieu, 
et vous savez maintenant que cet homme a déclaré que non-seulement 
il ne vous a pas vendu l'ouvmge sur lequel se trouve le nom de 
M. Chatry-Lafosse , mais qu'il n'a jamais eu cet ouvrage en sa pos- 
session. Par conséquent, vous restez sous l'inculpation d'avoir volé 
cet ouvrage dans la maison où il se trouvait. 

R. Cet homme a dit ce qu'il a voulu. 



8* interrogatoire subi par Borel, le 5 février 1841, devant M. Zangiacoini, Juge 

d'instructioo délégué. 



,y 



D. Vous avez signalé un nommé Deligny comtne chef présumé 
d'une fraction des communistes; connaissez-vous de vue cet individu ? 

R. Il est possible que je l'aie vu, mais je ne me le rappelle pas. 

* 

D, Par qui en avez-vous entendu parler ? 

R. J'en ai entendu parler vaguement pai' des individus apparte- 
nant à la société que je ne saurais indiquer ; on m'a dit qu'il était 
limeur, et qu'il avait travaillé à la boyauderie comme ouvrier ser- 
rurier. 

' D. Savez-vous s'il a des frères? 

R, Je ne le sais pas , mais je crois bien que oui. Je me rappelle 
même maintenant qu'il en a un qui est tôlier, mais c'est bien du limeur 
que l'on m'a parlé comme appartenant à la Société. 

Interrogatoires. ^ 8 



138 INTERROGATOIRES 

Et aussitôt nous avons fait amener devant nous ie nommé DeUgm/ 
et lavons mis en présence du nommé Borel. Celui-ci a dit: « Je recon- 
nais cet individu pour le tôlier dont j'ai parlé; c*est le frère de 
l'ouvrier limeur. » 

Et le nommé Deligny, de son côté, dit : «Je reconnais le nommé 
Borel que vous me représentez , pour avoir travaillé avec lui dans le 
cours des dernières années. » 



O*" interrogatoire sabi par Borel, le 90 février t841, devant M. Zangiacomi, 

Juge d'instruction délégué. 

D. Vous avez dit que vous connaissiez comme chef d'une fraction 
des communistes le nommé Belleguise , charron, rue de ia Tour- 
d'Auvergne ; savez-vous si Darmès était en rapport avec Cet individn ? 

/?. Non, Monsieur, je n'en sais rien; mais Darmès^éisii en rap- 
port avec un nommé Edouard, charron, tralvaillant avant mon arres- 
tation avec Belleguise, à la boyauderie près la barrière du Combat, 
et je sais que cet Edouard était très-lié avec Belleguise, 

D, Quelle raison avez -vous de croire que Darmès connaissait 
Edouard? 

R, Voici comme je le sais : A i'époque des coalitions , il y eut 
un rassemblement d'ouvriers à Pantin ; Darmès s'y trouvait; il m'in- 
vita à prendre un verre de vin , et je le vis avec Edouard chez le 
marchand de vin. 

D. Comment connaissez-vous lé nommé Edouard? 

R. J'ai un (rère qui travaille de l'état de forgeron dans rétablisse- 
ment de la boyauderie , et c'est par lui que je l'ai connu. 

. 

D. Quel motif avez-vous de supposer c^' Edouard fait avec Balte- 
guise partie des sociétés? 

R. Je le tiens A' Edouard lui-même, et je sais que Belleguise con- 
naît Jean-Jacques Pillot. Us étaient , comme je vous l'ai dit , de leur 
côté, plus exaltés que nous; c'étaient eux qui, au moyen de collecter, 
aidaient Pillot à faire ses brochures et à les répandre. Quant à nous, 
nous n'admettions pas toutes les doctrines de Pillai. Au reste , à cet 
égard, Racarie, s'il voulait parler, pourrait vous en dire beaucoup 



DE BOREL. 



IM 



plus. Le Grand' Louis le pourrait encore mieux , car c'était lui qui 
passait tians la société pour être en rapport avec la direction supé- 



neure. 



D. Avez-yous eu quelque entretien sur ces matières avec Belle 
guise ? 

R. A vrai dire, je n'ai point eu avec lui d'entretien politique; mais 
nous avons causé ensemble de la communauté et de fabolition du 
système monétaire. 

D. Et vous a-t-il dit qu'il étiut à la tête d'une traction com- 
muniste ? 

« 

R. Non, Monsieur; mais je Fai appris dans la société, je ne saurais 
plus dire par qui. 



140 INTERROGATOIRES 



INTERROGATOffiES DE PERIES. 



PÉRiÈS (Antoine- Victor), âgé de 32 ans, tondeur de draps, né à 
Reims (Marne), demeurant à Paris, rue du Faubourg - Saint- 
Martin, /i" 83, 

\^^ interrogatoire subi, le 9 janvier 1841, devant M. Zangiacomi, 

' Juge d'instruction deiégue'. 

D. Netes-vous pas connu sous le nom de Champagne? 

R. Oui, Monsieur, j'ai été souvent appelé de ce nom, attendu que 
je suis de Reims en Champagne. 

Z). D'où connaissez-vous le nommé Borel(Aimé), mécanicien? 
R, Je ne connais pas d'individu de ce nom. 

D. Vous vous trompez; vous connaissez Borel, et vous, avez fiut 
avec lui, et chez vous, à une époque récente, des expériences de 
poudre fulminante. 

R, Voilà quelque chose que je ne connais pas. 

D. Borel le déclare, et vous n'êtes amené ici que pour donner des 
explications sur vos rapports avec lui. Votre dénégation , évidemment 
inexacte, annonce que vous auriez un intérêt à cacher la nature des 
relations que vous auriez avec cet individu. 

R, Ce Borel, si je le connais, je ne le remets pas. II faudrait que 
je le ^isse pour le remettre; mais je renie les faits dont vous venex 
de parler. 

Z>. La preuve de fa véracité des déclarations de Borel, au sujet 
des expériences dont je vous parle, c'est qu'on a même saisi chez 
vous le petit banc sur lequel les expériences ont été faites. 

R. Les traces de brûlure que vous remarquez sur ce banc pro- 
viennent des traces d'une chaufferette de terre ou de fers à repasser. 



DE PÉRIÈS. 141 

Nous avons ici retiré du scellé apposé sur ce banc le prospectus du 
\onrmHe Populaire , pour l'année 1840, et nous avons replacé le 
petit banc sous un nouveau scellé, avec étiquette signée par nous et 
le greffier. 

Z). Vous ne niez vos rapports avec Borel(\ue parce que, comme 
lui, vous appartenez à la société des Communistes, dans laquelle 
on connaît même votre grade? 

R. Je nie appartenir à cette société , et ny suis ni soldat ni chef. 

D. Par Borel, vous avez connu Darmès, et probablement ses 
projets; et c'est pour ce motif encore que vous niez vos rapports 
avec Borel? 

R. Je Ile connais pas du tout ce nommé Darmès; je n'ai appris 
son nom que par les journaux. 

D. Àvez-vous déjà été l'objet de poursuites ? 

* ! ' • . 

R, Jamais. 



9* interrogatoire subi par Périès, le 19 janvier 1841, devant M. Zangiacomi, Juge 

cTinstruction dele'gae'. 



D. Je vous interpelle de nouveau sur les expériences de poudre 
fulminante qui ont été -faites chez vous. Comment croyez-vous que 
Borel pourrait donner sur cette opération des détails aussi précis , si 
ces expériences n'avaient point eu lieu? 

/?. Tl y a malentendu. 

£). Il y a si peu malentendu, que Borel a fait connaître non-seule- 
ment votre nom, mais le surnom que vous reconnaissez être le vôtre, 
et en outre votre profession et votre demeure. Comment concilier ces 
indications avec un malentendu? 

R. Je ne puis expliquer comment cet homme a pu dire de pareilles 

choses. 



qii^picrce 



142 INTERROGATOIRES 

qyc vous , Pertes, aviez parlé à quelqu'un qui se trouvait chez tous 
en mêiue temps que Borel, de la recette qu'avait ce dernier poor 
faire cette poudre ; et c'est alors qu en votre présence Borel a mon- 
tré à la faire. Niez-vous également ce fait ? 

R. Je suis ignorant compictement de tout ceci. 

/). Voici de nouvelles planches qui ont été saisies hier chez vous 
en présence de votre femme, et sur lesquelles if existe des traces de 
carbonisation. N'est-ce pas sur ces planches qu'auraient eu lieu ces 
expériences? 

R. La plus grande de ces planches provient de ia couverture cFan 
baquet; je ne peux pas vous dire d'où proviennent les taches q«e ¥009 
me montrez. Quant à la petite, elle provient d'une douvéde toaneau» 
et vous savez que ces planches sont souvent carbonisées. 

D. Vous êtes, sur tous les points, dans fa contradiction b plus frap- 
pante avec les déclarations de Borel; celui-ci n'avait aucune espèce 
d'intérêt à convenir qu il avait fait chez vous des expériences de pou- 
dre. Cet homme n'est point votre ennemi , et les détails circonstanciés 
dans lesquels il entre sur le fait qui a eu tteu chez vous, ne permet- 
tent pas de supposer de méprise ou de mafentendu; vous avez donc 
un intérêt à nier tout à ta fois , et vos rapports avec Borel, et ce qu'il 
a (ait chez vous. Cet intérêt mérite t'examen de la justice , et voos 
serez , sous ce rapport , l'objet de ses investigations. 

R. Je persiste à dire qu'if y a méprise ; que ^: ne conafttt- pat B^ 
rel ; que je n'appartiens pas aux sociétés, et que je suis poursuivi et 
détenu par erreur en ce moment. 



3' interrogatoire subi par Pertes, le S 7 janvier 1841, devant M. le Cban^cfiir ds 
France, Président de la Cour des Pairs, accompagné de M. le baron Girod (df 
l'Ain), Pair de France. 

/). Vous faites partie de ia société Communiste ? 
H. Je ne fais partie d'aucune société. 



DE PÉRIÈS. 143 

D. La procédure l'a parfaitement dtabli; vous occupez même un 
grade dans cette société. ^ 

R. Je n y suis pas plus comme gradé que comme soldat. 

D. Je sais bien que vous avez nié avoir fait partie de la société ; 
mais l'espérais que vous auriez fait quelques réflexions et que vous 
conviendriez de la vérité. Votre obstination à nier des faits établis 
par {'instruction ne peut que vous compromettre davantage. 

R. Pour que je fusse compromis, il faudrait qu'il y eût des cas, et il 
n'y en a pas. Tout ce qui me tourmente, c'est de perdre mon ouvrage 
par suite de quelque quiproquo. 

D. Si vous perdez votre ouvrage dans ce moment-ci, vous ne pou- 
vez vous en prendre qu'à vous; non-seulement vous avez un grade 
dans la société Communiste, mais ce grade est celui d'agent révolu- 
tionnaire. C'est en cette qualité que, vous avez été en rapport avec 
Borel. 

R, Je ne connais pas Borel. 

D. Comment osez-vous dire que vous ne connaissez pas Borel? 

R, J'ai déjà dit que si je le connaissais., ce ne pouvait être qu'in- 
directement. Je pourrais connaître un homme bon ou mauvais , cela 
ne me compromettrait pas; pourquoi donc nierais- je up homme? 

D. Je vous ai fait une observation dans votre intérêt; vous la mé- 
connaissez, ce sera tant pis pour vous. C'est aussi en votre qualité 
d'agent révolutionnaire t)ue vous connaisfiez Lionne ? 

/?. Je ne sais pas si je connais Fun ou f autre; je travaille bourgeoi- 
sement, et je connais pas mal de monde. 

D. Vous connaissez si bien Borel, qu'après les coalitions d'ou- 
vriers, Borel voulant quitter Paris, vous avez fait une collecte pour 
hii, et vous lui avez remis 20 francs, produit de cette collecte. 

R. Je ne connais pas plus l'un que f autre. 

p. Votre obstination à nier des faits notoires donne beaucoup à 
penser sur votre culpabilité. 

/? De quoi suis-je coupable? Je ne me suis jamais aventuré dans 
rien; je ne veux que le bien par le bien. 



1 44 INTERROGATOIRES 

D. Vous^ connaissez si bien Borel, que quand H est revenu à 
Paris, le 16 octobre, vous lavez reçu chez vous. 

R. II faudrait que je le visse pour savoir si je ie conuais. 

D. Vous Tavez reçu le 1 6 chez vous, et vous avez fait avec fui un 
essai de poudre non détonante. 

R, Je nai jamais brûlé pour un fiard de poudre; jamais chose 
pareîfle na été faite chez nioi, ni devant moi. 

D. Lors de cette expérience de poudre faite chez vous, iï y avait 
une troisième personne, que vous connaissez sous le nom de Gros- 
Joseph, 

R. Non, Monsieur. 

' D. Cette poudre a été composée par Borel, avec une addition 
d*aiun jointe à de la poudre ordinaire. 

R. Je n'ai aucune connaissance de cela; personne ne pourra dire 
qu il ait vu chez moi une chose pareille. 

D. L'expérience dont je vous parle a été faite avec une canne- 
fusil , dans votre chambre , et l'on a tiré coutœ une planché. 

R, Je n'ai aucune connaissance de cela. 

D. Vous avez demandé tout à l'heure de quoi vous étiez coupable, 
je vais vous le dire. C'est vous qui êtes le chef de Daimès dans la 
société des Communistes, et comme tel il a dû suivre vos directions. 

R. Mettez que c'est moi qui ai tiré ie coup. Je ne puis que vous ré- 
péter que je ne suis ni gradé, ni soldat dans la société; ceux qui ont 
dit le contraire ont menti. 

D. Vous vous êtes plusieurs fois trouvé avec Darmès chez un 
petit marchand iiquoriste qui demeure à l'entrée du faubourg où vous- 
même vous demeurez. 

R. Il est possible que Darmès me connaisse: il a, dans ce cas, 
l'avantage de connaître un honnête homme; je n'en dirai pas autant 
de lui. Je me suis sans doute trouvé là ou ailleurs avec d'autres 
que lui. 

D. Tout ce que je viens de vous dire là est avoué par Fun des 



DE PÉRIÈS. 145 

hommes qui y a participé avec vous; persistez vous dans vos déné- 
gations ? 

A. Oui, Monsieur, je persiste. Je n'ai aucune connaissance ni 
d'une chose ni de Fautre. La chose existerait d'avqir tait un essai de 
poudre chez moi, comme elle aurait été faite sans intention coupable, 
il n'y aurait rien là qui pût me compromettre; par conséquent, je 
n'aurais aucune raison à nier. 

D. Persistez-vous dans vos dénégations ? 
/î. Oui, Monsieur. 

Après que le prévenu a signé, et avant qu'il se retire, nous Tavons 
interpellé de nouveau ainsi qu'il suit : 

D. N'avez-vous pas écrit de votre main un papier qui a pour titre : 
Qualités de P homme vraiment moral? 

R, Je ne pourrais vous dire oui ou non sans avoir vu ce papier. 

D. N'avez-vous pas remis ce papier à Borel, qui en aurait pris 
copie ? 

R. Je ne m'amuse pas beaucoup à écrire, j'ai assez de peine à 
écrire pour mes affaires; en tous cas, si Borel a copié une chose que 
j'aurais écrite, ce n'est pas devant moi. 

D, N'avez-vous pas aussi remis à Borel un écrit portant pour titre : 
Règlement de la société des Communistes ? 

R. Non, Monsieur; je n'ai jamais eu ces papiers-là chez moi. J'ai 
quelquefois parié de communauté avec des hommes qui étaient ou 
qui n'étaient pas communistes, je n'en sais rien. Après cela, if est 
certain que c'est une chose que je voudrais voir réaliser dans Fintérét 
de l'humanité; mais je voudrais qu'elle se réalisât par le bien: car, moi, 
je veux le bien, et, voulant le bien, je ne peux pas me rendre cou- 
pable d'un crime. 

Interrogatoires. 1 9 



146 INTERROGATOIRES 

4* interrogatoire subi par Pertes, le 19 feVrîer 1841, devant M. Zangiacomi, Juge 
d'instruction délègue', et confrontation de cet inculpe avec l'inculpe Bouge, 

D, Reconnaissez-vous l'individu que je vous représente? 

R. Oui, Monsieur, sous le nom de Joseph. 

Bouge, de son côté, dit qu'il reconnaît l'inculpé comme son voisin, 
mais qu'il ne sait pas son nom. 

D. A Pertes : Est-ce là l'individu qui est venu chez vous avec 
Bo?*el pour faire Texpérience dont vous êtes convenu? 

R, Oui , Monsieur, et voici comme cela s est fait : Borel et Joseph 
étaient alors sans ouvragé; iis allaient ensemble pour se promener; 
mais la pluie étant venue , ils montèrent chez moi, et on parla de faire 
une expérience de poudre. Je demandai si cela faisait du bruit , et 
quand on m'eut assuré qu'il n'y avait rien à craindre, je Tai laissé faire 
sans y prendre part. Je n'ai pas fait attention à celui qui a chargé la 
canne, mais cela n'a pas fait beaucoup de bruit; seulement if y eut 
un carreau de cassé par un ricochet du projectile. 

D. A Bouge : Qu'avez-vous à dire? 

■ 

R. Je n'ai pas voulu dire ce qui en était , parce que j'ai su qu'on 
avait autrefois tiré sur le Roi avec une arme pareille, que je craignais 
que fon m'accusât d'avoir la même intention, et que l'on me fît un 
crime de la possession de cette arme; mais je n'en ai &it aucun 
usage. Nous sommes venus à parler de chasse, et Borel a dit qu*il 
avait un procédé pour faire de la poudre qui ne détonnait pas, et 
c'est à la suite de «ette conversation qu'eut lieu cette expérience. 

D. A Pertes : N'a-t-il pas été question, dans cette entrevue, de 
ia manière dont Darmès aurait chargé ou aurait du charger son 
arme? 

R. Non, Monsieur. 

D. A Bouge : Avez-vous entendu ce propos ? 
R. Je n'en ai pas entendu parler. 

D. Qu'est devenue la canne dont vous vous êtes servi? 



DE PÉRIÉS. 147 

R. Je i'ai vendue à un paysan que j'ai trouvé dans la plaine des 
Vertus ; il m'en a donné vingt francs. Je m'en suis défait ii y a peut- 
être deux mois, lors des premières neiges. 



19. 



148 INTERROGATOIRES 



INTERROGATOIRES DE RACARIE. 

Racarie (Louis- Auguste-François), âgé de 23 ans, mécanicien, né à 

Paris, y demeurant, rue du Petit-Hurleur, n* 4. 

\^^ interrogatoire subi, le 10 décembre 1840, devant M. Zangiacomi , Juge 

d'instruction dele'gue'. 

Z). Depuis quand étes-vous à Paris? 

R. Je suis arrive à Paris vers le milieu d'octobre, le 15 ou le 16. 

D, D'où veniez-vous? 

R, Dès le commencement de septembre, je suis aifé à Ham, tra- 
vailler chez \c ûeuv Rernard, ancien ouvrier de Paris, pour qui j'ai été 
embauché par le sieur Meyer, rue Popincourt, n**5. De Ham, je suis 
allé chercher de {ouvrage dans diverses villes, notamment à Arras, 
à Douai et à Boulogne. J'ai quitté cette dernière ville le mardi 13, 
sur les une heure , à pied. J'étais avec un sieur Borel, qui était venu 
de Ham avec moi. Nous avons été à pied de Boulogne à Beauvais; 
nous sommes allés coucher, le mardi soir 13, dans un village un peu 
au-dessns^ de Breteuil, à dix lieues de Boulogne; le lendemain 
mercredi l4, nous avons fait dix ou douze lieues, et nous avons 
couché du côté de Pont-Rémy; enfin, le jeudi 15, après une journée 
de plus de quinze lieues, nous sommes arrivés à Beauvais dans la 
soirée; nous y avons pris à neuf heures du soir la diligence du Piat- 
d'Etain , qui descend à Paris, au carré Saint-Martin , à l'enseigne du 
Plat-d'Etain. Je me su^s fait inscrire à mon nom à la diligence , et 
Borel sous celui de Teyssier, qu'il porte quelquefois. Nous sommes 
«rrivés à Paris sur les cinq heures et demie , six heures du matin , le 
vendredi 16. Borel vk. quitté la voiture à la barrière, et moi je suis 
allé, en quittant le Plat-d'Etain, voir mon frère à sa boutique, rue 
Saint- Denis, près du passage Saucède, chez le sieuv Lormeau^ iayetier. 

D, Etes-vous bien sûr des dates que vous indiquez? 

R, Oui, Monsieur, et les registres des diligences le prouveront 



DE RACARIE. 149 

suffisamment. «Tai même tout à Theure été conduit par votre ordre 
au Plat-d'Etain , où le commissaire de police a constaté ces dates 
précises. 

D. N'est-ce pas vous qui aviez fait venir Borel à Ham , pour y 
travailler? 

R. Non, Monsieur; c est Bernard qui lui avait écrit. 

D. Savez-vous pourquoi Borel portait le nom dé Teyssier? 

R. Non, Monsieur, je ne ie sais pas. 

Z). Depuis combien de temps connaissiez-vous Borel? 

/{. II y a plusieurs années; j'ai travaillé avec lui dans les ateliers. 

D. Borel ne vous a-t-il pas parlé de Darmès et de Valentin 
Duclos ? 

R. Jamais Boj^el n'a prononcé ces noms devant moi. 

D. Avez-vous déjà été arrêté ? 

R, Oui , Monsieur, il y a deux ou trois ans , à i occasion de la sortie 
de Paris des frères Chaveau. 

D. Par qui avez-vous appris, le jour de votre arrivée, l'attentat 
commis sur ia personne du Roi? 

R. Je ne l'ai su que deux jours après mon arrivée à Paris , parce 
que, ie premier jour, j'étais fatigué, et que je suis resté couché une 
grande partie de la journée. 



9' interrogatoire subi par Racarie, le 17 décembre 1840, devant M. Zangiacomi, 

Juge d'instruction délègue'. 



D. Vous m'avez écrit pour ajouter quelque chose à vos déclarations 
précédentes. Je vous invite à faire connaître exactement à quelle 
époque et dans quelles circonstances vous avez connu le nommé 
Borel et vous vous êtes lié avec lui. 

/{. U y a trois ans environ que je connais le nommé Borel. Je fis 



ij* '■ 



1^0 INTERROGATOIRES 

sa connaissance en travaillant avec fui chez le sieur Pawels, à la 
barrière Poissonnière; mais je suis resté sans le voir depuis Cette 
époque. Je lai rencontré dans le temps des coalitions ; il me dit qu'il 
était sans ouvrage. J avais écrit à Ham , au sieur Bernard, pour en 
avoir, et je partis quelques jours après. Comme il m'avait demandé si 
je pouvais lui procurer de Touvrage dans cet endroit , je priai le sieur 
Bernard de l'employer, et, quelques jours après, celui-ci lui écrivit 
de venir. . , 

D. Borel vous avait certainement dit pour quel motif il quittait 
Paris? 

B. Non, Monsieur; et je ne savais pas qu'il fût poursuivi par la 
police. 

D, Vous étiez certainement trop lié avec Borel, et vous avez vécu 
avec lui dans une trop grande intimité à Ham, dans vos voyages et à 
Boulogne, pour ne pas avoir appris de iui ia circonstance des pour- 
suites dont il était l'objet. 

B. Il ne ma pas dit ce qu'il avait fait ni s'il était poursuivi. 

D, II paraît que vous-même vous n avez quitté Paris qu'à raison 
de l'inquiétude que vous donnait votre conduite dans les affîûres de 
coalitions d'ouvriers? 

B. J'étais malade à cette époque ; je sortais de Fhospice du Midi 
seulement depuis quatre ou cinq jours. 

D. A Ham, vous étiez connu sous le nom de la Bépubli^pAe. 

/?. Il y a huit ou dix ans que l'on m'appelle ainsi, parce que je 
portais dans ces temps une petite casquette rouge. 

D. L'instruction constate, au contraire, que cette qualification ne 
vous était donnée qu'à raison de l'exaltation de vos opinions politiques, 
et les magistrats délégués par la Cour des Pairs ont constaté les odieux 
propos que vous aviez tenus dans ce sens à Ham. 

B. Je n'y ai pas tenu de propos politiques. Je ne m'occupe jamab 
de politique. 

D. Qu'étiez-vous allé faire à Boulogne avec le nommé Borel? 
B, Nous n'étions allés à Boulogne , en revenant de Douai , qu'avec 



DE RACARIE. 151 

riutention de gagner le Havre par mer. Borel, qui y avait des con- 
naissances, espérait y trouver de Fouvrage; mais le besoin d'argent 
nous fit revenir à Paris. A Boulogne , j ai fait des démarches pour me 
procurer de l'ouvrage. 

^^ * 

D. L'instruction a, au contraire, constaté que vous n aviez fait 

aucune démarche pour travailler. * . 

R, J'affirme que je me suis présenté dans une fabrique de toile 
pour les navires. 

D. Vous étes-vous occupé de trouver de l'ouvrage à Borel? 
R. Je ne me suis pas occupé de Borel. 

D. Cet individu vous a-t-il dit qui il connaissait au Havre? 
R. Non, Monsieur. 

D. A Boulogne, n'avez-vous pas reçu un avis quelconque pour 
vous rendre à Paris? 

R. Non, Monsieur. 

D. Et Borel? 

R. Je suis sûr que devant moi il n'a rien reçu. 

D. Vous êtes parti de Boulogne le mardi î 3 octobre ; vous êtes 
arrivé le jeudi 15 , dans la soirée, à Beau vais, qui est à trente-six 
lieues de Boulogne; vous avez fait ce long trajet à pied; quel intérêt 
si pressant aviez-vous à faire aussi rapidement une si longue traite ? 

R, C'est parce que nous étions à court d'argent. 

R. Si vous étiez si gênés, comment avez- vous pu prendre la voi- 
ture à Beauvais ? 

R. H nous restait quelque argent, et encore ai-je été obligé 
de laisser mon parapluie en nantissement. 

D. Quel a été, depuis Ham jusqu'à Boulogne, f itinéraire de votre 
voyage ? 

R. De Ham , nous sommes allés coucher dans un village dont je 
ne me rappelle plus le nom ; le lendemain nous avons gagné Arras, 
où nous avons logé en face l'atelier du sieur Alaite : c'était un di- 



1 52 INTERROGATOIRES 

manche. Le lundi, je suis allé chez le sieur Alaite. D'Arras, nous 
sommes allés à Douai, où nous avons couché dans une auberge por- 
tant pour enseigne : Au nouveau rivage, \je mattre de cet établisse- 
ment nous a conduits lui-même le lendemain chez divers tôliers^ pour 
avoir de louvrage , et de là à la fonderie royale , où j ai parlé au ca- 
pitaine d'artillerie. De là nous sommes ailés à Saint-Omer, puis à 
Ecueil, situé à six lieues de Boulogne, et enfin dans cette dernière 
ville. 

D. Je vous répète ce que je vous ai déjà dit , que vous avez dû 
avoir avec Borel des rapports politiques qu'il est aujourd'hui pour 
vous d une extrême importance de faire connaître. Divers renseigne- 
ments révèlent d'ailleurs que vous appartenez comme lui à la société 
dès Communistes, et ce que l'on sait de vos antécédents et de vos 
principes politiques autorise suffisamment cette présomption. 

R. Borel ne m'a rien dit ; mais, en admettant qu'il m'eût dit ce qu'il 
y a de pis au monde, cela ne veut pas dire que je sois coupable. 

D, Evidemment Borel vous a fait quelques confidences sur le 
nommé Darmès et sur le nommé Duc/os. 

R. Il ne m'a point parlé de ces individus. 

D. Outre la condamnation que vous avez subie en 1838, n'avez- 
vous pas été condamné, à Ham, à trois jours de prison, pour tapage? 

R. Oui , Monsieur, pour avoir fait du bruit dans une église /il y 
a de cela quatre ou cinq ans. 



3' interrogatoire, subi par Racarie, ie 9 février 1841 , devant M. le Chancelier 

de France, Président de la Cour des Pairs. 

D, Vous faites partie de la société des Communistes? 

R. Non , Monsieur. 

D. Non seulement vous en faites partie, mais vous y avez un 
grade, 

R. Je fignore absolument; de mon côté, je vous promets que je 
n'en ai pas tait partie. 



DE RACARIE. 153 

D. C'est parce que vous &îsiez partie de la société, ainsi que 
Borel, que vous l'avez fait venir à Ham, sachant qu'il se. trouvait à 
Paris dans une position fâcheuse. 

R, Je vous promets que ce n'est pas dans une vue d'association 
que je lui ai procuré de fouvrage chez M. Bernard, à Ham , où 
j'étais embauché moi-même; c'était uniquement dans la pensée de fui 
rendre service; ce n'est même pas moi, c'est M. Bernard qui lui a 
écrit de venir à Ham.' 

D. Vous avez tenu à Ham , pendant que vous y étiez , les propos 
les plus odieux : vous -avez dit notamment qu'il fallait descendre 
Louis-Philippe ; il y a sur ce fait des témoignages positifs. 

R. Jamais je n'ai tenu de semblables propos. Pour s'occuper de 
politique, il ne faut pas avoir le travail en tête, et vous pouvez de- 
mander chez tous ies maîtres où j'ai travaillé si je n'étais pas unique- 
ment occupé de mon travail. 

D. Si 9 comme vous le dites, vous ne vous occupez pas de poli- 
tique, comment se fait-il que vous fussiez connu parmi les ouvriers 
sous le nom de Révolution? 

R. Je n'étais pas connu sous le nom de Révolution; mais sous 
celui de République. Ce nom-là m'avait été donné il y a huit ans, 
dans l'atelier où j'étais en apprentissage, parce que, dans ce temps-là, 
je portais une casquette rouge, et ïe nom m'en est resté; cela ne 
tenait pas du tout à l'opinion : et, la preuve, c'est qu'il n'y a que 
les anciens ouvriers qui m'ont connu autrefois , qui m'appellent de 
ce nom-là. 

D, Vous êtes si bien de la société des Communistes que je vais 
vous représenter un règlement de cette société qui est écrit en entier 
de votre main. 

Représentation faite d'un écrit commençant par ces mots : Citoyens, 
Jusqu'ici la règle de nos devoirs. . . et finissant par ceux-ci : par 
ceux qui, à l'avenir, seront affiliés. Le prévenu dit : Je puis vous 
assurer^que ce n'est pas mon écriture 

D, Cette pièce a été comparée à d'autres pièces écrites par vous 
Interrogatoires. 90 



154 INTERROGATOIRES 

et le& experts n'ont pas eu le plus petit doute sur rideutité des deux 
écritures ? 

R. Je ne sais pas cela. 

D, Savez-vous où cette pièce a été saisie ? 
R, Non , Monsieur. 

D, Elle a été saisie chez Darmès, qui était comme vous de fa 
société dont cette pièce contient le règlement ? 

R. Je n'ai aucune connaissance de cela. 



DE BOUGE. ISfi 



INTERROGATOIRES DE BOUGE. 

Bouge dit\e Gros- Joseph (Joseph-Bominique), âge de 41 ans, 
ouvrier ^mécafiicièfi , fié à Maubeuge (Not'd), demeurant à Pa- 
ris, rue du Roi-de-Sicile, n"" iâ, 

f interrogatoire subi, le 39 janvier 1841, devant M. Zangiacomi , Jugfè d'instruction 
de'ie'gue', et confrontation de cet inculpe avec Pinculpe Borel. 

• D. Depuis combien de temps habitez-vous ce domicile ? 
R, Depuis le 8 de ce mois. 

D. Où habitiez-vous auparavant? 

R, Je demeurais rue du Faubourg-Saint-Martin, n* 2 5. 

D. A quel étage? 
R. Au troisième. 

D. Pendant que vous habitiez rue du Faubourg-Saint-Martin, 
n avez-vous pas travaillé pour le chemin de fer de la rive gauche de 
ia Seine? 

R, Oui, Monsieur; il y a trois mois environ. 

D. N avez-vous pas cherché à y prot^urèr de fourrage à un cer- 
tain mécanicien? 

R, Oui, Monsieur. Un jour, il y a trois mois à peu près, jai ren- 
contré dans la rue du Faubourg-Saint-Martin un mécanicien dont je 
ne sais ni le nom ni l'adresse, qui m entendit dire à quelqu'un avec 
qui je causais que jetais mécanicien ,'* que je travaillais à la rive 
gauche, mais que je n'y retournerais pas parce que c'était trop 
loin. Alors il me proposa de lui procurer ma place et nous sommes 
allés ensemble aux ateliel's de la rive gauche, mais il rfy a point été 
admis. 

so. 



156 INTERROGATOIRES 

D. duel est le signalement de cet individu ? 

R. II ma fait l'eflfet d être plus grand que moi et d!étre un peu 
voûté; il est pâle de figure ; il n'est pas gras; je ne me rappelle pas bien 
son vêtement. 

Et aussitôt nous avons fait avancer devant nous le nommé Borel 
et lavons mis en présence du nommé Bouge, qui a dit : 

Je ne reconnais pas bien ce monsieur; il navait pas de barbe 
comme aujourd'hui; néanmoins je ne dis pas que ce n'est pas lui; 
c'est bien un homme de cette taifle-fà. 

Ayant tait i*etirer le nommé Borel nous avons continué d'interroger 
rinculpé Bouge comme suit : 

D. Rappelez-vous mieux dans quelle circonstance vous avez vu 
l'individu qui vient de vous être représenté. 

R, Comme je vous Fai dit , c'est dans la rue. 

D. L'instruction a établi que vous aviez vu la personne que je 
viens de mettre en votre présence chez le nommé Pertes dit Cham- 
pagne, qui demeui*e rue du Faubourg-Saint-Martin ^ 83. 

R. Je ne connais pas Périès dit Champagne. 

D. Pourtant vous êtes ailé chez cet individu, que vous savez fort 
bien être apprêteur de chapeaux. 

A. Je ne connais pas cet homme. 

D. Vous avez fait chez cet homme des expériences de poudre non 
détonnante? 

/?. Je ne connais pas la chimie. 

Z). Il n'est pas nécessaire de conuaitre cette science pour les ex- 
périences qui ont été faites en votre présence chez Champagne , et 
qui consistaient à mélanger de lalun avec de (a poudre ordinaire? 

A. Je ne sais pas ce dont on veut me parler. 

D. Remarquez bien quVn niant des faits qui sont aussi positive- 
ment acquis et prouves, vous donnez a penser que ces expériences 
avaient un but que vous avez intérêt à cacher à la pstice. Je vous 
invite donc à réfléchir à ce qui vous est dit , a la certitude où vous 



DE BOUGE. 157 

devez être que I on a la preuve de ce qui s'est passé entre vous, Borel 
et Pertes, et à abandonner un système de dénégations qui peut faire 
suspecter si gravement vos actes? 

R. Je ne connais pas tout cela , je n ai pas fait d'expériences. 

D. Vous aviez, à cette époque, en votre possession un fusii-canne, 
avec lequel ces expériences ont été faites, et vous savez parfaitement 
que cette arme a été chargée avec une tête de vis et que la poudre a été 
reconnue de peu de portée? 

R. Je ne sais pas ce que cefa veut dire. 

D. Qu'est devenue cette canne ? 

R. Je n'en ai pas à moi ; j en ai eu comme d'autres entre les mains 
parce que, avant juillet et depuis , j'ai travaillé dans cette partie. 

D. Pour qui avez-vous fait des cannes-fusils? 

R, En dernier lieu, et depuis juillet 1 8 3 o , j'ai travaillé chez le sieur 
Lacassagne, qui demeurait autrefois rue du Faubourg-Montmartre, 
n"" 5 bis ; nous y faisions des fusils-cannes. 

D. Ceci explique que vous ayez pu avoir entre les mains une arme 
de cette nature, et confirme d'autant plus les déclarations qui vous 
sont faites. 

R. J'aurais une canne que je ne m'en cacherais pas. On peut bien 
avoir une arme chez soi. 

D, Voici deux tubes qui ont été ce matin saisis chez vous et qui 
sont chacun revêtus d'une culasse et percés d'une lumière : ces deux 
tubes sont, sans doute, les fragments de la canne-fusil que vous avez 
portée chez Pertes, et qui a servi aux expériences? 

R. Ces deux tubes n'ont jamais été liés entre eux; ce sont deux 
bouts de ferraille. 

D. Dans l'état où ils sont, et tels que vous les avez façonnés, ils for- 
ment deux petits canons; quelle devait en être la destination? 

R. J'ai été volé il y a quatre ans , et j'avais eu l'idée d'adapter a 
ma serrure ces deux canons ou de les faire correspondre à.ma serrure 



1 58 INTERROGATOIRES 

par un moyen mécanique de manière qu'ils pussent blesser cenx qui 
entreraient dans ma chambre. 

D. Où demeuriez-vous quand vous avez été volé? 
R, Rue de Montmorency, n** 4 5. 

D, Ayant changé de domicile vous ne pouviez pas naturellement 
ptMîser que vous seriez l'objet d'une seconde soustraction. 

R, Cela aurait pu arriver encore. 

/J. Où sont les antres pièces de la batterie?. 

R, Elle n'était pas encore fiiite; d'ailleurs j'ai réfléchi que je pour- 
rais me frapper moi-même, et j'ai laissé cela là. 

D, Avez-vous parlé à quelqu'un de ce projet? 
R, Oui, Monsieur. 

D. A qui ? 

R, Quand j*ai été volé, il y a 4 ans, j'ai dit dans les ateliers que 
je ferais une mécanique quelconque pour tâcher de tuer lés volçurs 
s'il en venait encore chez moi , mais je ne l'avais pas encore faite. 

D. Quand avez-vous fait ces deux tubes ? 

R. Il y a deux ou trois ans que j'ai fait ces deux canons. 

D. Je vous fais observer que le travail en serait rouiitë s'il y 
avait deux ou trois ans qu'ils étaient faits. 

R, Je les ai gardés dans une commode. 

D, Uun est terminé et lautre ne l'est pas, ce qui anoon^ que 
vous vous en occupiez actuellement? 

R, Je les avais laissés là. 

D. Où avez-vous acheté ces tubes? 

/î. Rue de Lappe , chez un ferrailleur dont je ne sais ni le nom 
ni l'adresse. 

D, Je dois vous faire remarquer que la présence à votre domi- 
cile de ces deux armes suspectes, rapprochée des expériences de 
poudre que vous avez faites et que tous déniez, rapprochée sur* 



DE BOUGE. 159 

tout de vos rapports avec Borel et Pertes dit Champagne, que 
vous prétendez ne pas connaître, autorisent contre vous de très- 
graves soupçons dans les faits imputés à ces deux individus. C'était 
dans la vue d'un attentat contre la personne du Roi que vous ave^ 
fabriqué ces canons? 

R. li iaut que quelqu'un m'en veuiiie pour avoir dît cefa. 

D. On a saisi chez vous les livres que je vous représenté? 
R. Oui , Monsieur. 

D. Le Voyage en l carie , écrit communiste, révèle suffisamment 
la nature de vos opinions. 

R, Je l'ai acheté sans le connaître, et par occasion, chez un 
marchand de vins. 

D, Voici aussi un iivre intitulé : Chansons républicaines; de qui 
tenez-vous ce livre? 

R. Je Tai trouvé dans la rue. 

D. Quel est cette lettre signée Elisa Beaumonê, que je trouve 
parmi vos livres? 

R. Je l'ai trouvée dans la rue : elle e^ en anglais , et je o ai pas 
pu la lire ; d'ailleurs , elle ne m'est pas adressée. 

D, D où connaissez-vous le nommé Couriait? 
R. Je ne le connais pas. 

D. Vous êtes signalé comme étant en rapport avec ce nommé 
Courtait, comme membre des Sociétés sea^èies, avec Périès dit 
Champagne , i'un des chefs communistes, et comme étant affilié 
vous-même à cette association? 

R, Je ne fais point partie des sociétés. 

D. Chez qui travaillez-vous actuellement? 

R. Chez le sieur Durand, et j'y travaille depuis deux ou tr'Ms 
mois environ. 

Ici nous avons fait ramener dans notre cabinet le nommé Borel , 
et nous lui avons demandé dans quelles circonstances ii avait connu 



/ 



160 INTERROGATOIRES 

le noninié Bouge, que nous fui mettions en sa présence. Le notBmë 
Bord a dit : 

Je ne sais pas le nom de cet individu ; je sais seulement qu'il est 
mécanicien et que je l'ai vu chez Pertes dit Champagne , comme je 
vous l ai dit. C'est celui-ci qui le connaît. Monsieur n'a pas cherché à 
me faire du mal, puisqu'il a voulu me procurer de l'ouvrageau chemin 
de fer de la rive gauche. 

Le nommé Bouge persiste à dire qu'il ne reconnaît pas la personne 
que nous mettons en sa présence. 



i« interrogatoire subi par Bouge, le 19 février 1841, devant M. ZAngiacomi, 

Juge d'instruction délègue'. 

D, Pouvez-vous indiquer précisément fendroit que vous habitiez 
lorsque vous fûtes, comme vous le prétendez, victime d^une sous- 
traction frauduleuse? 

R. C'est, comme je vous l'ai dit, rue de Montmorency. Je me 
rappelle maintenant que c'est n"* 4 5 . 

D. Où demeuriez-vous lorsque vous avez confectionné les batte- 
ries des canons saisis chez vous? 

R, Je demeurais rue de Montmorency : il y a deux ans que j'ai 
quitté cet endroit. 

D, Je dois vous faire connaître qu'il a été déclaré, par un homme 
de l'art , que le travail de ces batteries était tout récent. 

R. Cela est resté propi'e , mais n'est pas récent. 

D, C'est, au contraire, à une époque très-rapprochée que vous avez 
fait ce travail? 

R. Primitivement, j'avais, comme je vous l'ai dit, eu Fidée de 
faire une batterie pour les voleurs ; mais j'avais renoncé à cette idée^ 
là , de peur de me frapper moi-même. 

Depuis, j'ai en la pensée de faire une batterie pour tirer les 



D£ BOUGE. 161 

corbeaux dans les neiges; mais jai eu une autre inquiétude, cest 
qu on crût que je faisais une machine infernale, et que Ton me 
prît pour cela : cest pour cette raison que je n ai pas voulu con- 
tinuer. 

D. De combien de canons se serait composée cette machine? 
R, Des deux seulement que l'on ma saisis. 

D. Combien aviez-vous de cheminées pour les batteries? 
A. Je n'en avais qu'une, puisqu'une seule est placée. 

D. Pourtant on en a encore trouvé hier deux autres dans votre 
appartement. 

R, Cela ne dit rien. 

D. Cela dit au contraire qu'il devait y avoir au moins trois ca- 
nons , puisque l'un des canons en est déjà pourvu d'une , et que deux 
autres étaient encore chez vous. 

Et aussitôt nous avons levé le scellé apposé sur un paquet dé- 
signé comme contenant des objets saisis, le 1 1 courant, au domicile 
du nommé Boiige. 

Il a reconnu que tes cheminées qui sy trouvaient lui apparte- 
naient, et il a prétendu que l'une d'elles ne valait rien, et qu'il aurait 
mis celle qui eût été bonne^ 

D. Voici treize balles de petit calibre que Ton a saisies chez vous; 
à quoi les destiniez -vous? 

R, C'était pour fondre ; elles proviennent d'une vieille draperie 
de lit. 

D, N'était-ce pas plutôt pour charger votre canne-fusil ? 

R. Je n'avais pas de canne-fusil. 

D. Périès et Borel déclarent positivement que c'est vous qui aviez 
apporté la canne-fusil qui a servi à l'expérience de la poudre de 

Borel? 

R. Que voulez-vous que je fasse, si ces honunes ont intérêt à me 

perdre ? 

Intbrrogatoirbb. ti 



lOî INTERROGATOIRES 

D. n parait que cest vous qui avez intérêt à dissimuler la vérité, 
car vous êtes en désaccord formel avec eux. 

R. Je ne sais pas ce qu'ils veulent me dire. 
D, Ainsi vous niez toujours connaître Périès dit Champagne? 
^R. Je ne connais pas. 



DE ROBERT. * 1«3 



INTERROGATOIRES DE ROBERT. 



Robert ( Jean ) , âgé de 32 ans, teinturier, né à Maison-Réale 
, ( Basses- Alpes ), demeurant à Paris, rue des Cinq-Diamants , 
n'9. 



V^ inlerrogatoirc subi le S 4 décembre t840, devant M. ZaogÎAComi, 

Juge d'instractioD délègue'. 

DT Depuis combien de temps êtes-vous à Paris ? 

R, II y a huit ans. J'hnbitais, avant d'y venir, mon pays natal, où 
jetais instituteur pendant l'hiver. Lorsque j'arrivai à Paris, je m'y 
établis teinturier-dégraisseur, rue du Faubourg-Poissonnière, n* 68. 
N ayant pas réussi, je vendis mon fonds à un nommé Dutertre, qui 
a fait de mauvaises affaires, et depuis trois ans je suis ouvrier chez 
des teinturiers-dégraisseurs. Je travaille en ce moment chez la dame 
Médal, rue du Faubourg-Saint-Martin, n* 3 5. 

D. D'où connaissez-vous le nommé Considère? 
R. Je ne le connais pas. 

D. Cependant vous avez été vu chez cet individu , à Montmartre ? 

R. Je réponds que je n'y suis pas allé, puisque je ne le connais 
pas. 

D, Vous y avez été vu avec le nommé Darmès? 

R, La première fois que j'ai connu son nom , c'est sur le Siècle, 
après l'attentat. 

D. Vous connaissez le nommé Simard? 
R. Oui, Monsieur. 

D. Où i'avez-vous vu? 

R. Je le connais par sa femuie. 

«1. 



164 INTERROGATOIRES 

D. Je vous demande où vous lavez vu? 

R. Je ne me le rappelle pas; mais je le connais particulièrement, 
puisque je suis le parrain de son (ils. 

D, Ainsi cet homme ne peut se méprendre sur votre identité, et il 
vous connaît de son côté; il ne saurait vous prendre pour un autre. 

R. Oui, Monsieur, il me connaît bien. 

D. Sùnard Aéçhse vous avoir vu chez Considère, à Montmartre. 

R. Je n'y ai jamais été, je ne le connais pas. 

D. Pourquoi, à une époque récente, avez-vous cherché à vous 
procurer des caractères d'imprimerie? 

R. Je n ai pas cherché à m en procurer. 

D. A cette époque, vous avez dit que vous étiez engagé dans une 
affaire grave et que vous jouiez votre tête ? 

R. Je n'ai jamais parlé de cela. 

D. Vous avez également dit que vous vouliez faire confectionner 
des fusils-cannes, pour atteuter à la vie du Roi? 

R. Je n'ai jamais parié de cela. 

£). Vous avez été vu souvent chez le sieur Boutteville, aux TiK)is- 
Couronnes; qu'alliez- vous faire dans cet endroit? 

R. Je n'y ai jamais été. 

D. Vous êtes signalé comme l'un des m)embres les plus ardents de 
la société des Communistes ou travailleurs ; vous avez eu des rapports 
avec Darmès ; vous venez de nier tout à l'heure des faits qui sont 
acquis à ia procédure , et ces dénégations mensongères prouvent que 
vous n'êtes point sans intérêt dans cette affaire. Votre conduite sera 
examinée sous ce rapport par la justice. 

Pas de réponse. 

Liecture faite a persisté , et n'a voulu signer; et , avant qu'il ne sortît , 
nous avons fait entrer le nommé Simard, et nous lui avons dit : Re- 
connaissez-vous le nommé Robert, ici présent? 

R. Oui, Monsieur; c'est le teinturier-dégraisseur dont je vous ai 



DE ROBERT. 165 

parle. Je suis allé avec lui deux fois chez Considère; nous y avons vu 
Darmès, comme je vous i ai dit. Robert a engagé avec ce dernier ia 
conversation sur 1 abolition de Targent. Je me rappelle que ce jour-là 
se trouvaient, avec Darmès, le cocher de cabriolets que je vous ai 
signalé et un petit jeune homme de vingt à vingt-deux ans ou vingt- 
trois ans, bien hal^illé, ayant un paletot et un gilet rouge. Darmès , 
qui était avec ces deux pei*sonnes, parla plus, ainsi que les deux autres, 
avec Robert qu'avec moi. Darmès lui dit : Vous êtes bien plus avancé 
en raisonnement que nous autres et vous devez avoir des livres qui 
traitent de ces matières. Cest alors que j'offris: Ni Châteaux ni 
Chaumières, et c'est ainsi que Darmès a été amené à venir à ia 
maison. 

D. La conversation n a-t-elle pas porté sur une autre question 
que sur celle de l'abolition de l'argent? 

à 

R. Je vous promets que je ne m'en rappelle pas un seul root. 

D. La question d'abolissement de l'argent entre pour fort peu 
de choses dans l'écrit : Ni châteaux ni chaumières; et, pour être 
conduit à offrir cet ouvrage, que vous aviez lu, il fallait qu'il fût 
question dans cet entretien d'une autre matière. N'était-ce pas la 
communauté des biens? 

R. C'était bien toujours sur ia communauté, mais je ne me 
rappelle pas ce que l'on en a dit. 

D. Depuis, vous avez \u Robert chez Considère? 

S. J'y suis retourné une fois avec lui, mais Darmès n'y était pas. 

D. Qu'y avcz-vous fait cette seconde fois? 

R. Nous n'avons fait qu y boire. Je crois que Considère n'y était 
pas. La première fois, Robert ne m'a pas paru avoir de conversation 
avec Considère, je crois qu'il lui a seulement dit bonjour. 

D. Et vous ne savez pas s'il le connaissait? 

R. Non, Monsieur. 

D. Vous avez été fort lié avec Robert, et vous avez dû savoir 
quelque chose des mauvais projets qu'il a pu nourrir contre la per- 
sonne du Roi ? 



IM INTERROGATOIRES 

^ R. Je vais vous dire la vérité .... On me sait indiscret , on smi 

que je bois quelquefois, et qu'alorst je parle^trop; dé sorte que, 
si on avait eu quelque chose en train , on ne me l'aurait pas dit. 

D. Vous supposez donc que Robert aurait pu être pour quelque 
chose dans certains projets plus ou moins graves ? 

R. Je ne sais pas si Robert fait partie de sociétés secrètes ; mais 
je sais qu'il est communiste; je sais aussi qu'il est bavard, et |*ai 
souvent entendu des hommes lui en faire le reproche. 

Nous avons fait extraire le nommé Duclos, et l'avons mis en présence 
du nommé Simard, qui a dit : C'est bien là la figure du cocher de 
cabriolet qui était avec- Darmès; seulement cet homme n'était pas 
habillé comme aujourd'hui : il avait une blouse ^t une casquette; 
je remarque aussi que ses cheveux étaient moins longs. 

Duclos dit ne pas connaître le nommé Simard. 

Représentation faîte du nommé Racarie, le nommé Simard dit 
ne pas le reconnaître pour le jeune homme de vingt à vingt-deux 
ou vingt-trois ans , vêtu d'un paletot et d'un gilet rouge , qui se trou- 
vait avec Darmès et le cocher. 

D. Je reviens encore à ce que je vous ai dit sur les sociétés 
secrètes, dont on vous inculpe si sérieusement de faire partie; et ce 
qui le prouve, c'est que vous avez récemment annoncé qu'elles allaient 
se centraliser, et qu'avant trois mois le Gouvernement serait renversé? 

R. Je vous jure que je n'ai pas parlé de cela, et que je ne sais rien 
sur les sociétés secrètes. 



%^ interrogatoire subi par Robert, le 94 décembre 1840» devant M. ZaainaoMni , 
|uge d'instruction délègue, et confrontation de cet inculpe avec le témoin Pagard, 

« 

Et aussitôt nous l'avons mis en présence du nommé Fagard, et 
avons demandé à ce dernier s'il le reconnaissait pour l'individu cm'il 
avait vu avec Darmès au moment de son attentat, il a répondu né- 
gativement. 

Lecture faite , le nommé Fagard a seul signé avec nous et le 
greffier, Robert ne le voulant. 



DE ROBERT. 167 

3' interrogatoire subi par Robert y le 19 février 1841 , devant M. Zangiacoroi , juge 
d'instruction dele'gue' , et confrontation de cet inculpe' avec le témoin Simard et 
l'inculpe Darmès, 

Nous avons fait amener devant nous , étant à la Conciergerie avec 
le comparant, le nommé Robert, et nous avons interpellé le sieur 
Simard de nous déclarer sil reconnaissait l'individu ici présent pour 
setre trouvé avec lui et Darmès chez Considère. 

9 

Simard répond affirmativement. 

Robert dit alors : Je me suis en effet rappelé depuis mon interro- 
gatoire avoir été deux fois à Montmartre vers ie printemps dernier. 

D. A Robert: N'y avez-vous pas eu, avec certains individus, une 
conversation sur la communauté et sur Fabolition de Fargent ? 

R, J ai parié philosophiquement du Voyage en Icarie. 

/ 

D. Toujours au même : Et vous ne vous rappelez pas les personnes 
avec qui vous étiez? 

R. Non , Monsieur ; je ne connaissais pas les autres. 

D. N'a-t-il pas été question de l'ouvrage intitulé : Ni Châteaux ni 
Chaumières ? 

R, Je ne pense pas en avoir parlé. 

D. N avez-vous pas revu depuis ces personnes-là? 

R. Non , Monsieur; je ne me le rappelle pas. 

Lecture faite , chacun a persisté en ce qui le concerne et a signé. 

Et, le même jour, nous avons fait entrer le nommé Darmès, Si- 
mard s'étant retiré; et l'avons mis en présence du nommé Ro- 
bert, et avons demandé à ce dernier s'il le reconnaissait. H a dit 
ne pas ie reconnaître, ajoutant: et Je ne dis pas que cet homme ne 
ctfût pas chez Considère quand j'y ai été, mais je ne le reconnais pas>>. 

Darmès, de son côté, dit ne pas reconnaître le nonuné Robert. 



1^8 INTERROGATOIRE 



INTERROGATOIRE DE GUERET. 



GuÉRET (Louis-Georges), âgé de 25 ans, né à BclIe-IsIc-en-Mer, 
ébéniste, demeurant à Paris, rue Saint-Gervais , rC i^. 



Interrogatoire subi, le 19 janvier 1841, devant M. Zangiacomi , Jage «Tinstruction 

de'Iegue'. 

D. Vous êtes connu sous le nom du GrandrLouis? 
R. Je n'ai pas de sobriquet. 

D. D'où connaissez-vous le nommé Borel? 
R. Je ne le connais pas. 

D. Et le nommé Périès dit Champagne ? 
R. Je ne le connais pas. 

D. Et le nommé Rosier ? 
R. Je ne le connais pas. 

D. Ces hommes appartiennent comme vous au comité directeur de 
la société des Communistes, à laquelle vous êtes inculpé d'être affi- 
lié, et dans laquelle vous avez même le grade d agent révolution- 
naire? 

R. C'est faux. 

D. En cette dernière qualité., vous avez connu le nommé Dar* 
mes 7 

R. Non, Monsieur. 

D. H y a plus , vous connaissiez même le projet qu'il avait d'atten- 
ter aux jours du Roi ? 

R. C'est également faux. 



DE GUËRET. 160 

D, Vous fré(|uentiez rétablissement du nommé Considère, à 
Montmartre? 

R, Je ny^uîs jamais allé une seule fois, et je défie qu'on puisse 
me le prouver. 

, D. Vous avez assisté au banquet de Befleville? 

R, Je n ai assisté qua celui où MM. Lafitte et Arago se sont trou- 
vés; cest le premier qui s est donné. 

D. Votre participation dans la société des Communistes, avant les 
coalitions d ouvriers; votre conduite dans ces affaires; le rôle que 
vous avez joué lors de lattaque du poste Mauconseil; les menées aux- 
quelles vous vous êtes livré depuis votre sortie de prison, en octobre 
dernier; l'organisation que vous avez depuis lors donnée à fa société 
des Communistes; le grade que vous y occupez , et vos rapports pré- 
sumés avec Daîvnès, communiste comme vous, donnent lieu aux 
poursuites nouvelles dont vous êtes l'objet, tant pour complicité avec 
cet individu que pOur affiliation à une association illicite. 

R, Je nie faire partie d'aucune association : je me suis trouvé à un 
banquet ; j'ai signé la pétition de la réforme électorale ,* mais je me 
suis toujours tenu dans la légalité. 

Nous mentionnons ici que l'inculpé avait d'abord répondu aflSrma- 
tivement à la question que nous lui avions faite s'il était connu sous' 
le nom de Grand-Louis, et que c'est lors de la lecture du présent 
interrogatoire qu'il a demandé à rectifier cette première décla- 
ration. 

Lecture faite , a refusé de signer. 



Intberogatoubi. 99 



t7<» INTERROGATOIRES 



INTERROGATOIRES DE BELLEGUÏSE. 



Belleguise (Etienne-Alexandre), âgé de 50 ans, né à Sainte- 
Marguerite - de - l'Hôtel , canton de Breteuil (Eure), charron, 
demeurant à Paris , rue de la Tour^ Auvergne ,fC 3^ 



f înterrogatoire subi, le SO janvier 1841, devant M. Zangiacomi, JugecPinstructios 

délégué. 

. D. Depuis quand habitez-vous dans cette rue? 

/2. Il y a deux ans que j y habite avec ma femme et mes deux filles 
Jy ai pour 300 francs de loyer. 

JD. Etes-vous établi comme charron ? 

A. Non, Monsieur; je suis ouvrier, et depuis le 14 décembre je 
travaillais aux ateliers de charronnage de la butte Saint-Chaumoat. 

E^. Où travailliez-vous avant le 14 décembre? 

R. Avant cela, et à partir du lo octobre, autant que je puis le 
croire , j'avais entrepris la fourniture des brouettes pour les forts dé- 
tachés; à partir de cette époque, j'ai travaillé chez Degré ^ rue de 
Milan, n"" 2, à confectionner les brouettes; cW lui qui me fournis- 
sait le bois et le chantier. J'ai livré successivement ces brouettes jus* 
qu'au nombre de cent, et je dirigeais moi-même ces travaux. Je tra- 
vaillais chez Degré, et avec un nommé Bourgouin. 

D. Ainsi , à partir du 1 octobre , vous passiez vos journées chez 
Degré , à confectionner ces brouettes? 

R. Oui, Monsieur. 

D. Cependant, le 15 octobre, dans f après-midi, entre cinx} et six 
heures , vous n'étiez pas rue de Milan ? 



DE BELLE6U1SE. 171 

R. Cela est vrai; jetais ce jour-là auprès du cimetière de Montmar- 
tre, dans le chantier que M. Degré possède en cet endroit. 

D. Comment savez-vous prëcisëmeut que le 1 5 octobre vous étiez 
dans cet endroit? 

B. C'est que ce jour-là, comme les autres, je travaillais toujours 
dans le chantier de M. Degré , extra mutos. 

Z). Où îivez-vous appris iattentat commis sur la personne du 
Roi ? 

/?. Le lendemain même, chez un marchand de vin situé au bout 
du chantier de M. Degré , et par le fils même, qui m'en a parlé. 

D, Précisez davantage avec qui vous ti*availliez quand ce crime 
a été commis ? 

R, Avec le nommé Bourgouw , qui demeure rue Jessaint, à La 
Chapelle; le deuxième était un sieur Joseph, charron, dont je ne 
sais pas ia demeure; le troisième, un npmmé Tourangeau, charron, 
qui travaille depuis huit jours à la butte Saint-Chaumont. 

D. Le i 5 octobre, entre cinq et six heures, vous avez été vu sur 
fa place de la Concorde ; qu'y faisiez-vous ? 

R. Je vous promets, sur ma tête et sur mon existence, que je ny 
étais pas. 

D. Vous êtes signalé non-seulement comme vous étant trouvé 
sur la place de la Concorde le 15 octobre, au moment où Darmès 
a commis son crime, mais encore comme l'un des chefs de la société 
communiste, à laquelle appartient cet individu? 

R. Je suis blessé de ce que Ton peut me croire complice dToii 
homme qui a attenté à la vie du Roi, car je crois que personne n'a 
ie droit d'attenter à ia vie d'un autre individu, et je suis un homme 
moral qui n'aime pas le sang. J'ai toujours protesté , et je protes- 
terai toujours de ces principes ; je ne fais pas non plus partie des 
sociétés secrètes. 

D, Je vous fais observer que vous ne mettez pas ia même as- 
surance à repousser cette imputation de faire partie des sodétës 
secrètes ? 

st. 



172 INTERROGATOIRES 

/?. Je n en suis pas plus que dans ces choses-îà. 

D. Pourtant, on a trouvé chez vous tous les écrits qu'on rencontre 
chez les hommes qui appartiennent à ces sociétés? 

R, Je ne me rappelle pas de qui je tiens tous ces écrits, mais j'ai eu 
TAlmanach populaire on Journal du Peuple; j'ai eu la Tribune du 
Peuple , de PiHot. 

D. Vous connaissiez* donc cet individu? 

é * 

R. Oui, Monsieur; je fréquentais son église quand il chantait la 
messe. 

D. Vous lavez revu depuis? 

R. Oui, Monsieur, et je suis allé à son domicile pour chercher des 
brochures. 

D. Vous êtes aussi allé à son banquet? 
R. Oui, Monsieur. 

D. Qui vous avait donné un billet pour ce banquet ? 
R. Cest un garde national que je ne connais pas. 

D. En outre, on a trouvé chez vous , écrites de votre main, diverses 
phrases que je vous représente, sur le principe de la communauté ? 

R. C'est moi qui ai écrit cela, mais je l'ai copié sur un écrit que 
j'ai trouvé. 

D. Vous connaissez un nommé Lemprun ? 

R. Je ne le connais qu'indirectement, pour l'avoir vu au banquet 
de Belleville , où il recevait les billets : il y était en garde national: 

D. Vous connaissez également le nommé Considère ? 

R. J'ai vu son nom sur le joiunal, et parce qu'il a été arrêté avec 
sa mère et sa femme. 

D. Comment avez-vous si bien remarqué le fait de ces trois ar- 
restations ? 

R. Cela m'a frappé à cause de l'âge de sa mère 







DE BELLEGUrSE. 173 

D. II est à notre connaissance que vous êtes ailé chez Considère, 
et que vous y avez tenu des propos sur un dépôt de fusils sur lequel 
vous avez dit qu'on pourrait mettre la main ^ en cas d'insurrection ? 

R. Je ne suis jamais hllé chez Considère et je ne sais pas de quoi 
vous voulez parler. 

D. Vous avez vu, chez Considère un nommé Borel, dont voiis 
devez parfaitement vous souvenir ? 

R, Je ne connais pas cet individu. 

D, Pourtant il vous connaît parfaitement, car il sait très-bien votre 
domicile et votre profession ? 

R, Jamais je n'ai entendu parler de ce nom-là. 

D, D'où connaissiez-vous Delignyl 
R. Je ne le connais pas. 

D. Vous niez tous les faits qui vous sont prouvés par l'information , 
et je vous engage à réfléchir davantage dans vos réponses? 

R. Quand un homme dit la vérité, il ne peut pas réfléchir plus 
longtemps. 

D. Vous serez poursuivi tant ^ raison des présomptions de compli- 
cité qui s'élèvent contre vous dans l'attentat de Darmès, que pour 
votre affiliation déjà positivement établie dans la société des Com- 
munistes? 

R. Je n'ai rien à me reprocher. ' 

Lecture faite, l'inculpé a persisté et a signé avec nous et le greffier; 
et, après avoir signé la première page, l'inculpé a dit qu'il craignait 
d'approuver par sa signature les questions que nous lui avons adres- 
sées, et qu'en conséquence il ne voulait pas signer davantage. 

â' intcriogatoire subi par Belleguise, le S7 janvier t84t , devant M. le Chancelier de 
France, Président de la Cour des Pairs, accompagne' de M. le baron Girod (de 
TAiii) , Pair de France. 

D. Vous savez qu'il résulte d'une déclaration formelle, que vous 
faites partie de la société communiste ; que vous y avez même un grade 






174 INTERROGATOIRES 

assez élevé; que vous avez parlé d un dépôt d armes sur lequel ii serait 
facHe^ en certains cas, de mettre la main; vous avez ajouté que ces 
fusils n avaient pas de pierre. Vous étiez en relation avec Darmès; on 
a trouvé chez vous des écrits qui prouvent votre aifîliation aux socié- 
tés secrètes; vous êtes convenu vous-même que vous connaissiez P(^- 
lot, {un des chefs de la société Communiste. Je vous fais observer 
qu'en présence de tous ces faits , ii est impossible de ne pas croire 
que vous jouez un rôle important dans ia société Communiste. Vos 
dénégations à cet égard ne feraient qu'ajouter à votre culpabilité ? 

R. Je défie qu'aucune personne puisse dire que j'aie été le moins 
du monde dans ces. affaires-là. J'ai été amateur des idées comme les 
autres; les journaux avaient tant parlé de tout cela. Que vous dirai-je, 
moi? ce banquet, auquel j'ai assisté, on disait que M. Laffitie, que 
d'autres Députés devaient y assister; j'ai voulu voir cela; mais quand 
je suis entré, je n'ai vu que des officiers de la garde nationale; je n'y 
connaissais personne. 

D. II ne s'agit pas seulement du banquet de Belleville, il s'agit de 
votre participation à l'attentat de Darmès et du rôle actif que vous 
jouiez dans la société ? 

R, Je suis innocent de ces affaires-là ; je ne me suis jamais mêlé 
de choses pareilles. 

D. Vous persistez à ne pas vouloir répondre autrement que vous 
ne Favez fait jusqu'ici? 

R. Je ne peux pas vous parler de choses auxquelles je n'entends 
rien. J'ai vu qu'il était question des communistes dans le petit prospec- 
tus qui a été saisi chez moi ; mais je ne connais pas leur objets 

D. Vous êtes particulièrement signalé pour vous être trouvé le 
15 octobre sur la place de la Concorde, attendant lel'ésultat de fat* 
tentât de Darmès. 

R, Je n'ai rien à répondre. Quand les choses ne sont pas à ma coo- 
naissance, je n'ai rien à répondre. Le 15, jai travaillé à mes brouettes, 
puisque je devais en livrer cent pour le 20 ; et même je n'ai pas pu les 
livrer pour le 2o, elles ne loni été que le 25. 

' D. On peut parfaitement travailler à des brouettes, et trouver une 
heure pour assister à un mauvais coup. 




DE BELLEGUISE. X76 

R. Ce que je peux vous dire , c'est que je suis innocent de tout ce 
que vous me dites là. 

D. Non-seulement vous êtes de la société Communiste , et vous en 
êtes l'un des chefs , mais vous faites plus particulièrement partie d'une 
fraction de la société qui est plus prête à agir que fes autres. 

R. Je n'ai rien à répondre , si ce n'est que cela n'est pas vrai. 

Lecture faite, a déclaré qu'il ne pouvait signer une chose dans fa- 
queHe on l'accusait de ce qu ii n'a pas (ait. 






176 INTERROGATOIRES 



INTERROGATOIRE DE MARTIN dit ALBERT. 



Martin ( Albert-Alexandre) dit Albert, âgé de Zô ans, mécanicien, 
ne àBury (Oise), demeurant à Paris, rue Vieille-du^-Temple^ rfISI. 



f' interrogatoire subi, le 7 janvier 1841, devant M. Zangiaconii, Juge d'instruction 

délègue'. 



D. Vous reconnaissez les brochures que je vous représente pour 
avoir été saisies cliez vous ? 

R. Oui, Monsieur. 

D, Que faites-vous d'un si grand nombre d'exemplaires des mêmes 
imprimés? 

R. Quand je trouvais a les placer, je le faisais, parce que j'étais 
sans ouvrage. 

D. D'où connaissez-vous le nommé Aimé Borel, mécanicien? 
R. Je ne le connais pas. 

D. Pourtant cet homme a couché chez vous? 

R. Je ne le connais pas, ainsi il napas couché chez moi. 

D. Vous connaissez cet individu sous plusieurs rapports, et sur- 
tout pour appartenir comme vous aux communistes? 

R. Je ne sais ce que vous voulez dire. 

D. La preuve que vous appartenez à la société des Communistes 
résulte, non-seulement des renseignements acquis par l'information, 
mais même des écrits qui ont été saisis chez vous? 

R. Ces écrits ne sont pas prohibés. 

Lecture faite , n'a voulu signer. 



DE MARTIN DIT ALBERT. 177 



S* interrogatoire subi, par Martin , ie 9 feVrier 1841 , devant M. le Chancelier de 
France, Pre'sident de la Cour des Pairs, et confrontation de cet inculpe' avec 
l'inculpé Borel. 

D. Persîstezrvous toujours à dire que vous ne connaissez pas 
Borel? 

fi. Je ne le connais pas, du moins sous ce nom-ià. 

D. Je ne sais sous quel nom vous pouvez ie connaître , mais ii ne 
parait pas qu'il se fasse appeler d'un autre nom que du nom de Borel. 
Votre logeur déclare qu'il a vu souvent cet individu venir chez vous, 
et qu'il lui a remis voire clef plusieurs fois , avec votre autorisation , 
pour qu'il put passer la nuit chez vous pendant que vous étiez chez 
votre maîtresse? 

R. Si je le voyais, il est possible que je le reconnaisse. Quelle 
partie fait-il? 

D. C'est un mécanicien comme vous. Au reste, si vous avez donné 
asile à Borel c'est qu'il était comme vous de la société Communiste et 
que vous saviez qu'if était fort compromis dans ce moment-ià? 

R. Je ne sais pas si Borel fait partie de la société Communiste ; 
mais, quant à moi, je n'en suis pas. 

D. Vous connaissez aussi VcUentin Duclos, propriétaire de ca- 
briolets? 

R. Non, Monsieur, je ne le connais pas. 

D. Vous le connaissez si bien que, depuis que vous êtes en prison, 
sachant qu'il y était aussi , vous avez cherché à vous mettre en com- 
munication avec lui , et vous lui avez crié, de manière à être entendu 
par lui : Ils ne sauront rien, sois trofiguille / Val enfin Duclos^ de son 
côté, a cherché à vous indiquer qu'il vous avait compris^ en frappant 
deux ou trois fois du pied? 

R. Il est bien vrai que j'ai cherché à causer avec un prisonnier 
qui était à côté de moi; je ne savais pas que cela fut défendu, parce 
que c'est la première fois que je suis en prison ; mais je n'ai rien dit 
de ce que f on vous a rapporté. 

Intbrrogatoirbs. ^3 



178 INTERROGATOIRES 

D. Vous prétendez que vous netes pas de la société Comiiiuuiste 
et cependant vous avez , dans cette société le grade d agent révolu- 
tionnaire ? 

R. Je ne connais pas du tout ce titre-là. 

D. Coiume Borel faisait partie de la société et qu'il y avait un 
grade, cela explique votre liaison avec fui. 

R. II est bien vrai que j*avais à la maison des ouvrages qui parlaient 
de la communauté; mars on peut chercher à s'instruire sans; faire pour 
cela pfàTtie de sociétés secrètes. 

/>. Vous étiez donc chargé de la distribution des brochures du 
sieur Cabet; car on en a trouvé chez vous un grand nombre d'exem- 
plaires ? 

R. Je n'étais pas chargé de les distribuer, mais j'en vendais quand 
je trouvais l'occasion d'en vendre , parce que j'avais un bénéfice sur 
la vente. 

£t dç suite nous avons donné l'ordre d'dinaciçr devaul nous le 
nommé Borel, que nous avons interpellé ainsi qu'il suit, en lui repré- 
sentant le pirévenu Martin : 

D. Connaissez-vous k personne ici présente? 
R. Je ne la remets pas. 

Le prévenu Martin dit , en désignant Borel : Je connais cette per- 
sonne sous le nom d'Aimé. 

A Borel: 

D. Maintenant reconnaissez-vous la personne ici présente? 

R. Maintenant, je h rocoAuais. 

D. Vous aveg( été forcé de eoaveuir que vous aviez été cacU pen^ 
dant plusieurs jours dbiez cètto personne. 

R. Je n'^is pas précisément caché. 

D. Enfin, vous avez couché plusieurs fois chez Martin dit Albert? 

R. Oui, Monsieur. 

A Martin dit Albert : 

D. Pourquoi vous êtes-vous obstiné tout à l'heure a nifK co fait! 



DE MARTIN MT ALBERT. 179 

fi. Parce que je ne ie connaissais pas sons le nom de Borel. II y a 
des personnes qui me connaissent sous le nom S Albert, et qui ne 
savent pas que je m'appelle Martin, 

Borel dit : Moi , je ne le connaissais pas sous ie nom de Martin. 

D. Vous deviez vous connaître d'autant plus l'un et f autre, que 
vous faisiez tous deux partie de la société Communiste. Vous, Borel, 
vous avez été obligé de convenir que vous étiez de la société et que 
vous y occupiez un grade. Vous avez dû savoir que Martin dit Albert 
était I un des chefs de la société auquel , dans certains cas, vous pouviez 
être tenu d'obéir? 

m 

Borel dit : Cela, je l'ignore. 

Martin dit ; Moi , je soutiens que je n ai pas fait partie de la société 
Communiste. 

Borel ajoute : Je n'ai jamais eu avec Albert de communications 
relatives à la société. 

A Borel : 

D. Lorsque vous êtes revenu de Ham et que vous avez séjourné à 
Paris , avant de partir pour la Suisse , n'avez-vous pas couché plu- 
sieurs fois chez Albert? 

R. Non , Monsieur; si j'y avais couché cette fois-là, je vous l'aurais 
dit. Je dois dire Cfun* Albert fuî-«éme m'a dit que fêtais un sot de me 
cacher; que c'étaient de faux bruits que Ton faisait courir. 

Albert dit : Je n'ai pas revu monsieur depuis qu'il a couché chez 
moi iors des coalitions d'ouvriers. 

Lecture faite, ont signé. 



93. 



1 80 INTERROGATOIRE 



INTERROGATOIRE DE DELIGNY. 



Deligny ( Aimé-Jean-Déshré- Joseph ) , âgé de 32 ans, fumiste, 
né a Douai (Nord), demeurant a La ChapelleSaint-Denis , 
rue Léon, n* 4. 



Interrogatoire sabi, ie 6 février 1841, devant M. Zangiacomi, Juge cTinstruction 

dele'gne , et confrontation de cet inculpe avec Borel. 

D. D'où connaissez-vous ie nommé Valentin Duelos? 

R. Parce qu'il habite le même quartier que moi; j'y demeure 
depuis trois ans. 

D. B parait que vous fréquentiez Duelos ? 

R. Je n avais pas d'autres relations avec lui que de lui dire : bon- 
jour, bonsoir, quand je le rencontrais. 

D. Vous connaissez aussi un nommé Belleguise, charron» qui 
demeure à Montmartre ? 

R. Non, Monsieur. 

D. Cependant vous avez travaillé pour Fadministration générale 
des voitures, à la butte Saint-Chaumont? 

R. Oui, Monsieur. 

D. Belleguise y a travaillé avec vous, et il est impossible que vous 
ne le connaissiez pas? 

R. Je connais bien des charrons , mais je ne connais pas celui-là. 

D, Vous connaissez aussi un nommé Borel, mécanicien? 
R. Non, Monsieur. 

D. Vous ne niez connaître ces individus que parce qu'ils ap- 



DE DEEIGNY. 181 

partieiinent comme vous à la société des Travailleurs ou Commu- 
nistes ? 

R, Je ne fais partie d aucune société. 

D. Pourtant vous êtes positivement signalé comme l'un des chefs 
de cette association? 

R. C'est une erreur. 

D. Pour qui travaillez-vous actuellement? 

R, Je m occupe de faire construire une maison à mon compte. 

Ici nous avons mis en présence du nommé Deligny le nommé 
Bord, qui a dit : Je ne remets pas monsieur, et je ne crois pas 
l'avoir vu. 

Déligny, de son côté, dit ne pas connaître Borel. 

D. Avez-vous déjà été arrêté? .. : 

R. Oui, Monsieur, et condamné à deux mois, dans l'afiaire des 
poudres. 

Et , le même jour, procédant à l'interrogatoire du nommé Borel, 
nous lui avons dit : 

Est-ce de cet individu que vous avez entendu parler comme 
étant avec Belleguise un des chefs de la &ction des Communistes? 

R. Comme je n'ai jamais vu cet individu , je ne saurais vous le 
dire; et je vous assure, d'ailleurs, ne m'être jamais trouvé avec la 
personne que vous venez de mettre en ma présence. 



1A2 INTERROGATOIRES 



.«Ai 



INTERROGATOIRES DE DAVID. 

David (Juies), âgé de 28 ans, teneur de livres, né à Metz (Mo- 
selle), demeurant à Paris, rue des PetiteS'Écuries, n' 13. 

Interrogatoire subi, le 99 janvier 1841, devant M. Zangiacomi, 

Juge cTinstruction délègue'. 

9 

D. Demeurez* vous depuis longtemps rue des Petites-Ecuries? 
R. Depuis ie terme. 

* 

D, Où habitiez-vous auparavant? 

R, Rue du Faubourg^^int-Denis , n"* 89. 

D. Comme teneur de livres, vous ne demeurez pas chez les per- 
sonnes pour qui vous travaillez? 

R. Non , Monsieur. 

Z>. Pour qui travfûllezrvous babitueiiement ? 

R, Cest une chose à faquelle je ne veux pas répondre , parce que 
vous m avez déjà compromis par cette arrestation. 

D. Vous êtes signalé comme appartenant aux sociétés secrètes , et 
occupant même un grade éfevé dans celle dite des Communistes ou 
Travailleurs ? 

R. Je ne sais pas absolument ce que vous voulez me dire; vous 
parlez de travailleurs : tout ie monde travaille 

D. Déjà plusieurs fois vous avez été signalé à fautorité judiciaire 
à itiison de votre participation dans ces sociétés , et les circonstances 
dans lesquelles vous êtes arrêté aujourd'hui donnent plus d'impor- 
tance à cette imputation ? 

R. Je n'ai pas plus à répondre à cette question qu'à celles que 
vous m'avez déjà faites. Je ne sais pas ce que vous voulez me '* 



WR DAVBI. IM 

D. On vous incatpe dftvoir appartenu , dans ie cours de^Painiée 
dernière , à l'association dite Nationale. 
L'inculpé n'a pas fait de réponse. 

D, Avez-vous déjà été arrêté? 
R. Jaioais, 

D. Connaissez-vous un nommé Boret, raécftfifcien? 
/?. C'est la première fois que j'entends citer ce nom-là. 

U. Quel intérêt avez-vous à cacher le nom des personnes pour 
(jui vous travaillez? 

• 

R, Je n'ai d'autre intérêt (jue de cacher mon arrestation à ces per- 
sonnes, qui pourraient craindre que je ne les compromisse, et qui 
penseraient peut-être que je m'occupe de politique. 

%^ inierrogatoire subi le môme jour par Dat^id, devant le même magistrat. 

Et, le même jour, nous avons de nouveau fait amener devant 
nous Tinculpé David , à l'effet de nous donner des explications sur les 
diverses pièces, au nombre de cinq, saisies à son domicile, et qui sont 
relatives au prix de fusils de munition et de matières incendiaires. 

L'inculpé répond : Je devais partir prochainement pour l'Egypte 
avec un nommé Lisoire, ancien colonel au service de don Miguel; 
il m'avait prié de copier diverses notes sur des canons et fusils 
appartenant à don Miguel, et qui sont encore à Londres. J'avais 
aussi fait diverses évaluations sur des matières incendiaires, dont il 
est l'inventeur, et qui, je crois, se trouvent dans le département des 
Landes. Ce M. Lisoire demeure rue Pavée-Saint-Sauveur, n** 6; 
il pourra vous donner plus de détails à ce sujet. 

D. N'avez-vous pas parlé de ces opérations à un nommé Dorgal? 
R. Non , Monsieur; je ne connais pas cet individu? 

D. Cet individu occupe cependant comme vous un grade dans 
cette société dont on vous accuse de faire partie. 

R. J'ai déjà répondu que je n'appartiens à aucune société poli- 
tique, et que je n'en connaissais même pas. 



184 INTERROGATOIRE 

D. Depuis combien de temps êtes-vous à Paris ? 
R. Depuis 1832. 

D. En quelle qualité étes-vous venu à Paris ? 

R. J'avais voulu entrer au service; mais je n'ai pas suivi cette 
carrière ; et , depuis lors , j'ai travaillé dans diverses maisons , tantôt 
comme copiste, et tantôt comme teneur de livres : ce sont ia mes 
ressources et mes moyens d'existence. 



DE D0R6AL. i85 



INTERROGATOIRE DE DORGAL 



DoRGAL (Louis-Etienne), âgé de 30 ans, ébéniste, né à Digne, 
( Basses- Alpes ) , demeurant à Paris , înie de Crussol, n* 20 bis. 

Interrogatoire subi, le 99 janvier 1841, devant M. Zangiacomi, Juge d'instruction 

dele'gue'. 

D. Vous avez été arrêté lors des afiaires des 12 et 13 mai 1839? 
R. Oui, Monsieur. 

D, A quelle époque êtes-vous sorti de prison? 

/î(. Le 23 octobre 1839, après cinq mois de prévention. 

D, Depuis lors, vous avez été constamment signalé comme occu- 
pant un grade cl^vé dans la société Communiste ou des Travail- 
leurs? 

/?. Je ne m'occupe pas de communauté , et je n'appartiens à au- 
cune société, si ce n'est que je suis (ranc-maçon. 

D. Dans ces derniers temps vous avez été particulièrement , ainsi 
que le nommé Jules David ^ teneur de livres, signalé comme chef 
d'une fraction importante de cette société? 

R. Je réponds que je ne connais pas ces sociétés. 

D. D'où connaissez-vous le nommé David? 
R. Je ne le connais pas. 

D. Vous avez également connu le nommé Darmès ? 

R. Jen ai entendu parler par les journaux, mais je ne le connais 
pas. 

Z). Comme chef de la société des Travailleurs , vous serez l'objet 
des investigations de la justice ? 

Interrogatoires. 94 



y 



186 INTERROGATOIRE 

R. J'ai déjà dit que je n'appartiens à aucune société. 

D. Je trouve dans vos papiei-s une lettre dans laquelle je lis ces 
mots : S'il y a une réponse, la poHer chez M, Blanchard , quai 
Bourbon, rC i7, île Saint-Louis. De qui est cette lettre, et à quoi 
avait-elle trait? 

R. C'est une lettre du Mont-Saint-Michel. Elle est du sieur Her^ 
bulet, qui m'avait demandé des secoiirs. 



DE PILLOT. 187 



INTERROGATOIRE DE PILLOT. 

PiLLOT ( Jean-Jaqques), âgé de 32 ans, homme de lettres, demeu- 
rant à Paris, impasse du Paon, if 7. 

Interrogatoire subi, le 4 novembre 1840, devant M. le Chancelier de France, 

Président de la Cour des Pairs. 

D. Est-ce que vous n*étes pas aussi à la tété d'une église? 

/?. Non , Monsieur : il y a trois ans de cela ; j'ai cessé à cette 
tîpoque. 

D. Vous vous êtes cependant fort occupé jusqu'alors d'opinions 
religieuses ? 

/?. Oui, Monsieur. 

Z>. Vous avez même été précédemment affilié à certaines asso- 
ciations? 

R. J'ai prêché, mais je n'ai jamais été affilié proprement dit. 

D. Avant 1828, n'avez-vous pas fait partie d'une association reli- 
gieuse ? 

/?. Non, Monsieur; avant 1838 j'étais au séminaire. 

D. Mais en sortant du séminaire? 

R, En sortant du séminaire, j'ai été professeur à Marennes, dans 
un établissement public. 

D, Navez-vous fait partie, dans ce temps-là, d'aucune congré- 
gation ? 

R. Non , Monsieur. 

D. N'avez-vous pas été associé avec l'abbé Châiel? 

R, Oui, Monsieur ; s jai prêché pendant huit mois avec fabbë 
Châiel. 



us INTERROGATOIRE 

D. N'avez-vous pas fondé une église au Pecq? 

fi. Oui, Monsieur, mais je n'y ai prêché que trois fois. L'éta- 
blissement a été fermé ; il s'en est suivi une condamnation à six mois 
de prison. 

D. A quel titre présidiez-vous le banquet de Belleville? 

R. Je le présidais en qualité de membre de la commission. On 
devait nommer un président séance tenante, mais les personnes pré- 
sentes à la réunion ne paraissaient pas très-disposées à une élection ; 
d'autre part, cependant, il fdiait bien que quelqu'un présidât afin de 
maintenir l'ordre, on me pria de le faire, et c'est comme cela que je 
m'en chargeai. 

D. Comment s'étaient faites les invitations à ce banquet ? 

R. Par cartes portant le coût du banquet : une personne qui avait 
trois ou quatre connaissances eu prenait trois ou quatre pour les dis- 
tribuer. J'avais été chargé de les faire imprimer. Au reste, je vais vous 
expliquer comment et pourquoi a eu lieu le banquet de Believîiie. Il 
y eut sur le boulevard Mont-Parnasse, chez un nommé Constantin, 
je crois, un banquet présidé par M. Delestre, et auquel assistaient 
MM. Arago, Lafitte, etc. J'avais été chargé de préparer un toast 
pour ce banquet; ce toast ne fut pas appelé, sans doute parce que ie 
temps manqua. Certaines personnes crurent qu'on avait peut-être 
voulu empêcher la manifestation de certains principes, et elles me 
proposèrent de faire partie d une commission qui se proposait d*oi^- 
niser un second banquet , où seraient lus les toasts qui ne Pavaient pas 
été chez Constantin. Telle a été l'origine du banquet de Bellevilie. 

D. Ce banquet de Belleville n'a-t-il pas eu pour principal but de 
propager les principes* communistes? 

R, Les propager, non; mais les mettre au jour, oui, cela est vrai. 
Il est certain que nous avons cru que nous pourrions, en cette occa- 
sion , mettre au jour un principe puisé dans Mably, Thomas Moorc, 
Babeuf, Buonarotti; mais la pensée première de ce banquet a été 
celle que je vous ai dite. 

D. Vous devez depuis long-temps connaître Darmès, car il a été 
de l'église française; il est communiste, et il faisait partie do banquet 
de Belleville? , • 



DE PILLOT. , 189 

R. Je n ai jamais vu Darmès à f église française. 11 est possible qu'il 
fît partie du banquet de Believille, mais je suis certain que ce n'était 
pas moi qui lui avais donné une carte. Jamais je n*ai vu ce nom, ni 
sur mes registres d'église, ni sur mes listes d'abonnés, ni sur celles des 
personnes auxquelles j'ai remis des cartes. 

D. Il était cependant l'un de vos adeptes , car on a trouvé chez 
lui (le vos écrits où il paraît qu'il faisait son éducation? 

R. J'ignore si l'on a trouvé de mes écrits chez lui. 

D. Vous êtes l'auteur de l'ouvrage qui a pour titre ! Ni châ- 
teaux, ni chaumières? 

R. Oui, Monsieur. 

D, Vous êtes aussi l'auteur du premier compte-rendu du premier 
banquet communiste? 

R. C'est moi qui suis l'auteur de tout ce qui a étc^rononcé sous 
mon nom dans ce banquet, mais le compte-rendù n'est pas de 
moi. 

D. Vous connaissez un nommé Halot, peintre en porcelaine, de- 
meurant rue d'Angoulême? 

R. J'ai été rue d'AngouIéme, chez M. Halot, non pour M. Halot, 
mais pour un jeune homme appelé Dutertre , auquel j'avais remis 
un certain nombre de mes brochures. Je suis allé pour savoir si 
mes brochures étaient vendues, mais je n'ai pas vu }i.-Haioi. 

D. Comment avez- vous fait connaissance de ce Dutertre? 

\\ 

R. }l est venu plusieurs fois chez moi à l'occasion du banquet de 
Believille, pour avoir des cartes. On a dû trouver chez moi un 
certain nombre de reçus de lui pour des cartes que je lui avais re- 
mises. 

D. N'étes-vous pas aussi l'auteur d'un livre qui a pour titre : 
Histoire des égaux? 

R. Oui , Monsieur. 

D, N'étes-vous pas aussi l'auteur d'un écrit intitulé : la Tribune du 
Peuple ? 



190 INTERROGATOIRE 

R, Oui, Monsieur; c'est une publication historique que j'avais 
«commencée et que j'ai interrompue il y a dix-huit mois. 

D. N avez-vous pas fait partie de la société des Saisons ? 
/?. Non , Monsieur. 

D. N'avez^vous pas fait partie de la société des Travailleurs ? 
R. Non, Monsieur; je ne fais partie d'aucune société. 

D. Vous faites au moins partie de la société des Communistes 
puisque vous en êtes le chef? 

R. Je ne sache pas qu'il y ait une société de ce nom. Lorsque 
dans mes écrits j'ai employé ie mot communiste , c'était pour expri- 
mer un principe, ie principe du communisme, principe qui se 
trouve dans plusieurs écrits publiés dans ces derniers temps, et par- 
ticulièrement dans un ouvrage de M. Cabet, qui certes a beaucoup 
plus parié du communisme que moi. 

D. Vous venez de prononcer ie nom de M. Cabet, étes-vous en 
rapport avec lui ? 

R. Non Monsieur, je ne le connais pas, mais j'ai lu ses ouvragés 
publiés il y a quelque temps sous le titre de : Voyage en Icarie , 
et ayant uniquement pour but de développer les principes de la 
communauté. 

D. Vous dites qu'il n'y a pas de société Communiste, qu'il ne 
s'agit que d'exprimer un principe ; cependant on a trouvé chez 
Darmès un formulaire et un règlement d'une société qui prend ce 
nom ? 

R. Quant à moi, j'ai toujours cru que les geiis qui se disaient 
communistes n'avaient pour but que de propager des principes 
exprimés par Buonarotti d'abord, par M. Cabet, ensuite, et enfin 
par moi, si j'ai écrit quelque chose qui puisse être compris. 

D. Connaissez-vous un nommé Capet, brocanteur. 

R. Non Monsieur; j'ai connu en loge, dans la loge delà Tolé- 
rance, un nommé Ctqiei, ouvrier ferblantier ; ce Capet demeure rue 
du Temple, n* 43. II m'a prié dans le temps de faire qudques 



DE PILLO^. l»i 

dëiiiarclies à loccasioii (f une cafetière de son invention ; mais il y a 
un an que je ne fai vu. 

D, N a-t-il pas fait partie du banquet de Betleviiie? 
Ji. Non , Monsieur ; du moins je ne nie le rappelle pas. 

D. Cependant on a trouvé son nom dans vos papiers ? 

R, Si son nom se trouve dans mes papiers , c'est qu'il a porté 
pour moi des livraisons de la Tribune du peuple. 

D. Voiis avez été engagé dans les ordres ? 
R, Non , Monsieur. 



192 INTERROGATOIRE 



INTERROGATOIRES DE HALOT. 



Halot (Jules-Eugène), âgé de 26 ans , peintre sur porcelaine , né à 
Paris, y demeurant , jme d'Angoulême, rC i4. 



l«^ interrogatoire subi , ie 17 octobre 1840, devant M. Zangiacomi, Juge «Pinstmc- 

tion délègue'. 

Z). D'où connaissez-vous le nommé Darmès ? 
R. Je ne le connais nullement. 

D. Savez-vous de quoi il est inculpé? 

R. Oui , Monsieur ; je sais son nom pou I avoir vu dans le Mes* 
sager, le 1 5 courant. 

Z). Cet homme a eu évidemment des rapports avec vous ? Je vous 
invite à consulter vos souvenirs? 

R. Rien ne me rappelle ce nym-Ià. 

D. C'est un frotteur, et peut-être savez-vous qu'il demeure rue de 
Paradis-Poissonnière? 

R. Je ne connais pas de frotteur. 

D. On a trouvé sur cet individu, au moment de son arrestation, 
un papier contenant exactement vos noms et votre adresse, et Ton ne 
peut attribuer ce fait au hasard ? 

R. Je ne puis me l'expliquer a moi-même. 

D. C'est d'autant plus un devoir pour la justice de rechercher les 
rapports que vous pouvez avoir eus avec cet individu, que vos précé- 
dents sont connus d'elle et que vous avez été l'objet de poursuites 
pour politique? 



DE HALOT. 193 

R, li est vrai que |ai déjà été poursuivi, mais je ne connais pas cet 
individu. 

D. Vous connaissez un nommé Dutertre jeune? 
R. Oui , Monsieur, il travaille avec moi. 

D, Le nom de cet homme figure à côté du vôtre dans le papier 
saisi sur Darmès? 

R. Peut-être a-t-on abusé de mon nom , mais je ne puis pas m'ex- 
pliquer cela. 

D, Vous connaissez Thostilité des opinions de Dutertre contre le 
Gouvernement, et cette coïncidence enti*e vos opinions et les siennes 
est une présomption de plus que ce n est pas sans motifs que vos noms 
se trouvaient dans le portefeuille de Dmmès? 

R. Nous ne parlions jamais politique dans i atelier. 

D, On a trouvé chez vous uue pétition à la Chambre des Députés; 
de qui la tenez-vous? 

R. On la apportée en mon absence espérant probablement que 
je m en chargerais :ce n'est pas la pétition de là réforme, mais celle 
contre les forts détachés. 

D. Reconnaissez-vous le portefeuille que je vous représente pour 
vous appartenir? 

R. Oui , Monsieur; il ne contient que des papiers indifférents. 

Examen fait de ce portefeuille nous avons reconnu qu'il ne conte- 
nait rien de suspect et nous en avons fait la remise à l'inculpé. 

D, Vous avez déjà été poursuivi pour matière politique? 

R. Oui , Monsieur , trois fois. J'ai été arrêté deux fois et une seule 
fois l'objet de perquisitions. C'était pour l'affaire dtAlibaud et pour 
association. 



Interrogatoires. 95 



>94 INTERROGATOIRES 



9' interrogatoire subi par Halot, le 4 novembre 1840, devant M. ie Chancelier de 

France , Président de la Cour des Pairs. 

l). Vous avez déjà été arrêté dans i'aflaire de Pieschi ou d'Ali- 
baud? 

D. Je nai pas été arrêté dans {affaire Fieschi; je fai été dans 
celle SAlibaud, comme aujourd'hui, sans savoir pourquoi : du reste 
j*ai été relâché immédiatement. 

D, N appartenez-vous pas à la société des Communistes? 
R. Je n'appartiens à aucune société. 

D. Depuis combien de temps connaissez-vous Darmès? 
R, Je connais son nom. 

D. Vous connaissez aussi sa personne? 

A. Non, Monsieur: je fe jure par tout ce qu'il y a de plus sacré; 
je connais son nom depuis le jour où j'ai été arrêté. 

D. Connaissez-vous un écrit que je vous représente , et qui a pour 
titre : Qualités de P homme vraiment moral? 

R. Non, Monsieur, je ne connais ni l'écrit, ni l'écriture. 

D. N'est-ce pas vous qui avez donné cet écrit à Darmès ? 
R. Non, Monsieur. 

Nous avons également représenté au prévenu le verso de cet écrit, 
sur lequel on Ht : Halot , peintre en porcelaine , rue d'Angoulême, 
n"" i4 , et nous lui avons adressé la question suivante : 

D. Comment expliquez^voud cette circonstance? 
R. Je ne saurais l'expliquer. 

D. Je dois vous faire remarquer que cette circonstance est grave. 
Pour qu'un homme qui va commettre un crime ait un écrit sur iui , 
à ce moment-là, il faut qu'il attche du prix à cet écrit? 

R. Cette circonstance est gi*ave, sans doute, dans la forme, mais 
elle ne l'est pas dans le fond. 



DE HALOT' M5 

D. Cette adresse n aurait-elie pas été donnée à Dormes comme 
l'indication d'un lieu où il pourrait se retirer, après avoir coiamis son 
attentat ? 

R. Je ne puis répondre quune seule chose à cette question; c'est 
que je ne connais pas DatTnès et que je n'avais jamais entendu parler 
de lui avant mon arrestation. D'ailleurs, comment aurait-il pu se réfu- 
tçier chez moi? Je n'ai qu'une chambre de garçon, que ^occupe, et 
mon atelier. 

D. Vous passez pour être très-exalté dans vos opinions, et pour en 
avoir donné des preuves lors de Texécution de Morey? 

R, C'est une diffamation. Lors de Fattentat de Fieschi, j'étais au 
parc de Maisons , et j'étais très-loin de me douter qu'il se tramât 
quelque chose. 

D. Que faisiez-vous au parc de Maisons? 

R. J'étais à la campagne , chez un ami de mon père. 

D. N'étiez-yous pas au dîner de Belleville? 

R. Vous voulez parler du banquet communiste? 

D. Oui , sans doute ? 

R. Oui, Monsieur, j'y étais. 

D. Par conséquent tous êtes communiste? 

R. Non , Monsieur; je suis allé à ce banquet comme je serais allé 
à un banquet de toute autre opinion, pour voir ce qui s'y passait, ce 
quon y disait; c'était une démarche de pure curiosité. 

D. Connaissez-vous le nommé Pillot, chef des Communistes ? 

R. Non, Monsieur; je n'appelle pas connaître un homme que de 
l'avoir vu présider un banquet : c'est la seule fois que je Taie vu. 

D. Étiez-vous au banquet de Chàtillon? 

R, Oui , Monsieur. 

£). Avec qui y étes-vous ailé ? 

R. J'y suis allé seul. 

S5 



196 INTERROGATOIRES. 

D. Daignés était aussi au banquet de Bellevilfe et à celui de Châ- 
tillon ; est-ce que vous ne l'y avez pas vu ? 

/2. Je vous observe que je ne le connais pas; je n'ai su son nom (pie 
le 15 au soir, dans un café, en lisant le Messager. 

D. Faisiez-vous partie de la réunion d ouvriei*s qui a eu lieu dans la 
plaine de Pantin ? 

R. Je n'ai jamais fait partie d'aucune association de travailleurs ; si 
je suis allé au banquet de Belleville et à celui de Châtillon, c'est qu'ils 
étaient autorisés. 

D. Persistez-vous à dire que vous ne connaissez pas Darmès, et 
que vous ne reconnaissez pas l'écrit que je vous ai représenté tout-à- 
rheure? 

R. J'ai dit la vérité , et j'y persiste. 

D. Connaissez-vous un nommé Valentin DucloSy conducteur de 
cabriolets? • 

/?. Non, Monsieur. 



DE DUTERTRE ( Frédéric ). 19^ 



INTERROGATOIRES DE DUTERTRE ( Frédéric ). 



DuTERTRR (Frédéric), âgé de 27 ans, artiste peintre sur porcelaine , 
«e à Trieste, demeurant à Paris, quai Napoléon^ n* 43. 

\^^ interrogatoire subi, le 24 décembre 1840, devant M. Zangiacomi, 

Juge d'instruction dele'gue'. 

D, Vous travailliez, avant le 16 octobre dernier, chez le nommé 
Halot? • 

R. Oui, Monsieur. 

D. Pourquoi, depuis le 15 octobre, avez-vous cessé d'y paraître? 
R. Parce que je n'y avais plus d'ouvrage. 

D. Vous avez été, dès le 1 5 octobre, l'objet de poursuites comme 
complice de Darmès; ne serait-ce pas à raison de cette circonstance 
que vous auriez quitté Halot? 

R, Non, Monsieur; je ne savais même pas que j'avais été pour- 
suivi. 

D. Votre nom s'est trouvé sur un papier dans la poche de Darmès, 
et il est difficile de croire que vous n'ayez point eu quelques rapports 
avec cet homme? 

R. J'ignorais cette circonstance , et je ne me Fexplique pas. 

D. Halot et vous devez le connaître ? 
R, Je ne le connais pas, je le répète. 

D. Depuis le 15 octobre, n avez-vous pas quitté Paris? 

R. Non, Monsieur: jai déménagé le 8 octobre et suis allé de la rue 
des Vertus au quai Napoléon ; ce qui fait qu'on ne savait peut-être 
pas où je demeurais , mais je n'ai pas quitté Paris. * 



\9S INTERROGATOIRES 

D. Avez-vous continué , depuis sa mise en liberté , de fréquenter 
le nommé Halot? 

R. Je ne Fai vu qu'une fois ou deux; il ni*a même dit, ce qui ma 
beaucoup étonné , qu'on lui avait parlé de moi, et de prendre mes 
précautions : comme je n avais rien à me reprocher, fai continué de 
vivre comme par le passé. 

Ici nous avons fait entrer dans notre cabinet le nommé Fagani, 
qui , examen foit du nommé Dutertre, a déclaré ne point te reconnaître 
pour findividu qui était avec Datmès au moment de son attentat. 

D. Au sieur Dutertre : Avez-vous déjà été arrêté ? 

R. Non, Monsieur. 



i' interrogatoire subi ^mr Dutertre [Frédéric)^ le 5 jmnTier 1841, devant 

M. Zangiacomi, Jage d'instruction délègue. 

Nous avons converti en mandat de comparution la citation adres- 
sée au témoin , et t'avons interrogé comme suit : 

D. Vavez-vous pas un frère aîné à Paris? 

R, Non, Monsieur; je suis au contraire t'aîné, et fai un frère plus 
jeune que moi de trois ans. 

D. Pourtant, vous paraissez être connu sous te nom de Dutertre 
jeune ? 

R. Non, Monsieur; je ne puis être désigné ainsi, puisque, je le 
répète , je suis Taîné. 

D, Cependant c'est bien vous qui travailliez chez te sieur Halot, 
et je vous ai montré ces mots : Dutertre jeune , accolés i ceux SHa-^ 
lot, sur un papier trouvé sur Darmès? 



R, Il est vrai que j'ai travaille chez Halot; mais je n'en suis pas 
moins Tainé de ma famille. 

D. Quelle est la profession de votre frère? 
R, Il est, comme moi, peintre sur porcelaine. 



DE DUTERTRE (PRSDBfiic.) IM 

D. Ne connaîtrait-ii pas, comme vous, le nommé Halot? 
R. Oui, Monsieur. 

D. N'aurait-il pas travaillé, comme vous, chez Halot ? 
R. Oui, Monsienr. 
D. Où demeure votre frère? 

R. Je ne sais pas son adresse actuelle, et il y a quelque temps 
que je ne lai vu; il est garçon, et il loge tantôt dans un endroit, 
tantôt dans un autre. 

Lecture faite , a signé. 



900 INTERROGATOIRE 



INTERROGATOIRE DE DUTERTRE (Théophile). 

DuTERTRE (Théophile), âgé de 23 ans, peintre sur porcelaine , né 
à Dresde (Saxe), demeurant à Paris, rue du Grand-Prieuré, 



Interrogatoire subi, le 1 1 janvier 1841, devant M. Zaogiacomi, Juge d'instruclion 

délègue'. 

D. Vous travaillez chez un sieur Halot? 
R. Oui, Monsieur. 

D. Vous y travailliez déjà dans le cours des mois d'août et de 
septembre dernier? 

R. Oui , Monsieur ; j'y suis employé depuis les mois de février et 
de mars derniers. 

D. N^avez-vous pas fait connaissance par Halot d'un sieur Borel? 
R. Non, Monsieur; je ne le connais pas. 

D. Pourtant voici v'otre nom, Dutertre jeune , écrit de la main 
d'un sieur Borel, car c'est bien vous qui êtes Dutertre jeune ? 

R. C'est bien moi qui suis Dutertre jeune , mais je ne connais pas 
Borel, et je ne sais pas ce que cela veut dire. 

D. Comment expliquez-vous que cette inscription de votre nom 
avec votre qualité de puîné , écrite de la main de Borel, se soit 
trouvée en la possession de Darmès, auteur de l'attentat du 15 oc- 
tobre ? 

R. Ne connaissant pas le nommé Borel, je ne puis expliquer cette 
circonstance. 

D. Votre nom se trouve au verso d'une espèce de formulaire de 



DE DUTERTRE (TiiioPHiLB). 201 

rassociatioo des Communistes, et tout indique que c'est" parce que 
vous appartenez à cette société qu'il se trouve sur cette pièce , avec 
la désignation de la personne chez qui vous travaillez? 

R. Je ne connais pas Borel ni d'autres; je ne sais pas ce que cela 
veut dire. 

D. Vous devez connaître Darmès , qui comme vous appartenait à 
ces sociétés ? 

R, Je ne connais pas Darmès , et je me perds en conjectures sur 
la présence de mon nom sur ce papier. Je travaille régulièrement de 
mon état, et assurément je n'ai pas le temps de tremper dans de pa- 
reilles affaires. 

D. Avez-vous déjà été arrêté ? 
R, Non, Monsieur, jamais. 



Intbrrogatoirbs. 96 



Mf INTERROGATOIRE 



INTERROGATOIRR DE BIGUET. 



Bm;urt (Jules-Chartes), âgé de 4ii ans y né à Paris, domestique 
au service de A/. Dubois, architecte^ deineurani au Palais- 
Bourbon. 



loterrogaioire subi, le 37 mars 1841, devant M. Zaogiacomi , Conseiller à la 

Cour rojale de Paris, délègue'. 



D. Depuis . combien de temps habitez-vous Paris? 

R. Jai toujours habité Paris; ma mère était au service de 
M. Porta!, premier médecin du Roi, qui m'a fait entrer, il y a 
23 ans, chez M. Victor Dubois, aujourd'hui architecte du Roi et 
de M. le duc d'Aumaie. 

D. A quelle époque avez-vous commencé à connaître le nommé 
Darmès ? 

R. Loi*sque jetais tout jeune et que j'habitais encore chez 
M. Portai, avec ma mère, vers 1810 : Darmès était jockey dans 
la même maison, chez un M. Bourgeois, ancien juge au tribunal 
de cassation; Darmès pouvait avoir alors 2 ou 3 ans plus que moi, 
et c'est depuis ce temps-là que je le connais. 

D. Depuis 1810, avez-vous continué d'avoir des rapports avec 
lui? 

R. En 1812, il quitta ses maîtres : j'ignore chez qui il entra ; 
mais je le revis depuis tous les cinq ou six ans. Vers 1 8 1 8 , il était 
chez M. le marquis d'Harcourt, Pair de France: quelques anuées 
après, vers 1825, se trouvant sans place, il vint me demander de 
m'intéresser à lui, et je le fis entrer chez M. le comte d'Auteuil, 
ancien aide de camp de M. le prince de Condé. Il y resta 2 ou 3 ans , 



DE BIGIJET. ao3 

après quoi je lui procurai une place chez le frère de mou maître, 
bibliothécaire au Palais-Bourbon; il en sortit en 1829, et depuis 
je ne lai pas revu, si ce n'est toutefois chez ie trésorier des Inva- 
lides où il était domestique; mais c'est dans le cours de cette même 
année 18 29. 

D, Ainsi, selon vous, il y aurait maintenant 12 ans que vous ne 
l'auriez vu? 

R. Oui, Monsieur; j'en suis très-sûr, et je le jure. 

D. Pendant que vous étiez en rapport avec lui , il existait donc 
un(* relation fort intime entre vous et lui ? 

R. Oui , Monsieur, c'étaient des relations d'enfance: nous avions été 
à l'école ensemble; nous nous étions vus chez ma mère, et nous 
étions liés comme on l'est en cas pareil. 

D, DajTnèSy pendant le temps que vous l'avez connu si particu- 
lièrement, a dû vous parler politique? 

R. Jamais je ne lai entendu parler politique. 

D. Ainsi, avant 18 29, il ne s'occupait pas de politique? 
R. Du moins je ne l'ai jamais entendu en parler. 

D, Et vous êtes bien sûr de ne l'avoir point vu depuis 1829 
et de n'avoir point eu de conversation avec lui sur ce sujet? 

/?. Oui , Monsieur, j'en suis sûr. 

D. Domès, dans sa prison , a invité sa mère à vous voir, et il a 
exprimé de grandes inquiétudes que vous ne fussiez comme d'autres, 
prétend-il , gagné par Fargent pour parler contre lui. Comment expli- 
quez-vous cette inquiétude qui semble le travailler et les propos 
qu'elle lui a fait tenir, s'il s'est écoulé tant de temps depuis que vous 
avez eu des rapports avec lui ? 

R, Je ne comprends pas cela : je ne sais rien sur lui ; je n'ai 
jamais entendu rien dire contre lui. Il était honnête homme quand 
je l'ai connu, et je ne sais pas ce qu'il peut craindre que je dise 
contre lui. 

D, Cependant, ces inquiétudes dont je vous parie, il les a sou- 
te. 



104 INTERROGATOIRE DE BIGUET. 

vent exprimées; il les a mystérieusement communiquées à sa mèrer 
et cette conduite serait inexplicable si vous n'aviez pas eu quelque 
connaissance de faits de sa part dont il craindrait la révélation ? 

/?. Jamais, je le répète, je n'ai rien eu contre lui, et je vous 
jure que je ne comprends pas ce qu'il a pu vouloir dire. 

D. On a trouvé chez vous plus de 2 0,000 francs; pouyez-voiis 
justifier de l'origine de cette somme ? 

R. Ce sont mes économies depuis 28 ans, le montant des suc- 
cessions de mon père et de ma mère, et enfin le produit d'un 
petit commerce que je fais sur les chevaux , les voitures et Iqs har- 
nais. Mon maître m'a autorisé à faire ce commerce» et j'avais cet 
argent chez moi pour en faire un nouveau placement. 

D. Avez-vous jamais prêté ou fait prêter de Targent i Darmès? 

R. Il y a 20 ou 25 ans, je lui ai prêté de petites sommes; mais 
il me les a toujours fidèlement rendues. 

D. Connaissez- vous quelqu'un qui ait conservé^ des rapports 
habituels avec Darmès? 

R. Non, Monsieur. 

D. Vous n*avez jamais été Tobjet de poursuites? 
R. Non^ Monsieur, jamais. 



SUPPLEMENT 



AUX INTERROGATOIRES DES INCULPES. 



( 17'* interrogatoire subi par Darmhs, le 6 mai 1841 , devant M. le -Chancelier de 

France, Pre'sident de la Cour des Pairs.) 

D, Vous avez écrit à M. Zangiacomi que vous aviez quelque 
chose à ajouter à vos précédentes déclarations. Si telle est votre in- 
tention , vous n'avez pas de temps à perdre, car le rapport de votre 
affaire sera fait incessamment. • 

/?. Oui, Monsieur: j'ai d'abord quelque chose à ajouter à ma der- 
nière interrogation; ensuite j'ai à dire une chose qui est contre moi, 
mais ma religion me l'ordonne, pour que vous ne regardiez pas 
comme coupables des personnes qui sont innocentes. D'après ce que 
j'ai entrevu dans mes inten^ogations , on voudrait que ce fussent des 
patriotes cjui m'auraient remis des armes; cela n'est pas. Quant à ma 
carabine , je vous ai dit où j'en avais fait l'acquisition. Le poignard', je 
vous ai dit que c'était la bonne de M. Izoard qui l'avait remis à ma 
femme; je m'en suis emparé : il provenait, je crois, d'un M. Lefébure, 
un peintre du temps de Charles X, qui avait occupé l'appartement de 
M. Izoard avant lui. Les pistolets provenaient de M. Dutrône , con- 
seiller à la Cour royale d'Amiens, qui demeurait boulevard des Ita- 
liens, n" 9 , dans la maison oii sont les bureaux de la Parisienne. Un 
jour, ces pistolets étaient dans une chambre où je travaillais ; je m'en 
suis emparé, pour m'en servir en cas de besoin. Du reste, c'est la 
seule chose que j'aie détournée dans cet appartement , où il y avait un 
très-beau mobilier, auquel je n'ai jamais touché. Voilà ce que j avais 
à dire sur les ai^mes. Je voudms revenir sur mes précédentes interro- 
gations; ayant été pris à l'improviste , je n'ai pu répondre parfaite- 
ment. Je dirai la vérité, parce que, quand un homme a fait abnéga- 
tion de sa vie et de son sang, il ne craint pas de dire la vérité. H est 



Sti)^ SUPPLÉMENT 

vrai quun jour, en rentrant dans ma prison, j'ai dit : «Ils veulent ab- 
(«solument des victimes, ils veulent que nous soyons quatre sur la 
« place de ia Ck)ncorde .... Non , je n'étais pas seul .... nous ver- 
^rons plus tard. ^ C'est par humanité que j'ai parlé des personnes 
qu'on voulait impliquer dans l'affaire du 1 5 octobre. Un soir, en 
ouvrant ma fenêtre, je me suis apitoyé sur leur sort; j'ai dit qn*elles 
devaient beaucoup souffiîr dans leurs cabanons, qu'on les assassinait 
avant de les mettre en jugement. Puis je m'approchai du poéle, et je 
disr^tMoi, j'ai du feu; eux, ils nen ont pas. Le gardien Cazan me 
^dit : «Si vous vouliez dire la vérité, il serait possible qu'on levât le 
«seci^t, et que les personnes auxquelles vous vous intéressez se 
«trouvassent mieux. ^ Je fis un tour dans ma chambre et je dis : 
«Lafiaire de ce malheureux Valentin est tellement embrouillée, 
«que je crains qu'il ne soit condamné à vie et même à mort. Si j'é- 
«tais un scélérat, le moindre mot que je pourrais inventer pourrait 
«faire tomber sa tête. J'espère qu'il pourra prouver l'emploi de la 
«journée du 15. II n'y a qu'un témoin qui le charge, et il ne peut pas 
« être cru ; c*est le pontonnier de la place de la Concorde, et moa- 
«chard à prime, lacile a comimpre. S'il disait qu'il m'a \'u seul, ce 
« serait la vérité ; mais dire qu'il m'a \ u en compagnie , c'est un men- 
« songe. » 

D. N'avez- vous rien autre chose à ajouter ? 
R. Non , Monsieur. 

D. Quand vous avez volé les pistolets de M. Dutrône, aviez- vous 
rintention de vous en servir pour un crime ? 

R. Je les ai volés pour m'en senir au besoiu. 

D. L'affaire des pistolets , dodt vous vous occupez beaucoup , est 
indifférente ; mais ce qui ne Test pas , c'est ce qui est relatif à votre 
carabine : or, sur ce point, vous avez menti avec impudence: car 
vous savez bien que f homme de qui vous prétendez Tavoir acheta 
ne vous la pas vendue? 

R. Il me Ta vendue au mois de juillet 1839. 

D. Il ne vous Fa pas vendue à cette époque-là, car il ne Favait 

R. Si, il Tavait; mais il ^ des raisons pour dire le contraire. 



AUX INTERROGATOIRES DES INCULPES. 307 

D. Quelles sont ces raisons ? 

R. Cette raison est qu'on peut préparer des choses comme on 
veut les avoir. 

D. C'est tout ce que vous avez à dire ? 
R, Oui, Monsieur. 

/). Il est évident que vous n'avez demandé aujourd'hui à être en- 
tendu que pour tâcher de détruire FefTet accablant des déclarations 
que vous avez faites à vos gardiens, et que vous avez renouvelées de- 
vant moi; vous avez voulu courir après vos paroles. Je vous avertis 
que vous y avez très-mal réussi; et que, de plus, le soin que vous pre- 
nez dans cette circonstance ne peut qu'aggraver ie sort de cehn' que 
vous avez voulu excuser, 

/?. J'ai dit la vérité depuis ([ue je suis ici; si j'ai dit quelque chose 
(le mal , c'est faute de savoir m'expliquer. 

D. Où aviez-vous pris qu'on assassinait , avant de les mettre en 
jugement) les personnes compromises dans votre affaire; car vous ne 
communiquiez pas avec ces personnes? 

R, Quand on passe tout un hiver en prison, je crois que cela peut 
s'appeler être maltraité. 

D. Vous n'aviez qu'un parti à prendre pour rendre votre situation 
moins odieuse, c'était de dire la vérité. Quand vous avez demandé à 
être interrogé aujourd'hui, j'ai cru que vous aviez pris ce parti; mais 
je vois que vous persistez dans vos mensoges : ainsi votre situation 
reste la même. 

R. Je ne peux pas faire des inventions. 

D. On ne vous demande qu'une chose, c'est de dire la vérité. 
Vous n'avez rien à ajouter ? 

R, Non, Monsieur. 

Après lecture, etc., a signé. 

Et, par continuation , nous avons adressé à Daignés ies questions 
suivantes : 

D, En relisant l'interrogatoire que vous venez de subir, f ai reconnu 



908 SUPPLÉMENT 

(]u il était indispensable que je vous adressasse une question de plus. 
Vous avez dit : tills veulent absolument des victimes; ils veulent que 
w nous soyons quatre sur la place de la Concorde. . . . Non , je n'étais 
wpas seul nous verrons plus tard.» 

R. Je n'ai pas dit : <t Je n'étais pas seul ; ^ j'ai dit : et Je ne suis pas 
ttseul.M 

D, Quelle est la différence que vous mettez entre ces deux ma- 
nières de s'exprimer ? 

R, L'une veut dire que j'étais sur la place de la Concorde avec des 
individus, avec des complices. 

/). Que veut dire l'autre ? 

R. Je m'expliquerai plus tard. 

D. Vous feriez mieux de vous expliquer tout de suite. 

R, ^ Je ne suis pas seul » veut dire qu'il y a six mille ans que la tour 
de Babel est derrière nous. Il n'y a plus que deux partis dans ie monde: 
l'aristocratie et la démocratie ; ces deux partis ont déployé leur ban- 
nière , et la guerre est ainsi devenue perpétuelle. 

/). Cest là Fexplication que vous donnez? 
R, Oui y Monsieur. 

D. Personne ne pourra se payer des paroles que vous venez de 
prononcer ; si vous n avez rien de plus à dire , le sens vrai de vos ré- 
ponses restera acquis à Finstruction. Vous avez dit a vos gardiens que 
vous n étiez pas seul sur la place de ia Concorde ; vous l'avez répété 
dans un interrogatoire que je vous ai fait subir ; vous Favez ditencore 
tout à rheure , et vous n'avez pas réclamé contre cette expression 
quand on vous a relu votre interrogatoire? 

R, C*est que je n'y ai pas fait attention ; fai voulu dire : «Je ne suis 
npas seul,» et non pas : «Je n'étais pas seul. » 

D. Vous tenez beaucoup à innocenter Valentin Duclos ; vous au-, 
riez deux manières de Tinnocenter : la première serait de dire quefles 
sont les personnes avec lesquelles vous étiez sur la place de là Con- 
corde « et qui ne seraient pas lui ; la s<^conde consisterait à expliquer 
d^une manière suffisante cette locution : «Je ne sub pas seul,» si, par 



J 



/ 



AUX INTERROGATOIRES DES INCULPÉS. S09 

exemple, vous avez voulu dire : «Je n'étais pas avec des complices sur 
la place Louis XV, mais néanmoins je ne suis pas seul, | ai des com- 
plices ailleurs ; M et , dans ce cas encore, il faudrait indiquer quels sont 
ces complices? 

A. Je ne puis pas dire des choses qui ne sont pas. 

Z). Vous avez encore dit, dans l'interrogatoire que vous avez subi 
tout à l'heure , que ia personne de qui vous prétendez avoir acheté 
votre arme parait avoir ses raisons pour ne pas dire la vérité : je 
vous demande encore une fois ce que vous entendez par ces paroles? 

/?. On peut arranger les choses comme on veut. 

D. Cela ne signifie rien. Prétendriez-vous que cet homme aurait 
quelque chose à cacher? 

R, Non, Monsieur; à vous dire le vrai, on peut le corrompre. 



Pour copie conforme aux pièces de la procédure : 

Le Greffier en chef, 
E. CAUCHY. 



Interrogatoires. S7^ 



■J-4fNH" 



TABLE ALPHABÉTIQUE 



COMPRENANT 



Les noms des inculpés dont les interrogatoires se trouvent rapportés 
dans ce volume, avec la date de ehaoun de ces interrogatoires; 

Et l'indication des confrontations qui ont eu lieu entre plusieurs de 
ces inculpés et divers témoins. 



Pftfet. 

Albbrt, voir Mabtin. 

Bellbguise 1*^ interrogatoire, du 20 janvier 1841, devant 

M. ^angiacomi 170 

2* interrc^toire, du 27 janvier 1841, devant 

M. le Chancelîer 173 

Sa confrontation du 2 février 1841, avec finculpé 

Borel, devant M. le Chancelier 127 



BiGUET Interrogatoire du 27 mars 1841, devant M. Zan- 

giacomi 202 

Borel l**" interrogatoire, du 26 décembre 1 840, devant 

M. le Chancelier 95 

2* interrogatoire, du 28 décembre 1840, devant 

M. le baron Girod ( de TAin ) 107 

3* interrc^toire, du SI décembre 1840, devant 

M. le Chancelier 108 



^^ TABLE 

Pâgef. 

H^i^eo, ... 4* raterrogatoire, du 13 janvier 1841, devant 

M. le Chancelier 111 

5* interrogatoire, du 17 janvier 1841, devant 

M le Cli*icclier .^ 118 

6* interrogatoire, du 24 janvier 1841, devant 

M. Zangiacomi 127 

7* interrogatoire, du 2 février 1841, devant M. le 

Chancelier Ibid. 



1 ■ ■ 



• 

■ t 



8* interrc^atoii:^, du 5 février 1841, devant 

M. Zangiacomi 137 

9* interrogatoire, du 20 février 1841, devant 

M. Zangiacomi 138 

Sa confrontation, du 24 janvier 1841 , avec Fin- 

culpé Belleguise, devant M. Zangiacomi. . 127 

Sa confrontation, du 2 février 1841, avec les in- 
culpés Duclos, Pcries, Belleguise, Guéret 
dit le Grand-Louis, et Darmès, devant 
M. Zangiacomi Ihid. 

Sa confrontation, du 29 janvier 1841 , avec l'in- 
culpé Bouge, devant M. Zangiacomi 155 

Sa confrontation, du 2 février 1841, avec i'in- 
culpé Martin dit Albert, devant M. le 
Chancelier 177 

Sa confrontation, du 6 février 1841, avec l'in- 
culpé Z)e/i^wy^ devant M. Zangiacomi. . . 180 

RORBL (femme).. . Sa confrontation, du 18 février 1841, avec l'in- 
culpé Darmès, devant M. le Chancelier. . 80 

BoiUK dit LE GrosJoS£Ph. l""' interrogatoire, du 29 janvier 1841, 

devant M. Zangiacomi . 155 

2' interrogatoire, du 12 février 1841, devant 

M. Zangiacomi 160 



DES MATIERES. 213 

Page 

Bouge dit le Gros-Joseph. Sa confrontation , du 12 février 1841, 

avec rincufpé Pertes, devant M. Zangiacomi. 146 

Sa confrontation, du 29 janvier 1841 , avec Tin- 

culpé Borel, devant M. Zangiacomi 155 

Cazan Sa confrontation, du 26 février 1841 , avec Tin- 

cuïpé Darmes , devant M. le Chancelier. 47 



Champagne , voir Périès. 



CONSIPERE l*'^ interrogatoire, du 26 novembre 1840, devant 

M. Zangiacomi. . 87 

2^ interrogatoire, du 19 décembre 1840, devant 

M. Zangiacomi. 88 

Sa confrontation, du 21 décembre 1840, avec 
les témoins Hénot, Fagard, femme Félisa 
et femme Saint-Gaudiens ^ devant M. le 
baron Girod (de l'Ain) 71 et^ttit;. 

Darmès 1" interrogatoire, du 15 octobre 1840, devant 

M. le préfet de police 1 

2" et 3* interrogatoires, des 15 et 16 octobre 

1840, devant M. Desmortiers 3 

4* interrogatoire, du 16 octobre 1840, devant 

M. Zangiacomi 7 

S*" interrogatoire, du 19 octobre 1840, devant 

M. le Chancelier Ibid. 

6*" interrogatoire, du 28 octobre 1840, devant 

M. le Chancelier 10 

7* interrogatoire, du 29 octobre 1840, devant 

M. Zangiacomi. . 17 

8^ interrogatoire, du 29 octobre 1840, devant 

M. Zangiacomi 18 



I 



St4 TABLE 

DARMÈd 9* interrogatoii-e , do 4 novembre 1840, devant 

M. le Chancelier 19 

1 0* interrogatoire, du 21 novembre 1 840, devant 

M. le Chancelier 23 

1 1* interrogatoire, du 14 décembre 1 84o, devant 

M. Zangiacomi 30 

1 2' interrogatoire, du 1 6 décembre 1840, devant 

M. Zangiacomi 34 

1 3* interrogatoire, du 24 décembre 1 84o, devant 

M. Zangiacomi 38 

14* interrogatoire, du 27 janvier 1841, devant 

M. le Chancelier 41 

15' interrogatoire, du 1" février 1841, devant 

M. Zangiacomi 45 

16* interrogatoire, du 26 février 1841, devant 

M. le Chancelier 47 

Sa confrontation, du 26 février 1841, avec les 
témoins Cazan, Sauge et JoUois^ devant 
M. ie Chancelier 47 

Sa confrontation, du 21 décembre 1840, avec 
les témoins Hénot, Fagard, femme Felisa 
et femme Saint'Gaudiens , devant M. le 
baron Girod (de l'Ain) 71 et Muiv. 

• 

Sa confrontation, du 18 février 1841, avec le 
témoin femme Borel, devant M. le Chan- 
celier 83 

Sa confrontation, du 2 février 1841, avec Tin- 

culpé Borel, devant M. le Chancelier. ... 127 

Sa confrontation, du 12 février 1841, avec Fin- 

culpé Robert, devant M. Zangiacqmi 167 

17* interrogatoire, du 6 mai 1841, devant 

M. le Chancelier 205 



DES MATIÈRES. 915 

Pagei. 

David l* interrogatoire, d» 22 >|anvier 1841, devant 

M. Zangiacomt 182 

2* interrogatoire^ du 22 janvier 1841, devant 

M. Zangiacomi 183 

Dbligny Interrogatoire, du 6 février 1841, devant M. Zan- 
giacomi 180 

Sa confrontation, du 6 février 1841, avec l'in- 
culpé Sorel, devant M. Zangiacomi Ibid. 



I 



DoRGAL Interr<^toire , du 22 janvier 1 84l,devaiitM.2^«h 

giacomi. • 185 



DtJCLOS 1*^ interrogatoire, du 20 octobre 1840, devant 

M. Zangiacomi 55 

2* interrogatoire, du 22 octobre 1840, devant 

M. le Chancelier - 58 

3* interrogatoire, du 20 octobre .1840^ davuDt 

M. Zangiacomi ^ 65 

4* interrogatoire, du 4 novembre 1840, devant 

M. le Chancelier Ibid» 

y îiiteFrogatoir«,du'21 novembre 1840, devant 

M.ie Chancelier 67 

6* ititerrc^'.aire, du'25 novembre 1840, devant 

M. Zangiacomi 70 

7* interrogatoire, du'21 décembre 1840, devant 

M. ie baron Ghtïd (de TAin ) 71 

8* interrogatoire, du 27 janvier 1841, devant 

M. le Chancelier , 7fi 

y interrogatoire, tlu 18 février 1841, devant 

M. fc Chancelier 80 



DES MATIERES. Î17 

Pages, 

5PH (le), voir Bouge. 

it LE Grand Louis. Interrogatoire, du 19 janvier 1841, 

devant M. Zangiacomi 168 

Sa confrontation, du 2 février 1841, avec Fin- 

culpë Borel, devant M. le Chancelier.. . . 127 



1 •' interrogatoire , du 17 octobre 1840, devant 

M. Zangiacomi 192 

2* interrogatoire, du 4 novembre 1840, devant 

M. le Chancelier 194 



Sa confrontation, du 21 décembre 1840, avec 
les inculpes Duclos, Considère et Darmès, 
devant M. le baron Girod (de f Ain ). ... 71 

Sa confrontation, du 26 février 1841, avecTin- 

culpë Darmès, devant M. le Chancelier.. . 47 



t Albert, l*' interrogatoire, du 7 janvier 1841, devant 

M. Zangiacomi 176 

2* interrogatoire, du 2 février 1841, devant M. le 

Chancelier 177 

Sa confrontation, du 2 février 1841, avec Fin- 

culpë Borel, devant M. le Chancelier Ibid, 



Sa confrontation, du 18 février 1841, avec 

l'inculpé Duclos, devant M. le Chancelier. 80 



Champagne l"" interrogatoire, du 9 janvier 1S41, devant 

M. Zangiacomi 140 

^'^ interrogatoire, du 12 janvier 1841, devant 

M. Zangiacomi 141 

GAT01RE8. 98 



il 8 TABLE 

Pages. 

PÉRiès dit Champagne. 3* interrc^atoirey du 2.7 janvier 1841, devant 

M. le Chancelier 142 

4* interrogitoîrei du 12 février 1^41, devant 

M. Ziangiacomi 146 

Sa confrontation y du 2 février 1841 , avec fin- 

culpé Borelf devant. M. le Chancelier. ... 127 

Sa confrontation , du 12 février 1841, avecFin- 

culpé Bouge, devant M. Zangiacomi 146 



PiLLOT Interrogatoire, du 4 novembre 1840, devant 

M. le Chancelier 187 



Racarie 1*** interrogatoire, du 10 décembre 1840, devant 

M. Zangiacomi l48 

2* interrogatoire , du 17 décembre 1840, devant 

M. Zangiacomi 149 

3* interrogatoire^ du 2 février 1841, devant 

M. le Chancelier 152 

Sa confitMitation, du 24 décembre 1840, avec 
Finculpé Sùmard, devant M. Zangiacomi .... 16b 



Robert l" interrogatoire, do 24 décembre 1840, devant 

M. Zangiacomi 163 

2* interrogatoire , du 24 décembre 1 840 , devant 

M. Zangiacomi 1 66 

3* interrogatoire, du 12 février 1840, devant 

M. Zangiacomi 167 

Sa confrontation, du 24 décembre 1840, avec 
Finculpé SUmard et le témoin Fagard, 
devant M. Zangiacomi 164 et suiv. 



Sa confrontation, du 12 février 1841 , avec le 

témoin Simard et Finculpé Darmès 167 



DES MATIÈRES. 219 

Pagen. 

Saint-Gaudiens (femme).- Sa confrontation^ du 21 décembre 1840, 

avec les inculpés Duclos, Considère et 
Darmès, devant M. le baron Girod 
( de FAin ) 76 

Sauge Sa confrontation, du 26 février 1841 , avec 

fincufpé Z)armè5, devant M. le Chancelier. 47 

SiMARD Sa confrontation, du 24 décembre 1840, avec 

Hncuipé Robert, devant M. Zangiacomi. . 164 

Sa confrontation du même jour avec les inculpés 

Duclos et Racarie, devant M. Zangiacomi . 1 66 

Autre confrontation, du 12 février 1841, avec 

Tinculpé Robert , deydLïiX M. Zangiacomi. . 167 



^ ^U*W U^U »i^A 



l^arbarb CoUege librars 




DEPOSITED BY THE 

MASSACHUSETTS 
STATE LIBRARY 



fPI^^ 





1